Les Jeux olympiques de 2024 : accueillir le Monde
Un siècle après les avoir accueillis, Paris a l’honneur de recevoir à nouveau les Jeux olympiques et paralympiques d’été en 2024. Cet événement sportif de tous les superlatifs, avec l’équivalent de 40 championnats du monde pendant deux semaines, 15 615 athlètes et accompagnants, 50 000 volontaires, 20 000 journalistes, 13 millions de billets prévisionnels, 4 milliards de téléspectateurs… reste un immense défi à organiser.
Pour relever ce défi, le législateur a créé une structure spécifique unique dans la sphère publique : la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo). Elle se distingue du Comité d’organisation Paris 2024, association de droit privé qui assure l’organisation plus générale des Jeux en lien avec le Délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques (DIJOP) rattaché directement au Premier ministre. Établissement public de l’État dont la mission est de veiller à la livraison de l’ensemble des ouvrages et à la réalisation des opérations d’aménagement nécessaires à l’organisation des Jeux dans les délais, les coûts et le programme fixés par le CIO, la Solideo doit relever deux défis : l’un organisationnel, l’autre opérationnel.
D’abord un défi organisationnel
Elle doit en effet, tout en maîtrisant l’ensemble des fonds publics nécessaires (1,4 milliard d’euros en valeur 2016), superviser le travail de pas moins de 29 maîtres d’ouvrage publics et privés, de Paris jusqu’à Marseille. En d’autres termes, garantir une livraison dans les délais, les coûts et les programmes dans un écosystème de travail complexe, du fait de l’organisation administrative de notre pays, et inédit dans l’histoire olympique.
Complexité qui tient aussi à l’hétérogénéité des ouvrages à construire, puisque les Jeux nécessitent des aménagements aussi différents que le Village olympique et paralympique, le village des journalistes (Cluster des médias), le Centre aquatique olympique, les voies olympiques (autoroutes aménagées, échangeurs) ou des travaux de rénovation de sites existants (stade Yves-du-Manoir – qui avait été inauguré pour les Olympiades de 1924 –, stade Pierre-de-Coubertin, Roland-Garros, etc.)
Accueillir le monde
Accueillir le monde, c’est la mission dévolue à Paris 2024 et à l’ensemble des parties prenantes des Jeux.
En livrant pour le 1er trimestre 2024 l’ensemble des équipements sportifs, aménagements, espaces publics et infrastructures pérennes, la Solideo en prend une part fondamentale.
Mais aussi un défi opérationnel
Bien que la candidature de Paris repose sur l’utilisation d’infrastructures existantes, la quarantaine d’ouvrages qui doivent être construits ou remis en état afin d’accueillir la compétition ont une particularité : ils sont directement imaginés et conçus dans la perspective de leur seconde vie après les Jeux. Équipements, logements, bureaux – dont plus de 80 % seront construits en Seine-Saint-Denis – formeront l’héritage matériel de cette manifestation, répondant le plus concrètement possible aux besoins des territoires, de leurs habitants et usagers. Défi ambitieux aussi, car ces ouvrages seront conçus pour répondre aux enjeux de demain : neutralité carbone, confort dans un climat plus rude, tensions sur les matériaux, réintroduction de la biodiversité, vieillissement de la population. Ils offrent enfin une possibilité unique de façonner durablement le patrimoine urbain des territoires qui vont les accueillir.
Si les caméras du monde entier sont aujourd’hui tournées vers ce que les Japonais préparent en termes d’innovations extraordinaires pour Tokyo 2020, elles s’intéresseront dès leur clôture au niveau d’avancement des Français pour les prochains Jeux d’été.
Aménageurs, ingénieurs, architectes, juristes et financiers qui composent Solideo mettent chaque jour leur énergie au service de la feuille de route fixée par les pouvoirs publics : d’abord, garantir, quoi qu’il advienne, que les ouvrages seront livrés, par le travail conjoint et coordonné des maîtres d’ouvrage, des AMO et de l’ensemble des prestataires impliqués ; ensuite, construire des ouvrages durables répondant aux grands enjeux urbains et démographiques à l’horizon 2050 ; faire rayonner les savoir-faire français, donner à voir le meilleur de nous-mêmes ; enfin, offrir aux plus éloignés de l’emploi des opportunités, emporter les petites comme les grandes entreprises innovantes, et contribuer en cela au développement territorial.
Une organisation rigoureuse
Afin de maîtriser tout risque d’écarts – au regard du programme, du calendrier, du coût mais également des ambitions environnementales et sociales –, j’ai souhaité la mise en place d’un cadre complet et solide pour effectuer le suivi opérationnel de chaque ouvrage olympique. Nous coordonnons ainsi les maîtres d’ouvrage par la conclusion de conventions d’objectifs, leur donnant un pouvoir coercitif. Ces conventions sont adoptées tout au long de l’année 2019 afin de définir clairement les engagements de chacun : Paris 2024 (pour la phase Jeux), Solideo et maître d’ouvrage. Au quotidien et jusqu’à la livraison de l’ouvrage dans sa phase finale d’héritage, les maîtres d’ouvrage poursuivent avec notre direction des programmes un travail partenarial et collaboratif. Méthodes, outils de suivi : cette direction met en œuvre des moyens performants de coordination et anime une démarche stricte de gestion des risques.
Des niveaux de criticité ont été établis, permettant, dans le cas de figure extrême d’une défaillance d’un maître d’ouvrage, de recourir à la mesure ultime : la Solideo peut alors s’y substituer afin de garantir la livraison dans les temps.
De plus, nous nous sommes dotés d’une comitologie spécifique autour de revues de projet (réunion mensuelle de suivi du respect du programme, des coûts et des délais), de comités des programmes (validation des modifications mineures et remontée des alertes à l’échelle territoriale) et de conseils d’administration (validation des grands jalons du projet et les modifications majeures).
Un comité d’audit complète le dispositif en assistant le conseil d’administration. Il a pour but d’analyser la gestion de l’établissement et la politique de celui-ci en matière de risques financiers, juridiques ou opérationnels.
Des ouvrages durables et accessibles à tous
Nous portons des ambitions environnementales élevées et souhaitons nous positionner en bâtisseur exemplaire, autour de trois grandes orientations stratégiques. Tout d’abord nous visons un objectif neutralité carbone à l’horizon 2050, sur tout le cycle de vie des bâtiments du quartier : utilisation de matériaux biosourcés et de matériaux faiblement carbonés, réemploi et recyclage des déchets de chantier, recours aux énergies renouvelables…
La seconde orientation stratégique est celle de la garantie de confort urbain sous le climat de 2050, prenant en compte la pression climatique et la recrudescence d’épisodes météorologiques extrêmes grâce à une atténuation des effets d’îlot de chaleur urbain, au développement d’ouvrages résilients et réversibles, et à l’attention portée sur la qualité de l’air intérieur…
Enfin nous souhaitons apporter une contribution positive du projet urbain à la biodiversité par la création d’un écosystème, de biotopes nouveaux, par le recours à une végétalisation adaptée aux enjeux climatiques de 2050 et pour accroître la trame verte, par une prise en compte des enjeux liés au cycle de l’eau…
Cette stratégie d’excellence environnementale a été conçue au travers d’un dialogue avec les collectivités, experts et professionnels de la filière de la construction, exploitants de services urbains, énergéticiens, architectes et urbanistes, et en adéquation avec les politiques publiques récentes en la matière.
Nous sommes accompagnés dans cette mission par un Conseil scientifique pluridisciplinaire réunissant quatorze personnalités internationales, chargées de nourrir les réflexions des équipes de perspectives nouvelles, de définir un socle scientifique quant aux objectifs et prescriptions, et d’accompagner notre démarche en matière d’innovation.
Sur le même modèle que l’excellence environnementale, nous avons développé une démarche de conception universelle dont l’objectif est de prendre en compte l’ensemble des besoins des personnes ayant des déficiences afin que les ouvrages puissent offrir les conditions les plus confortables pour tous les usagers, aussi bien pendant les Jeux qu’après reconversion des sites.
Concrètement, le Village des athlètes devra répondre aux attentes en phase paralympique, mais également offrir une haute qualité d’usage pour tous après les Jeux. Ainsi, 100 % de ses logements seront accessibles en héritage territorial, ce qui implique des prescriptions précises, et une exigence en termes de qualité architecturale afin que ces prescriptions soient parfaitement respectées.
“Présenter au monde notre vision
de la ville du futur.”
Incarner les savoir-faire français
Ces Jeux seront aussi une vitrine des savoir-faire français (et européens) en matière de construction de la ville de demain, et doivent donc donner envie aux autres villes du monde de s’en inspirer !
La France dispose de leaders internationaux dans tous les domaines : de la conception à la construction, en passant par le génie et le mobilier urbain. Les Jeux seront donc l’occasion d’illustrer et de présenter au monde notre vision de la ville du futur, et une opportunité unique pour nos filières stratégiques – dont nous attendons des solutions durables.
Quelle solution énergétique bas carbone dans le bâtiment ? Comment optimiser la consommation des ressources non renouvelables ? Comment améliorer les mobilités douces au sein des villes ?
Quel positionnement adopter vis-à-vis des technologies en sachant qu’il faudra prendre mieux en compte leurs contraintes naturelles et sociétales de long terme ?
Quelle réplicabilité dans les innovations déclinées dans les ouvrages ? Quelle opportunité de déploiement à grande échelle de ces innovations ?
Autant de questions auxquelles nous cherchons à répondre par la construction ou la rénovation des ouvrages nécessaires aux Jeux, plus sobres, plus flexibles et plus respectueux de l’environnement. L’exercice est complexe, mais nécessaire, car c’est aussi, à travers eux, participer à la création progressive de villes intégrant de manière durable, en un tout dynamique, l’ensemble des facteurs du progrès humain.
Dans ce contexte, au-delà de l’appui à l’émergence et à la structuration des filières industrielles dans le cadre du conventionnement que nous mettons en place avec les maîtres d’ouvrage, il s’agit pour nous de susciter la combinaison de solutions innovantes pour la conception et la gestion des aménagements et services urbains.
Une Charte pour l’emploi et le développement territorial
Fidèle à son engagement en phase candidature, Paris a confirmé son ambition d’organiser des Jeux économiquement et socialement responsables.
Cela a été formalisé à travers la Charte sociale des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (19 juin 2018) puis par la Charte « Solideo » en faveur de l’emploi et du développement territorial pour les opérations de construction liées à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (5 juillet 2018).
Il s’agit, pour les marchés liés aux ouvrages passés par la Solideo et l’ensemble des porteurs de projets et maîtres d’ouvrage de consacrer 10 % des heures travaillées des futurs marchés à des publics en insertion professionnelle, mais aussi de promouvoir l’accès des TPE-PME et entreprises de l’ESS à la commande avec un objectif de 25 % du montant global des marchés ; et enfin de lutter contre le travail illégal, les pratiques anticoncurrentielles, les discriminations, de veiller à la qualité des conditions de travail et de limiter le travail précaire.
Deux plateformes ont été créées pour traduire concrètement ces engagements : la Plateforme solidaire Paris 2024, née d’un accord de collaboration avec le Centre Yunus et Les Canaux, chargée d’accompagner les entreprises de l’Économie sociale et solidaire qui souhaitent contribuer à la réussite des Jeux ; la plateforme Entreprises 2024, réunion du MEDEF, de la CPME, de l’U2P, de la CCI Business Grand Paris, du GIP Maximilien et des Canaux. Elle est le point d’entrée principal pour permettre aux entreprises de s’informer sur les opportunités économiques liées à l’organisation des Jeux.
La construction des ouvrages olympiques est une aventure extraordinaire, que l’on ne connaît certainement qu’une fois dans sa vie. C’est mener un projet à marche forcée jusqu’à sa réalisation, avec la particularité que cette réalisation s’opère deux fois : la première fois pour les Jeux et la seconde fois en 2025 une fois les ouvrages reconvertis. C’est faire preuve, avec une multitude d’acteurs d’expertise, d’audace mais aussi de diplomatie, dans un contexte incertain où de nombreux facteurs nous échappent : résultat des prochaines échéances électorales, évolution de l’opinion publique vis-à-vis des Jeux, innovations disruptives à venir… C’est surtout être déterminé à atteindre l’objectif suprême, devant conduire toutes les décisions : livrer, et de préférence, avec une certaine conception de la grandeur de la France.
Lire aussi : La ville de demain : la météo hectométrique et l’urbanisme dans La Jaune et la Rouge n° 748, Octobre 2019