Les micro-STEP, stabilisateurs de réseaux

Les STEP sont techniquement bien connues et maîtrisées, et répandues dans le monde. Elles ont d’indéniables avantages par rapport aux batteries pour stocker de l’énergie afin de réguler les réseaux électriques. Mais la population française accepterait difficilement leur multiplication, en raison des contraintes de densité de population et des considérations environnementales. Dans ces conditions la solution est bien dans les STEP, mais dans des installations de petite taille, nombreuses mais peu dérangeantes : les micro-STEP.
Les STEP (stations de transfert d’énergie par pompage) ont été largement déployées pour donner de la flexibilité aux centrales nucléaires en Europe et aux États-Unis dans les années 70 et 80. Il s’agissait exclusivement de très grandes installations, à l’image de la centrale de Grand’Maison dans l’Isère avec sa capacité de 1 800 MW. Avec la transition énergétique et l’intégration de sources d’énergies renouvelables photovoltaïques et éoliennes, l’instabilité des réseaux électriques augmente beaucoup du fait de l’intermittence de ces sources d’énergie. Cette situation contribue à un grand retour des STEP partout dans le monde. Le New York Times parlait de « renaissance hydroélectrique » en mai 2023 et estimait à 377 GW la puissance cumulée des projets de STEP dans le monde actuellement.
Les STEP trouvent leur place en complément des batteries lithium-ion, qui ont l’avantage de la rapidité de déploiement mais ont aussi de nombreux inconvénients : elles créent une dépendance à la Chine qui contrôle 80 % de la fabrication de ces équipements et de ses principaux composants comme les cellules de batterie. La Chine contrôle aussi la chaîne d’approvisionnement et de raffinage des principaux matériaux nécessaires. Elle contrôle 90 % du raffinage du graphite mondial par exemple et oblige à des licences d’exportation sur ce produit.
Une question de souveraineté
Les batteries créent aussi une dépendance aux oligopoles sur les matériaux rares comme le lithium, dont 90 % de la production selon l’USGS (Institut d’études géologiques des États-Unis) proviennent de seulement trois pays dont la Chine, une dépendance pire que celle à l’OPEP. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) ne cesse d’alerter sur les risques de pénurie de lithium, car les nouvelles mines n’ouvrent pas assez rapidement. Les STEP à l’inverse ne créent aucune dépendance. Elles sont désormais conçues pour fonctionner en circuit fermé et ne consomment donc que très peu d’eau, pour faire face à l’évaporation. Leur coût est connu pour les cent prochaines années, alors que les batteries obligent à se confronter à la spéculation mondiale sur les équipements et les matériaux rares tous les dix ans.
Un excellent bilan carbone
De plus, selon le département de l’énergie américain, le bilan carbone des STEP est deux fois meilleur que celui des batteries. Les batteries sont confrontées de surcroît à des risques d’incendies difficiles à maîtriser, ce qui n’est pas le cas des STEP. Cela rend le transport des batteries et particulièrement des batteries usagées très compliqué, spécialement en bateau. Le rapatriement de batteries usagées est par exemple actuellement impossible de l’île de la Réunion, car aucun transporteur n’accepte de les prendre en charge à la suite du naufrage du cargo Felicity Ace en février 2022, qui transportait 4 000 véhicules électriques.
Les STEP offrent des services que n’offrent pas les batteries, comme l’inertie qui devient indispensable pour maintenir la fréquence à niveau, alors que les énergies renouvelables remplacent des sources d’énergie carbonées reposant sur des machines tournantes qui, elles, fournissaient de l’inertie. Or ni le photovoltaïque ni l’éolien n’apporte d’inertie aux réseaux et « l’inertie synthétique » promise par les batteries n’est souvent pas considérée comme suffisante.
Un avantage coût
Sur des durées de fonctionnements longs qui sont de plus en plus demandés, de 8 à 12 heures, les STEP ont aussi un avantage coût très significatif. Doubler la durée de fonctionnement d’une batterie nécessite de doubler la capacité et donc les investissements, alors que doubler le fonctionnement d’une STEP ne nécessite qu’un doublement de la taille des bassins, une fraction seulement des investissements. Enfin, nous avons le savoir-faire des STEP en Europe, et en France en particulier, où tous les savoir-faire sont encore présents alors que le savoir-faire dans la fabrication des batteries, et donc les emplois et la souveraineté associés, n’existent pas encore. La faillite du suédois Northvolt, l’espoir européen de la batterie, montre qu’il sera compliqué de rapatrier ces savoir-faire chez nous.
Un phénomène mondial
Pour toutes ces raisons, les projets de STEP se multiplient dans le monde : en Australie, en Inde, en Asie du Sud-Est, aux États-Unis et même en Chine où les déploiements les plus significatifs ont lieu actuellement avec 89 GW en construction selon l’AIE, ce qui montre bien la complémentarité avec les batteries puisque la Chine est par ailleurs le leader de très loin du marché mondial des batteries lithium-ion. Ces pays ont de vastes étendues relativement vierges et parfois aussi un souci limité de la protection de l’environnement.
“Les projets de STEP se multiplient dans le monde.”
Alors, comment faire pour déployer des STEP chez nous avec des densités de populations élevées et une forte sensibilité environnementale ? Il est impensable de déployer à nouveau un projet comme la centrale de Grand’Maison avec son barrage de 550 mètres de long, de 140 mètres de haut et sa capacité de 137 millions de mètres cubes d’eau. Une mégabassine de 500 000 mètres cubes va générer chez nous des mouvements de protestation parfois violents. Heureusement, plusieurs grands barrages existants peuvent être convertis en STEP, mais les besoins de stockage sont immenses et peuvent aller jusqu’à 30 GW d’ici 2030 selon RTE.

La solution des micro-STEP
La réponse, ce sont les micro-STEP, des unités de 7 à 20 MW avec un dénivelé important de 350 à 900 mètres pour maximiser l’efficacité et minimiser la taille des retenues et ne pas excéder 50 000 m3. L’ensemble des composants et des savoir-faire reposera sur un existant standard permettant de limiter les coûts. L’eau sera stockée dans des retenues collinaires standards de type irrigation ou fabrication de neige de culture. Les conduites forcées seront des conduites de VRD (voirie et réseaux divers) standards, les pompes seront des pompes d’irrigation amorties sur des milliers d’exemplaires et les turbines de type Pelton très standard.
Un premier projet de ce type est sur le point d’aboutir en Martinique, avec une puissance de 7 MW sur 4 heures avec un dénivelé de 350 mètres. Après huit ans de gestation et de travaux de recherche et développement, il est en train de passer les étapes finales de validation par les autorités administratives et énergétiques du pays. D’autres sont à l’étude en Guadeloupe ou à la Réunion, ainsi que dans des stations de sport d’hiver souvent en co-usage avec des systèmes de fabrication de neige de culture. Il est indispensable que la France se dote rapidement d’un cadre réglementaire pour les outils de stockage en général et les STEP en particulier, car les adversaires d’une transition énergétique reposant en partie sur des EnR intermittents dénoncent l’absence de solution pour gérer cette intermittence.
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N’hésitez pas à vous référer au State of the Art (SOTA) Report que j’ai rédigé en 2022 dans le cadre de l’Executive Master de l’X. Il offre un panorama à date des avancées technologiques dans le domaine des micro STEPs.