Les missions des personnels soignants
Si l’on retrace brièvement l’histoire de la profession d’infirmière, on s’aperçoit que de » garde-malade » où elle était un instrument au service du médecin au XVIIIe et au XIXe siècle, l’infirmière est devenue aujourd’hui une professionnelle ayant un rôle de déléguée et un rôle autonome, travaillant en partenariat avec le médecin.
Elle est au carrefour du soin médical et infirmier par sa présence permanente auprès du malade.
Elle coordonne l’activité des intervenants gravitant autour de la personne soignée : médecin, kinésithérapeute, psychologue, aide-soignant, etc.
Cette approche pluridisciplinaire offre une aide précieuse à la personne soignée dans la résolution de ses problèmes de santé et la place au centre de nos préoccupations.
L’infirmière a pour mission d’effectuer des soins techniques prescrits par le médecin et des soins d’hygiène et de confort, de faire de la prévention des risques, de repérer la douleur, de surveiller le comportement et d’accompagner jusqu’aux derniers instants les personnes soignées et leurs proches.
Elle utilise des guides écrits de concepts, de méthodes, et de tâches indispensables à la qualité des soins et à la satisfaction du patient.
La personne soignée
Pour mener à bien ses missions, l’infirmière doit établir une relation significative permettant à la personne de se situer en acteur de sa propre situation. Il appartient aux soignants, de créer le lien entre l’acte technique, la correction du déficit, et une liberté retrouvée pour continuer à vivre.
La participation active de la personne à ses soins quotidiens est la meilleure manière de l’associer à l’attention qui lui est proposée. Cela éloigne la peur de son mal en lui permettant de le surmonter.
La dépendance
En cas de dépendance consécutive à une maladie chronique physique, l’infirmière doit garder en mémoire que la maladie chronique modifie les activités habituelles d’une personne et que le résultat d’un traitement est souvent limité et décevant. Chaque personne ressent des émotions et a des réactions psychologiques différentes : sensation d’agression due à la perte de contrôle de son corps, peur que la maladie et la dépendance donnent des raisons à l’entourage de moins l’aimer, peur de souffrir, peur des étrangers (soignants) qui dispensent des soins parfois intimes.
En cas de dépendance liée à une maladie mentale, l’infirmière prodigue des soins d’accompagnement, basés sur la reconnaissance de l’autre en tant que personne, à part entière, ayant droit au confort, à la sécurité, au respect des besoins fondamentaux et à l’intérêt d’autrui.
L’infirmière doit faire preuve de patience, de tolérance, de douceur, de vigilance, d’attention, de disponibilité, de compréhension… surtout dans les situations les plus difficiles.
Plan de soin personnalisé et projet de vie
Dans un établissement, l’objet d’un plan de soins quotidien personnalisé est de répondre aux attentes de la personne soignée en coordonnant le travail de l’équipe soignante.
Il faut tenir compte de la personnalité de chacun, des besoins spécifiques et permettre d’avoir quelques libertés dans la journée : choisir son repas, choisir de sourire ou d’être triste, de se coucher plus tôt ou plus tard…
En institution pour personnes âgées les projets de vie ont pour objectif la qualité des soins, le respect et la sérénité de chaque personne.
La famille et les amis deviennent alors des partenaires indispensables : ils sont la mémoire de la personne âgée surtout pour celle qui est atteinte de troubles cognitifs.
Prendre soin de la famille en lui confiant un rôle significatif auprès du parent, en la rassurant sur l’avenir, en expliquant le projet de soins est essentiel pour atteindre une meilleure qualité de vie de la personne âgée.
Mission de soignante au domicile
L’hôpital a une fonction de plateau technique, d’investigation, d’initialisation et d’évaluation des traitements. Il faut les poursuivre au domicile avec une même sophistication de technique de soins et une même compétence, et dans un climat affectif laissé au choix de la personne soignée et de sa famille.
Accompagner un malade au domicile, c’est adapter une prise en charge globale dans le cadre de l’intimité d’une vie privée, c’est entrouvrir une porte sans jamais la forcer, c’est s’insérer doucement dans l’univers de » l’Autre « , tout voir dans l’intérêt du malade (une photo dans un cadre sur la table de nuit, un tableau au mur, etc.) sans jamais ne rien détenir ni dévoiler.
Le partage d’une histoire de vie permet d’illustrer notre mission quotidienne de soignante :
Mme X a 55 ans, elle vit avec ses deux enfants de 21 et 19 ans, son mari est décédé d’un cancer à l’hôpital l’année dernière.
Elle m’appelle un jour pour une prescription de prise de sang, me met au courant de sa maladie récidive de cancer traité à l’hôpital depuis plusieurs années et me fait part de ses inquiétudes quant à l’avenir.
Aller au domicile c’est d’abord prendre le temps de l’écoute, non codifié dans la nomenclature des actes infirmiers. Ce jour-là une heure de présence est codifiée en prise de sang (26,25 F + 9 F de déplacement).
Mme X redoute l’évolution de la maladie et me demande de prendre contact avec l’hôpital pour que tous ses traitements puissent se faire au domicile. Je lui réponds que nous pouvons faire beaucoup au domicile mais qu’il est indispensable d’avoir l’accord de son médecin traitant pour la responsabilité et la disponibilité que cela nécessite. Le médecin généraliste qui avait perdu de vue cette patiente suivie à l’hôpital est tout à fait d’accord sur le principe. Je contacte le service hospitalier. Avec le chef de service et la surveillante nous organisons le maintien au domicile. J’apprends alors que le pronostic est très sombre.
Les prescriptions sont adaptées au contexte du domicile, le choix des matériels de perfusion utilisés tient compte des remboursements de l’assurance maladie et répond ainsi aux exigences d’économie de santé. La formation de l’infirmière à la maîtrise de ces contraintes et à la connaissance du terrain est indispensable au malade.
Je contacte aussi le centre communal d’action sociale afin de mettre en place une aide ménagère pour soulager Mme X. Assez vite, elle perd de son autonomie. Il y a des perfusions faites toutes les douze heures et des soins d’hygiène : je passe quatre fois par jour dont deux fois la nuit pour une durée moyenne de quarante-cinq à soixante minutes.
S’entretenir avec ses enfants et sa mère âgée de 80 ans, nous retrouver souvent le médecin et moi-même à son chevet sont des moments incontournables dans notre mission.
En accord avec le médecin et Mme X, j’ai demandé à une équipe de bénévoles de l’ASP (Association pour le développement des soins palliatifs) d’être présente auprès de Mme X et de permettre à sa mère de se reposer.
Lorsqu’il est nécessaire de prendre du linge souhaité par Mme X dans l’armoire de la chambre, je ne fais que l’entrouvrir pour le prendre sur ses indications.
Un après-midi lors d’un passage, Mme X me confie un souhait : » Je sais que je vais bientôt mourir, je voudrais qu’au moment de ma mort, avant de faire quoi que ce soit, vous lisiez le petit mot que j’ai mis à votre intention dans le tiroir de la table de nuit. »
Mme X est décédée quelques jours plus tard en ma présence, j’ai donc pris le mot sur lequel était inscrit : » Vous qui avez toujours eu la délicatesse de ne jamais regarder dans l’armoire, il vous faut l’ouvrir, je vous laisse choisir ma dernière tenue. » Une autre phrase était inscrite qui fait partie des petits secrets que nous détenons et qui donne sens à notre quotidien.
Conclusion
La prise en charge globale, à domicile ou en institution, des personnes âgées ou dépendantes est un problème médical et social. Que réservons-nous à nos parents et à notre vieillesse, sachant que nous vivrons de plus en plus vieux ? Quelles ressources humaines, matérielles et financières sommes-nous prêts à mettre en place pour améliorer la qualité des soins en rationalisant les dépenses ?
Le travail en réseau et en filière de soins est une solution d’avenir pour répondre à ces préoccupations. C’est à nous soignants d’être vigilants pour que ces réseaux soient bien centrés autour de la personne soignée et de son entourage et pour que nos tutelles donnent les moyens décents et nécessaires à la mise en place de ce nouveau mode de fonctionnement.
Le travail en équipe est important pour ne pas se sentir isolé et partager son vécu. Il permet de se centrer sur la personne soignée pour une meilleure qualité des soins et de vie.
En tant que soignant, il paraît indispensable de compléter régulièrement nos compétences par des formations.
Donner un sens à son travail, avoir confiance en l’autre et la certitude que son travail est utile est en quelque sorte prendre soin de soi et d’autrui.
Bachelard a tracé le chemin et explique ainsi le choix de vie des infirmières :
» Le moi s’éveille par la grâce du toi. »
Belle définition de la dignité : je ne peux me reconnaître Homme que par le regard qu’autrui porte sur moi.