Les normes internationales sont indispensables au développement durable
La globalisation des échanges implique des normes internationales. Parmi les principales organisations, l’ISO, à vocation généraliste, produit plus de 1 200 normes par an dans tous les secteurs, de l’appui au développement économique à la protection de l’environnement, en passant par l’équité sociale.
REPÈRES
Les normes sont des documents élaborés collectivement par les experts des différentes parties prenantes d’un domaine donné et adoptés sur la base d’un consensus qui peut être recherché au niveau national, régional ou international, avec des procédures documentées et ouvertes, mises en oeuvre par les organismes de normalisation. Elles définissent les termes, procurent les « métriques » nécessaires à la construction, la mesure et la communication des performances, assurent l’interopérabilité des données, des composants ou des processus, cristallisent les bonnes pratiques d’organisation ou encore d’évaluation de la conformité à des prescriptions contractuelles ou réglementaires.
La globalisation des échanges, tant de produits que de services, donne de plus en plus la primauté aux normes internationales. Cette tendance est renforcée par la globalisation de bien d’autres sujets : les défis corrélés du changement climatique, de l’énergie, de l’eau et de l’alimentation ; l’ouverture à la concurrence internationale des télécommunications, des transports, de la distribution de l’énergie ou de l’eau ; la prise de conscience des consommateurs.
Sans normes de codification, d’échanges ou de sécurité, Internet ne pourrait pas exister
La vague de » fusions-acquisitions » de la dernière décennie a accéléré la consolidation d’entreprises réellement multinationales qui veulent pouvoir optimiser leurs investissements ou leurs approvisionnements dans de nombreux pays, sans rencontrer d’obstacles techniques non justifiés et qui, de plus, doivent démontrer leur » citoyenneté » globale.
En face d’elles, les organisations non gouvernementales se sont aussi consolidées au plan international et les industriels doivent compter avec l’influence globale d’organisations telles que Greenpeace, le WWF ou Consumers International.
Réduire la fracture Nord-Sud
De nouvelles économies géantes ont émergé dans les pays en développement : la Chine, l’Inde, le Brésil ou la Russie ont engendré leurs propres sociétés multinationales et veulent avoir toute leur place dans la fixation des normes et règles qui régissent la diffusion des technologies et les échanges commerciaux.
L’accès aux marchés internationaux et le transfert de technologie et des bonnes pratiques de management qu’il nécessite sont reconnus comme des facteurs de progrès économique et social pour les pays les moins développés, contribuant ainsi à réduire la fracture Nord-Sud.
L’accord sur les obstacles techniques au commerce engage aujourd’hui 153 pays
Enfin, le développement exponentiel des technologies de l’information et de la communication a révolutionné les échanges, aussi bien économiques qu’humains. Or, sans normes de codification, d’échanges de données ou de sécurité, Internet ne pourrait pas fonctionner.
La crise financière et économique sans précédent dans laquelle le monde vient d’entrer, crise de confiance par bien des aspects, va accentuer encore le recours aux normes internationales pour sécuriser les relations entre acteurs économiques, fournir des outils pour l’évaluation des risques, améliorer les performances et conquérir de nouveaux marchés.
Un contexte géopolitique en mutation
Consolider des empires
La normalisation, qui existe depuis la nuit des temps, a été utilisée pour structurer et consolider des empires : l’Empire romain et son réseau de routes » normalisées » ; les pyramides d’Égypte ou encore la Grande Muraille de Chine qui, sans normes, n’auraient pas pu être construites. Citons encore Colbert qui n’aurait pu engager sans normalisation le développement de l’industrie en France.
Le contexte géopolitique dans lequel sont élaborées les normes internationales a évolué en conséquence. L’Organisation mondiale du commerce (l’OMC) met en oeuvre depuis vingt ans un accord sur les obstacles techniques au commerce qui engage les désormais 153 pays signataires à utiliser les normes internationales basées sur le consensus pour éviter que leurs réglementations nationales ne créent des barrières techniques non justifiables.
L’ouverture de nombreux pays à l’économie de marché et la globalisation ont entraîné une évolution des pratiques de gouvernance publique, avec une attention plus grande à la responsabilisation des acteurs économiques et à l’utilisation des normes basées sur leur consensus en appui des politiques publiques.
L’exemple le plus frappant est la politique mise en œuvre au plan de l’Union européenne, et plus généralement, de l’Espace économique européen, pour créer et harmoniser le grand marché intérieur, tout en ne constituant pas une » forteresse Europe « , qui ne serait conforme ni aux engagements internationaux des pays européens, notamment à l’OMC, ni à leur vocation exportatrice. La » nouvelle approche » en la matière, qui n’est pas si nouvelle puisqu’elle a déjà vingt ans, a fait ses preuves et inspiré d’autres pays et régions du monde. Elle est basée sur une harmonisation des » exigences essentielles » de sécurité ou de santé au niveau de » directives européennes » qui relèvent du législateur et renvoient à des normes harmonisées européennes (EN) basées sur le consensus pour les détails techniques d’application. Ces normes sont souvent l’adoption régionale de normes internationales.
La jungle des sigles normatifs
Qui » fabrique » ces normes internationales, devenues des outils indispensables dans la » salle des machines » de la globalisation, positive bien sûr ?
À première vue, on a affaire à une jungle inextricable d’acronymes : NF, BSI, DIN, SAE, ASTM, IETF, OASIS, CEN, ISO et des centaines d’autres. Et l’on pourrait gloser sur les normalisateurs peinant à se normaliser eux-mêmes.
Au niveau national, la plupart des pays disposent d’un organisme central chargé d’organiser le processus de normalisation en y impliquant tous les acteurs économiques, d’apporter la contribution nationale aux niveaux régional et international et de promouvoir l’application des normes. Pour la France, il s’agit de l’Afnor (Association française de normalisation), créée en 1928 et des Bureaux de normalisation sectoriels qu’elle anime, avec sa collection de plus de 20 000 normes, dont plus des trois quarts sont l’adoption française de normes européennes ou internationales.
Au plan régional, l’Europe est la région la plus structurée, avec trois instituts de normalisation, l’un multisectoriel, le CEN, et les deux autres, le CENELEC et l’ETSI, qui s’adressent à des secteurs spécifiques, respectivement l’électrotechnique et les télécoms.
Les États-Unis se distinguent par l’existence et l’influence mondiale de grands instituts de normalisation sectoriels, tels que l’ASTM, l’API, l’ASME ou l’IEEE. Ils sont néanmoins coordonnés par l’ANSI (American National Standards Institute) qui assure l’interface américaine avec les niveaux régionaux et internationaux.
Des chaînes logistiques mondiales grâce aux normes ISO sur les containers : dimensions, caractéristiques mécaniques, informations et sceaux électroniques. © ISO
Au sommet de la hiérarchie mondiale
Au plan international, en dehors de l’harmonisation réglementaire qui se fait dans le cadre d’organisations intergouvernementales, essentiellement au sein du système des Nations unies (ex. : OMS ou Codex Alimentarius), trois organisations ont un leadership reconnu pour la production de normes internationales : l’ISO, à vocation généraliste et multisectorielle, la CEI pour l’électrotechnique et l’UIT pour les télécoms.
Trois leaders, l’ISO (généraliste), la CEI (électrotechnique) et l’UIT (télécommunications)
Ces trois organisations sont basées à Genève et ont instauré une coopération étroite, autant sur les procédures et l’éthique d’élaboration des normes que pour coordonner leurs travaux dans les domaines de convergence des technologies : l’électronique et les télécoms sont en effet désormais intégrées dans les processus industriels, les transports, le bâtiment ou encore les technologies de santé, et les normes doivent être coordonnées pour assurer les interfaces et l’interopérabilité nécessaires.
Cette coopération a été saluée en 2008 par l’attribution exceptionnelle d’un » Emmy Award « , récompense prestigieuse de l’industrie américaine des médias, à ces trois organisations pour la série des normes communes MPEG qui permettent la transmission des images vidéo et de la télévision jusqu’au téléphone portable ou via les ordinateurs.
Un « Emmy Award » a récompensé en 2008 la série des normes MPEG pour la compression et le transfert des images vidéo, développée par l’ISO et la CEI en collaboration avec l’IUT
© Craig T. Mathew/Mathew Imaging
L’ISO, primus inter pares
Techniques nouvelles et sécurité
Les normes ISO facilitent l’émergence et la diffusion de technologies nouvelles, en leur ouvrant des marchés mondiaux : des comités ISO élaborent actuellement des normes pour les nano et biotechnologies, la technologie de l’hydrogène ou encore les systèmes de transport intelligents. Les chaînes logistiques globales bénéficient de longue date des normes relatives aux containers, déjà citées, et depuis peu de la série des normes ISO 28 000 sur le management de la sécurité.
Par son champ d’activité normative, la taille de sa collection (plus de 18 000 normes ISO) et sa production annuelle actuelle, supérieure à 1 200 normes (+ 30 % depuis 2003), on peut affirmer que l’ISO est le primus inter pares.
De par ses statuts, elle peut entreprendre l’élaboration de normes internationales dans tout domaine, dès lors qu’il existe un consensus suffisant et documenté pour engager les travaux. Le » stock » actuel de sujets de travail est proche de 4 000. Avec ses 162 membres nationaux (un par pays), elle couvre 98 % de l’économie et 97 % de la population mondiales. Elle met en œuvre des outils et procédures de travail collectif, largement basés sur l’informatique, qui mobilisent en direct près de 100 000 experts, et beaucoup plus si l’on englobe les comités miroirs nationaux. Chaque jour sur la planète se tiennent entre 10 et 15 réunions de comités ISO, sans compter les réunions virtuelles utilisant Internet et les téléconférences. En plus des contributions nationales, l’ISO bénéficie de la collaboration de plus de 700 organisations internationales ou régionales. Elle entretient des relations étroites avec la plupart des composantes de l’Organisation des Nations unies à vocation technique ou d’aide au développement, ainsi qu’avec l’OMC, l’OCDE ou l’Organisation mondiale des douanes. L’ISO est un membre institutionnel du Forum économique mondial.
En appui du développement économique
Les normes ISO sont largement utilisées pour favoriser les relations commerciales et techniques, en permettant l’expression, la réalisation et le contrôle d’exigences contractuelles de conception ou de production, ou encore l’interopérabilité ou l’échange de données automatisées, comme cela est le cas avec la série des normes » STEP » bien connues en matière d’automatisation des processus industriels.
Protection de l’environnement
Les normes ISO participent à la protection de l’environnement. La plus connue est la série des normes ISO 14 000 sur le management environnemental, qui couvre non seulement la dimension organisationnelle, mais aussi l’analyse du cycle de vie, l’étiquetage environnemental ou, plus récemment, la comptabilisation et la vérification des émissions de gaz à effet de serre, en attendant les publications prochaines sur » l’empreinte carbone » et son affichage. De nombreuses normes ISO traitent de méthodes d’essais et d’analyse en matière de qualité de l’air, de l’eau ou des sols, de bruit ou encore de traitement des déchets. Dans le domaine des énergies renouvelables, des normes ISO sont déjà en vigueur pour le solaire thermique et des travaux ont démarré sur les biocarburants solides et liquides.
Les principaux secteurs industriels utilisent largement la plateforme de l’ISO pour l’élaboration de normes globales pour leurs relations professionnelles : l’énergie (pétrole, gaz, charbon, nucléaire, solaire), les secteurs automobiles et aéronautiques, les chantiers navals, l’ingénierie et les équipements industriels, la construction, les matériaux, les produits agroalimentaires pour citer les principaux. Le secteur des services se développe également, couvrant des domaines aussi divers que les services financiers, le tourisme ou la distribution de l’eau potable.
Le succès des normes ISO sur le management de la qualité ne s’est pas démenti depuis leur première publication en 1987. Aujourd’hui, près d’un million d’entreprises et d’organisations, dont plus de 30 % dans le secteur des services et dans plus de 170 pays, sont certifiées » ISO 9 001 « , et la dernière version, publiée en 2008, reflète l’état de l’art en la matière. La série des normes ISO sur l’évaluation de la conformité, qui traitent des bonnes pratiques en matière d’essais, de certification, d’inspection et d’accréditation, s’est imposée comme la référence sur laquelle se base la reconnaissance internationale des prestations correspondantes. Le plan d’action de l’ISO en matière d’assistance aux pays en développement, qui représentent 122 de ses membres, permet d’appuyer l’amélioration de la qualité de leurs productions et leur accès aux marchés mondiaux, ainsi que leur contribution plus active aux travaux de normalisation. La future norme ISO 50 001 sur le management de l’énergie devrait rencontrer un succès au moins aussi grand que la série ISO 9 000 et contribuer autant à l’amélioration de la compétitivité des entreprises qu’à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Inclure les normes dans les cursus universitaires
L’ISO bénéficie de la collaboration de plus de 700 organisations internationales
Cet aperçu rapide de l’ampleur des travaux et de la production de l’ISO permet de conclure sur un aspect fondamental : l’insertion d’un enseignement (au moins une teinture) sur la nature et l’importance des normes, dans le cursus aussi bien des ingénieurs que des commerciaux ou des juristes, dont beaucoup les utiliseront régulièrement au cours de leur carrière.
Un nombre croissant d’universités s’y intéresse. L’ISO a créé un Trophée biannuel pour récompenser les meilleures. Il est assez symptomatique que le premier lauréat en 2007 en ait été l’université de Jiliang en Chine, qui a monté depuis plusieurs années un enseignement remarquable en la matière, et que le deuxième trophée soit allé en 2009 à l’École de management de Rotterdam.
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normes et communication d’entreprise
Bonjour je suis élevé en formation en GRH et je travail sur la questions des normes et la communication interne des entreprises. je souhaiterai avoir des informations ou des personnes référents qui peuvent me guider. Merci !