Les nouvelles règles de la solvabilité
REPÈRES
REPÈRES
La directive du 25 novembre 2009, désignée en général sous le terme » Solvabilité II « , définit les nouvelles règles en matière de solvabilité des entreprises d’assurances et de réassurances européennes. Cette réforme du cadre réglementaire introduit des modifications profondes par rapport aux règles prudentielles actuelles en matière d’assurances, en mettant davantage l’accent sur la gestion des risques. Même si la réglementation française actuelle s’est révélée robuste, le cadre prudentiel actuel en matière de solvabilité des assurances, » Solvabilité I « , n’est pas suffisamment sensible à la discrimination des risques associés à chaque type d’activité. Il comporte peu d’incitations à l’émergence des meilleures pratiques de maîtrise des risques.
Les risques fondamentaux (souscription, marché, contrepartie notamment) ne sont pas suffisamment pris en compte dans le calcul des exigences actuelles. En outre, le cadre réglementaire existant formule peu d’exigences qualitatives en ce qui concerne la gestion des risques et la gouvernance.
La nouvelle directive Solvabilité II vise à faire converger la réglementation et les pratiques de contrôle entre les différents États membres afin d’assurer un niveau similaire de protection des assurés, un traitement équitable des entreprises contrôlées (level playing field) et une meilleure supervision des groupes internationaux.
Les principaux enjeux de la réforme sont d’assurer une application harmonisée de la réforme dans tous les pays de l’Union européenne, de renforcer la solvabilité des assureurs, de conduire les entreprises à mieux connaître et gérer leurs risques et de faciliter la supervision de la solvabilité des entreprises par les autorités de contrôle, tout cela afin d’améliorer la protection des assurés.
Un calendrier très exigeant
L’entrée en vigueur de la directive Solvabilité II est prévue pour le 1er janvier 2013
Il faut noter qu’il s’agit de la première directive assurance s’inscrivant dans le cadre du processus législatif Lamfalussy. Ce processus consiste en une définition dans la directive de principes-cadres adoptés par le Conseil et le Parlement européens (niveau I). L’interprétation des principes conduisant à préciser les mesures nécessaires à leur application (niveau II) est conduite ensuite par la Commission assistée des États membres.
Enfin, les orientations techniques complémentaires (niveau III) sont précisées par le Comité des contrôleurs d’assurances et de pensions professionnelles (CEIOPS en anglais) – dont l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) en France est un membre actif -, puis approuvées par la Commission européenne.
L’entrée en vigueur de la directive est prévue pour le 1er janvier 2013, ce qui est un calendrier très exigeant eu égard à l’ampleur de la tâche à accomplir à la fois en matière d’élaboration normative et de mise en œuvre.
L’évaluation des actifs et des passifs
Solvabilité II repose sur trois piliers.
Le pilier 1 a pour objectif de définir les normes quantitatives de l’évaluation des actifs et des passifs (dont les provisions techniques, qui représentent les obligations envers les assurés), des fonds propres, des exigences de capital, et les règles d’investissement. L’existence de deux niveaux de capital réglementaire est prévue : le capital minimum requis (MCR), défini comme le niveau de capital en dessous duquel une compagnie d’assurances ne peut fonctionner normalement, et le capital de solvabilité requis (SCR), qui représente le capital cible nécessaire pour absorber le choc provoqué par un risque majeur.
Le niveau du SCR sera calculé soit à partir d’une formule standard, soit, autre nouveauté introduite par Solvabilité II, par le biais d’un modèle interne sous réserve qu’il ait préalablement été autorisé par l’autorité de contrôle. L’examen et, le cas échéant, l’autorisation des modèles internes nécessiteront du temps et des compétences spécifiques. Mais, un défi supplémentaire résidera dans l’harmonisation au niveau européen clairement affirmée comme un objectif de Solvabilité II. Les autorités de contrôle auront à promouvoir une culture commune pour mettre en place des critères de jugement pleinement partagés et garantir ainsi une égalité de traitement entre les différents organismes d’assurances du marché européen.
L’évaluation du suivi des risques
Le pilier 2 a pour objectif de fixer des normes qualitatives de suivi des risques par les organismes d’assurances, et les modalités selon lesquelles l’autorité de contrôle doit exercer ses pouvoirs de surveillance.
L’évaluation interne du risque et de la solvabilité est obligatoire
L’identification des sociétés » les plus risquées » est un objectif et les autorités de contrôle auront en leur pouvoir la possibilité, dans des conditions bien encadrées, de demander à ces organismes de détenir un capital plus élevé que le montant suggéré par le calcul du SCR (capital add-on) ou de réduire leur exposition aux risques.
La directive indique que l’imposition d’exigences rigoureuses en matière de gouvernance est une condition préalable à l’efficacité d’un régime de solvabilité. Ainsi la solidité du système de gouvernance revêt-elle une importance critique pour la qualité de la gestion de l’assureur et pour l’efficacité du système de contrôle. Pour impliquer la direction dans cette gouvernance, la politique de l’entreprise relative au contrôle interne et à l’audit interne doit être rigoureusement formalisée et faire l’objet d’une approbation par le conseil d’administration ou son équivalent.
Ce système inclut aussi l’évaluation interne du risque et de la solvabilité (ORSA, Own Risk and Solvency Assessment), qui est obligatoire et dont le résultat doit être communiqué aux autorités de contrôle.
L’information du public
Le pilier 3 a pour objectif de définir l’ensemble des informations détaillées auquel le public aura accès, d’une part, et qui sera transmis aux autorités de contrôle pour l’exercice de leur mission de surveillance, d’autre part. Solvabilité II vise notamment à accroître la transparence de l’information diffusée au public (assurés, courtiers, analystes financiers, etc.), afin de garantir une meilleure discipline de marché.
Par ailleurs, le principe actuel de l’obligation de communiquer toute information nécessaire aux fins du contrôle est maintenu ; la nouveauté est que la Commission et le CEIOPS travaillent actuellement sur des mesures d’application permettant d’assurer une convergence des états de reporting réglementaires au niveau européen. Le CEIOPS – dont les pouvoirs seront prochainement renforcés et qui deviendra l’EIOPA (European Insurance and Occupational Pensions Authority) dans le cadre des mesures engagées au niveau européen pour répondre aux faiblesses que la crise financière a mises en évidence (faisant suite au rapport « De Larosière ») – a un rôle particulier à jouer dans la promotion d’une application cohérente de la directive et dans la convergence des pratiques prudentielles.
Un travail de préparation
L’ensemble des organismes d’assurances doit se préparer activement à la mise en oeuvre opérationnelle de ce nouveau cadre réglementaire, afin d’être en mesure de se conformer aux nouvelles règles prudentielles dès leur entrée en vigueur. La préparation aux nouvelles normes de solvabilité passe notamment par une connaissance de leurs principes au sein des organismes d’assurances.
Leur appropriation doit dépasser le cercle des spécialistes et se diffuser à l’ensemble des fonctions au sein de chaque organisme, c’est-à-dire non seulement la direction générale et le conseil d’administration, mais aussi les opérationnels, les juristes, les comptables, en bref, l’ensemble des équipes. Les organismes d’assurances devront également adapter leurs systèmes d’information afin de traiter les données prudentielles. Ainsi, avant la fin de l’année 2012, des chantiers importants doivent être achevés par les entreprises d’assurances et de réassurances.
Une prise en compte du marché français
Les études d’impact, conduites par la Commission européenne avec l’appui technique du CEIOPS, visent à mettre en évidence les répercussions du nouveau système auprès des acteurs du marché.
Actuellement, les assureurs et réassureurs testent la cinquième étude d’impact (QIS 5 : Quantitative Impact Study n° 5), qui va permettre de définir le calibrage fin des différentes exigences de capital (Pilier 1). Une participation large et de qualité des organismes d’assurances français au QIS 5, qui s’est déroulée d’août à novembre 2010, a été essentielle pour assurer la meilleure prise en compte des caractéristiques du marché français.
Alors que les négociations sont en cours sur les mesures de niveau 2 et les recommandations de niveau 3, les résultats du QIS 5 vont avoir un poids très important. La communication des résultats par le CEIOPS et les autorités de contrôle nationales doit avoir lieu en mars 2011.
Une compétitivité renforcée
Solvabilité II impliquera des coûts initiaux importants, tant pour les organismes d’assurances qui n’ont pas encore mis en place des systèmes performants de gestion des risques, que pour les autorités de contrôle.
Mais, pour une part significative, il s’agira d’actions de formation des équipes, d’optimisation ou de rénovation des systèmes et de revue des organisations, qui auront de toute façon à être conduites et qui permettront de s’aligner sur les meilleures pratiques en vigueur. Les organismes d’assurances et de réassurances européens devraient voir leur compétitivité renforcée par un meilleur alignement des exigences réglementaires sur la réalité économique des risques qu’ils encourent.
Surtout, la meilleure appréhension de ces derniers que permettra Solvabilité II doit conduire à une gestion plus sécurisée de la part des entreprises et à une surveillance prudentielle plus efficace de la part des autorités de contrôle. En effet, Solvabilité II sera un succès si elle permet, dans le contexte actuel de crise économique et financière, de garantir une plus grande stabilité du système financier et une protection adéquate des assurés.