Les nouvelles technologies informatiques au service du commerce bancaire
CERTAINS DIRIGEANTS de banque aiment à rappeler qu’une banque c’est » une marque, des hommes et de l’informatique « . L’informatique joue en effet un rôle différent dans le secteur financier, car elle est » l’usine » de la banque et non pas une » commodities » comme dans de nombreuses industries. C’est pourquoi la majorité des grandes banques de détail sont encore dans des technologies quasiment disparues dans l’industrie : le mainframe pour les machines et le Cobol comme langage de programmation. Toutefois, l’arrivée des technologies Web et des architectures ouvertes constitue une opportunité pour aider au développement commercial dans des pays surbancarisés comme la France.
Il s’agit en effet pour l’informatique de la banque de détail d’accompagner les évolutions marketing importantes de ces dernières années que sont le passage d’un marketing produit à un marketing client, la distribution par la banque de produits conçus et gérés par d’autres (séparation producteur/distributeur) et la cohabitation indispensable entre la banque de proximité (les agences) et la banque à distance (Internet et téléphone).
Les deux premiers points, qui nécessitent de revisiter les schémas d’architecture fonctionnelle et technique et mettent en place de nouveaux objets informatiques ne sont pas l’objet de cet article, même s’ils induisent de profonds changements à la fois au sein des équipes de maîtrise d’ouvrage et de maîtrise d’œuvre.
La cohabitation entre banque à distance et banque de proximité n’était pas évidente il y a cinq ans, époque à laquelle certains opposaient ces deux modèles. La démarche de BNP Paribas, à travers son programme de banque de détail multicanal, a permis aux hommes de marketing de vérifier les usages par leurs clients des différents canaux de vente et aux informaticiens d’utiliser les nouvelles technologies pour renforcer la performance du système informatique global.
Pour les informaticiens, la réalisation de ce programme a conduit à des réalisations importantes dans les quatre domaines suivants :
- mise en place d’une architecture à trois niveaux pour assurer la véritable » multicanalisation » des opérations ;
- mise en place d’un poste de travail pour l’ensemble des positions » front office » de la banque ;
- mise en place d’une boucle » gestion de la relation client « ;
- mise en place d’un véritable » Canal Internet « .
Mise en place d’une architecture à trois niveaux pour assurer la véritable » multicanalisation » des opérations
Le principe de la banque multicanal consiste à pouvoir effectuer chaque étape d’un processus bancaire sur n’importe quel canal. Ceci signifie que tous les canaux doivent utiliser les mêmes données et les mêmes opérations élémentaires bancaires. Pour ce faire il a fallu transformer les produits de banque à distance qui existaient à la fin des années quatre-vingt-dix en canaux de distribution multiproduits
Ceci conduit à la séparation en trois couches applicatives :
- la couche de présentation, propre à chaque canal, peut se résumer d’une part au développement de services d’identification et d’autre part à des développements d’écran propres à chacun des canaux (dans le cadre du canal » serveur vocal « , l’écran est évidemment remplacé par un message). Ceci signifie que cette couche ne comporte aucune règle de gestion sur les produits bancaires. Cette mise en place nécessite bien souvent la réécriture de ce qui avait été fait pour le » produit » banque à distance ;
- la couche de traitement, qui va mettre en place une cinématique d’opérations bancaires élémentaires, cette cinématique pouvant être différente suivant le canal d’appel. L’important dans cette couche est de bien définir l’opération élémentaire pour que celle-ci soit le plus possible multicanal, la spécificité du canal intervenant dans l’ordre d’enchaînement de ces opérations élémentaires ;
- la couche des données qui va être constituée des bases de données et de leurs accesseurs.
Mise en place d’un poste de travail pour l’ensemble des positions » front office » de la banque
Le changement fondamental pour la relation banque-client entre la banque à distance et la banque de proximité réside dans le changement de la notion de client. En effet, pour une agence, un client c’est le titulaire d’un ensemble de contrats dans cette agence. Pour un client de la banque à distance, ce qui l’intéresse c’est de connaître l’ensemble des contrats qu’il a avec la banque, quelle que soit l’agence. De même un opérateur d’une plate-forme téléphonique nationale doit pouvoir opérer sur l’ensemble des comptes d’un client. Ceci conduit à transformer les postes de travail des agences et des plates-formes téléphoniques pour les faire passer d’un ensemble de transactions sur des contrats à un véritable dossier client synthétisant l’ensemble des relations banque-client.
Mise en place d’une boucle » gestion de la relation client » (GRC)
La multiplicité des canaux de contact offerts tout en souhaitant avoir une vision centralisée de l’ensemble des contacts conduit à mettre en place de nouveaux systèmes d’enregistrement et de suivi ; un workflow et des outils puissants de stockage permettent de suivre les processus de bout en bout et de partager l’information quel que soit le canal par lequel l’opération a été faite.
Ceci conduit à la mise en place systématique d’enregistrement d’événements pour alimenter la boucle GRC, ce qui nécessite de faire évoluer de nombreux programmes qui conservaient ces événements à l’intérieur de leurs propres systèmes.
Le datawarehouse ainsi mis en place est alors utilisé, d’une part pour faire des études marketing sur le comportement des clients à partir de leurs comportements réels, et d’autre part pour préparer automatiquement des campagnes commerciales auprès de clients mieux ciblés.
Mise en place d’un véritable » Canal Internet »
La transformation des produits Internet en un réel canal de distribution nécessite de transformer ces produits réservés à des abonnés en d’une part un portail informationnel accessible à tous permettant aux seuls clients d’accéder à des services transactionnels tels qu’ils les connaissaient dans les anciens produits Internet.
Cette évolution conduit les informaticiens du fait de » l’ancienneté » de certains services Internet à des changements très lourds d’infrastructure avec des outils de portail, des outils de Web services, des middleware pour enfin accéder aux données bancaires. Tout cela en conservant un niveau de sécurité maximal.
L’ensemble de ces transformations a nécessité des remises en cause profondes dans les habitudes des informaticiens bancaires qui ont dû passer de l’utilisation systématique du développement propriétaire en Cobol sur mainframe à des architectures complexes mélangeant systèmes ouverts et mainframe, Cobol, XML et Java, développements propriétaires et logiciels achetés. À titre d’exemple un client qui appelle le centre d’appels BNP Paribas pour effectuer une opération bancaire va passer par une trentaine de machines informatiques ou de télécommunication.
Ce changement important des habitudes informatiques bancaires permet aujourd’hui d’enregistrer chaque mois :
- 2 millions d’appels vers le serveur vocal informatique,
- 580 000 appels vers le centre de relations clients,
- 5 millions de contacts vers le portail Internet, dont 2 millions vont générer des opérations bancaires,
- 9 millions d’ouvertures de dossiers clients dans les agences et le centre de relations clients,
- 1,2 million de contacts clients grâce aux outils de gestion de campagne basés sur la boucle GRC,
tout cela utilisant les mêmes programmes de traitement et la même base de données élémentaires.
Ces évolutions technologiques ont permis à la banque de détail de passer d’un marketing produit à un marketing clients indispensable pour affronter la saturation du marché bancaire existant aujourd’hui dans notre pays.