Les opérations de la marine nationale aujourd’hui

Dossier : Marine nationaleMagazine N°596 Juin/Juillet 2004Par Bruno de SALINS

Depuis une quin­zaine d’an­nées, l’é­vo­lu­tion du contexte stra­té­gique a entraî­né une forte insta­bi­li­té inter­na­tio­nale engen­drant des risques nou­veaux pour les socié­tés occi­den­tales et favo­ri­sant le déve­lop­pe­ment d’ac­ti­vi­tés illi­cites et vio­lentes. Elle a fait appa­raître un besoin accru de sécu­ri­té glo­bale qui a conduit à redé­fi­nir les mis­sions de la marine autour de trois fonc­tions stratégiques :

  • la dis­sua­sion, fon­de­ment de la stra­té­gie de défense de la France ;
  • l’action opé­ra­tion­nelle qui se décline en deux volets : les mis­sions de pré­ven­tion condui­sant à adop­ter une pos­ture géné­rale de vigi­lance pour pré­ve­nir le déve­lop­pe­ment des crises, et les mis­sions de pro­jec­tion de forces ou de puis­sance, lors­qu’un enga­ge­ment mili­taire reste nécessaire ;
  • la sau­ve­garde mari­time qui vise à faire face à toutes les menaces sus­cep­tibles de venir de la mer et à assu­rer la maî­trise des risques liés à l’ac­ti­vi­té maritime.

Les mis­sions réa­li­sées par la Marine natio­nale ces der­nières années s’ins­crivent tota­le­ment dans ce cadre.

Mission Héraclès.
Mis­sion Héra­clès. MARINE NATIONALE

Dissuasion : la tenue de la posture

Avec la force océa­nique stra­té­gique consti­tuée de quatre sous-marins nucléaires lan­ceurs d’en­gins (SNLE), la marine assure depuis plus de trente ans la per­ma­nence d’un à deux SNLE en patrouille. Cette mis­sion qui vise à pré­ser­ver les inté­rêts vitaux du pays est assu­rée sans tapage et sans faille.

L’action opérationnelle

Projection : le combat contre le terrorisme

Dans le cadre de la mis­sion de lutte contre le ter­ro­risme inter­na­tio­nal, le groupe aéro­na­val autour du porte-avions Charles-de-Gaulle a par­ti­ci­pé en 2002 aux côtés des forces de la coa­li­tion aux mis­sions aériennes de sou­tien aux opé­ra­tions ter­restres en Afgha­nis­tan. Cette mis­sion avait un carac­tère excep­tion­nel en rai­son de la dis­tance entre le porte-avions et la zone d’o­pé­ra­tions condui­sant à des records dans la durée des vols et dans le nombre de ravi­taille­ment par vol. Durant ces sept mois, la contri­bu­tion des forces aéro­na­vales fran­çaises (4 550 heures de vol, 3 200 appon­tages et cata­pul­tages) a repré­sen­té de l’ordre de 15 % de la tota­li­té des acti­vi­tés aériennes de la coa­li­tion et près de 30 % des mis­sions de guet aérien au-des­sus du ter­ri­toire afghan. À l’heure où ces lignes sont écrites, le Charles-de-Gaulle patrouille à nou­veau dans ces eaux loin­taines pour les mêmes objectifs.

Prévention : une permanence vigilante dans le golfe de Guinée

Opération Licorne (Abidjan).
Opé­ra­tion Licorne (Abid­jan). MARINE NATIONALE

Depuis 1990, une per­ma­nence d’u­ni­tés de la Marine natio­nale est main­te­nue dans le golfe de Gui­née pour y assu­rer à la fois une pré­sence et un pré­po­si­tion­ne­ment opé­ra­tion­nel dans cette zone sou­vent trou­blée : leur mis­sion est de mani­fes­ter une pré­sence active des armées fran­çaises dans une zone d’in­té­rêt majeur, de ren­for­cer nos rela­tions avec les prin­ci­pales nations rive­raines, et d’être en mesure de par­ti­ci­per à d’é­ven­tuelles opé­ra­tions natio­nales ordon­nées pour garan­tir nos inté­rêts ou la sécu­ri­té de nos res­sor­tis­sants. Ain­si, le TCD Orage a effec­tué en juin 2003 l’é­va­cua­tion de 550 res­sor­tis­sants fran­çais et étran­gers de la ville de Mon­ro­via dévo­rée par la guerre civile.

La sauvegarde maritime

Il s’a­git de faire face à toutes les menaces sus­cep­tibles de venir de la mer, d’as­su­rer la défense des droits sou­ve­rains de la France en mer et la maî­trise des risques liés à l’ac­ti­vi­té mari­time. Ces risques sont aujourd’­hui nom­breux et pré­sentent une sen­si­bi­li­té accrue ces der­nières années.

Lutte contre le narcotrafic : une coopération multinationale face aux cartels

Le Winner.
Le Win­ner. MARINE NATIONALE

Dans le cadre de la lutte contre le nar­co­tra­fic, la Marine natio­nale déploie pen­dant cent vingt jours chaque année dans la zone Antilles-Guyane des moyens impor­tants d’in­ter­ven­tion contre le nar­co­tra­fic (fré­gate, héli­co­ptère, avion de sur­veillance, com­man­dos…) dont l’ac­tion est par­fois ren­for­cée par l’ar­mée de l’air (Awacs) et s’ins­crit dans le cadre d’un dis­po­si­tif régio­nal plus large coor­don­né par les États-Unis (Joint Inter Agen­cy Task Force-South de Key West) avec le concours des Bri­tan­niques et des Néerlandais.

C’est dans ce cadre qu’il y a quelques mois un cha­lu­tier qui sem­blait pêcher tran­quille­ment au large de la Gua­de­loupe a été arrai­son­né par un patrouilleur de la gen­dar­me­rie mari­time sou­te­nu par un Fal­con 50 de la Marine natio­nale, per­met­tant la sai­sie d’une impor­tante car­gai­son de cannabis.

En marge de ces opé­ra­tions pro­gram­mées, des opé­ra­tions d’op­por­tu­ni­té peuvent avoir lieu comme l’in­ter­cep­tion mus­clée du car­go Win­ner au large de l’A­frique de l’Ouest l’an der­nier. La clé du suc­cès de ce type de mis­sion réside à l’é­vi­dence dans la qua­li­té du ren­sei­gne­ment, et donc de la coopé­ra­tion internationale.

Surveillance des pêches : de la coercition à la dissuasion

Opération Providence (Liberia).
Opé­ra­tion Pro­vi­dence (Libe­ria). MARINE NATIONALE

Pour lut­ter contre la pêche illi­cite dans la zone éco­no­mique des Terres Aus­trales et Antarc­tiques fran­çaises, la marine y main­tient 250 jours par an la per­ma­nence d’un bâti­ment, prin­ci­pa­le­ment à par­tir de La Réunion. Pour amé­lio­rer l’ef­fi­ca­ci­té de nos bâti­ments dans cette zone par­ti­cu­liè­re­ment vaste, ceux-ci sont main­te­nant orien­tés dans leur recherche grâce au satel­lite Radar­sat.

Par ailleurs, un navire de pêche sai­si en 2003 dans la zone, et réamé­na­gé en bâti­ment de sur­veillance, comble les périodes d’ab­sence du bâti­ment de la marine. Cette per­ma­nence de moyens à la mer alliée à l’u­ti­li­sa­tion annon­cée de Radar­sat per­met aux auto­ri­tés locales de modi­fier leur stra­té­gie de coer­ci­tion vers une stra­té­gie de dissuasion.

Paral­lè­le­ment, des rap­pro­che­ments inter­na­tio­naux ont été enga­gés. Ils visent notam­ment à empê­cher le déchar­ge­ment des car­gai­sons de pêche illi­cite dans les pays rive­rains de la zone (Afrique du Sud, île Maurice…).

Immigration clandestine : une recherche en amont

Déclen­chée dans les jours qui ont sui­vi l’é­chouage près de Saint-Raphaël du car­go char­gé de migrants kurdes en février 2001, l’o­pé­ra­tion Ama­rante engage les uni­tés de la marine en Médi­ter­ra­née orien­tale dans une lutte contre l’im­mi­gra­tion clan­des­tine vers la France au plus près de sa source. Cette opé­ra­tion a notam­ment per­mis en mars 2002 l’in­ter­cep­tion avant son arri­vée dans nos zones côtières d’un car­go trans­por­tant clan­des­ti­ne­ment des cen­taines d’im­mi­grants kurdes.

Ce dis­po­si­tif de sur­veillance » au loin » et » à la source » est com­plé­té plus près de nos côtes par une coopé­ra­tion ren­for­cée avec la marine ita­lienne dans le canal de Sicile, des mis­sions régu­lières de sur­veillance aérienne et par un ren­for­ce­ment notable de la chaîne séma­pho­rique sur le lit­to­ral français.

Pollution : une prévention améliorée, un dispositif d’intervention renforcé


 MARINE NATIONALE
Opération Carbet (Haïti).
Opé­ra­tion Car­bet (Haï­ti). MARINE NATIONALE

La pré­ven­tion contre les pol­lu­tions en mer est arti­cu­lée autour d’un dis­po­si­tif de remor­queurs affré­tés aptes à por­ter assis­tance aux navires en dif­fi­cul­té, d’a­vions de sur­veillance mari­time pour tra­quer les pol­lueurs, de bâti­ments pré­po­si­tion­nés pour les inter­cep­ter, et enfin d’un arse­nal répres­sif sen­si­ble­ment amélioré.

Durant l’hi­ver 2002–2003, tous ces moyens de loca­li­sa­tion et de récu­pé­ra­tion ont été mobi­li­sés pour lut­ter contre la pol­lu­tion occa­sion­née par le nau­frage du Pres­tige.

Au bilan, et après des mois d’une lutte dif­fi­cile coor­don­née par la Marine natio­nale, ce sont 4 450 m3 de pétrole qui ont été ramas­sés dans le golfe de Gas­cogne avant qu’ils ne viennent pol­luer nos côtes.

La marine a consa­cré à cette tâche près de 6 400 heures de mer de bâti­ment et mille heures de vol.

La fin de la guerre froide n’a pas réduit les besoins de sécu­ri­té et de défense en mer ; les évé­ne­ments récents les ont accrus.

Dans ce contexte, la marine apporte à notre pays la garan­tie de sécu­ri­té de ses inté­rêts vitaux, la capa­ci­té d’in­ter­ve­nir sur toutes les zones lit­to­rales du globe sans contrainte diplo­ma­tique, l’as­su­rance d’une maî­trise opti­male des risques liés à l’ac­ti­vi­té mari­time. Elle le fait avec effi­ca­ci­té et enthousiasme.

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