Les opérations de la marine nationale aujourd’hui
Depuis une quinzaine d’années, l’évolution du contexte stratégique a entraîné une forte instabilité internationale engendrant des risques nouveaux pour les sociétés occidentales et favorisant le développement d’activités illicites et violentes. Elle a fait apparaître un besoin accru de sécurité globale qui a conduit à redéfinir les missions de la marine autour de trois fonctions stratégiques :
- la dissuasion, fondement de la stratégie de défense de la France ;
- l’action opérationnelle qui se décline en deux volets : les missions de prévention conduisant à adopter une posture générale de vigilance pour prévenir le développement des crises, et les missions de projection de forces ou de puissance, lorsqu’un engagement militaire reste nécessaire ;
- la sauvegarde maritime qui vise à faire face à toutes les menaces susceptibles de venir de la mer et à assurer la maîtrise des risques liés à l’activité maritime.
Les missions réalisées par la Marine nationale ces dernières années s’inscrivent totalement dans ce cadre.
Dissuasion : la tenue de la posture
Avec la force océanique stratégique constituée de quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), la marine assure depuis plus de trente ans la permanence d’un à deux SNLE en patrouille. Cette mission qui vise à préserver les intérêts vitaux du pays est assurée sans tapage et sans faille.
L’action opérationnelle
Projection : le combat contre le terrorisme
Dans le cadre de la mission de lutte contre le terrorisme international, le groupe aéronaval autour du porte-avions Charles-de-Gaulle a participé en 2002 aux côtés des forces de la coalition aux missions aériennes de soutien aux opérations terrestres en Afghanistan. Cette mission avait un caractère exceptionnel en raison de la distance entre le porte-avions et la zone d’opérations conduisant à des records dans la durée des vols et dans le nombre de ravitaillement par vol. Durant ces sept mois, la contribution des forces aéronavales françaises (4 550 heures de vol, 3 200 appontages et catapultages) a représenté de l’ordre de 15 % de la totalité des activités aériennes de la coalition et près de 30 % des missions de guet aérien au-dessus du territoire afghan. À l’heure où ces lignes sont écrites, le Charles-de-Gaulle patrouille à nouveau dans ces eaux lointaines pour les mêmes objectifs.
Prévention : une permanence vigilante dans le golfe de Guinée
Depuis 1990, une permanence d’unités de la Marine nationale est maintenue dans le golfe de Guinée pour y assurer à la fois une présence et un prépositionnement opérationnel dans cette zone souvent troublée : leur mission est de manifester une présence active des armées françaises dans une zone d’intérêt majeur, de renforcer nos relations avec les principales nations riveraines, et d’être en mesure de participer à d’éventuelles opérations nationales ordonnées pour garantir nos intérêts ou la sécurité de nos ressortissants. Ainsi, le TCD Orage a effectué en juin 2003 l’évacuation de 550 ressortissants français et étrangers de la ville de Monrovia dévorée par la guerre civile.
La sauvegarde maritime
Il s’agit de faire face à toutes les menaces susceptibles de venir de la mer, d’assurer la défense des droits souverains de la France en mer et la maîtrise des risques liés à l’activité maritime. Ces risques sont aujourd’hui nombreux et présentent une sensibilité accrue ces dernières années.
Lutte contre le narcotrafic : une coopération multinationale face aux cartels
Dans le cadre de la lutte contre le narcotrafic, la Marine nationale déploie pendant cent vingt jours chaque année dans la zone Antilles-Guyane des moyens importants d’intervention contre le narcotrafic (frégate, hélicoptère, avion de surveillance, commandos…) dont l’action est parfois renforcée par l’armée de l’air (Awacs) et s’inscrit dans le cadre d’un dispositif régional plus large coordonné par les États-Unis (Joint Inter Agency Task Force-South de Key West) avec le concours des Britanniques et des Néerlandais.
C’est dans ce cadre qu’il y a quelques mois un chalutier qui semblait pêcher tranquillement au large de la Guadeloupe a été arraisonné par un patrouilleur de la gendarmerie maritime soutenu par un Falcon 50 de la Marine nationale, permettant la saisie d’une importante cargaison de cannabis.
En marge de ces opérations programmées, des opérations d’opportunité peuvent avoir lieu comme l’interception musclée du cargo Winner au large de l’Afrique de l’Ouest l’an dernier. La clé du succès de ce type de mission réside à l’évidence dans la qualité du renseignement, et donc de la coopération internationale.
Surveillance des pêches : de la coercition à la dissuasion
Pour lutter contre la pêche illicite dans la zone économique des Terres Australes et Antarctiques françaises, la marine y maintient 250 jours par an la permanence d’un bâtiment, principalement à partir de La Réunion. Pour améliorer l’efficacité de nos bâtiments dans cette zone particulièrement vaste, ceux-ci sont maintenant orientés dans leur recherche grâce au satellite Radarsat.
Par ailleurs, un navire de pêche saisi en 2003 dans la zone, et réaménagé en bâtiment de surveillance, comble les périodes d’absence du bâtiment de la marine. Cette permanence de moyens à la mer alliée à l’utilisation annoncée de Radarsat permet aux autorités locales de modifier leur stratégie de coercition vers une stratégie de dissuasion.
Parallèlement, des rapprochements internationaux ont été engagés. Ils visent notamment à empêcher le déchargement des cargaisons de pêche illicite dans les pays riverains de la zone (Afrique du Sud, île Maurice…).
Immigration clandestine : une recherche en amont
Déclenchée dans les jours qui ont suivi l’échouage près de Saint-Raphaël du cargo chargé de migrants kurdes en février 2001, l’opération Amarante engage les unités de la marine en Méditerranée orientale dans une lutte contre l’immigration clandestine vers la France au plus près de sa source. Cette opération a notamment permis en mars 2002 l’interception avant son arrivée dans nos zones côtières d’un cargo transportant clandestinement des centaines d’immigrants kurdes.
Ce dispositif de surveillance » au loin » et » à la source » est complété plus près de nos côtes par une coopération renforcée avec la marine italienne dans le canal de Sicile, des missions régulières de surveillance aérienne et par un renforcement notable de la chaîne sémaphorique sur le littoral français.
Pollution : une prévention améliorée, un dispositif d’intervention renforcé
Opération Carbet (Haïti). MARINE NATIONALE
La prévention contre les pollutions en mer est articulée autour d’un dispositif de remorqueurs affrétés aptes à porter assistance aux navires en difficulté, d’avions de surveillance maritime pour traquer les pollueurs, de bâtiments prépositionnés pour les intercepter, et enfin d’un arsenal répressif sensiblement amélioré.
Durant l’hiver 2002–2003, tous ces moyens de localisation et de récupération ont été mobilisés pour lutter contre la pollution occasionnée par le naufrage du Prestige.
Au bilan, et après des mois d’une lutte difficile coordonnée par la Marine nationale, ce sont 4 450 m3 de pétrole qui ont été ramassés dans le golfe de Gascogne avant qu’ils ne viennent polluer nos côtes.
La marine a consacré à cette tâche près de 6 400 heures de mer de bâtiment et mille heures de vol.
La fin de la guerre froide n’a pas réduit les besoins de sécurité et de défense en mer ; les événements récents les ont accrus.
Dans ce contexte, la marine apporte à notre pays la garantie de sécurité de ses intérêts vitaux, la capacité d’intervenir sur toutes les zones littorales du globe sans contrainte diplomatique, l’assurance d’une maîtrise optimale des risques liés à l’activité maritime. Elle le fait avec efficacité et enthousiasme.