Les parcs naturels régionaux : conciliation des objectifs de protection et de développement
On a trop souvent tendance à opposer protection de l’environnement et développement économique. Pourtant, lorsqu’il s’agit de territoire habité, où la population est légitimement en attente d’une certaine qualité de vie, développement économique et protection de l’environnement ne peuvent être dissociés.
Impossible d’agir pour l’environnement sans penser à l’économie et réciproquement.
Cette approche que l’on nomme actuellement » développement durable » est expérimentée depuis plus de trente ans par les parcs naturels régionaux.
En effet, en tant qu’organismes de mission, ceux-ci ont expressément été créés pour inventer un mode de développement intégrant la protection de l’environnement (voir carte ci-contre et encadré).
Au quotidien, les parcs naturels régionaux et celui du Pilat en particulier appliquent ces principes dans des actions concrètes.
Cependant, il ne peut s’agir de vrai développement si les forces vives locales, élus, associations, acteurs économiques ne portaient pas eux aussi le projet de territoire.
Peut-être est-ce dans ce projet commun que réside la force des parcs naturels régionaux pour mettre en œuvre leurs objectifs de protection et de développement en toute cohérence.
Objectif de protection ou objectif de développement ?
Un projet de territoire ne saurait reposer uniquement sur un objectif de protection de l’environnement. Bien que cette idée soit louable, comment peut-on imaginer l’avenir d’un territoire basé uniquement sur la conservation de quelques espèces ou de milieux naturels particulièrement riches et sensibles ? Quel responsable local prendrait le risque de proposer à ses concitoyens la protection de l’environnement comme seule perspective ?
De même, ce responsable local ne serait-il pas inconscient de baser le développement de sa collectivité sur les seuls objectifs de progrès économique, sans en envisager les conséquences à plus long terme ? Le développement économique ne peut plus ignorer son environnement. Protection des espèces, effet de serre, gestion des ressources, élimination des déchets… sont autant de préoccupations qui ne doivent pas laisser les responsables indifférents. La planète ne supporte pas que l’on déplace ses difficultés écologiques vers d’autres territoires. Elles doivent d’abord trouver des réponses locales.
Impossible de choisir entre protection et développement. Le vrai objectif des responsables locaux se décline en termes d’emploi et de qualité de vie ; et de ce fait, il intégrera forcément environnement et développement.
Cette approche équilibrée s’appelle aujourd’hui le » développement durable « .
Le développement durable, un concept universel
Apparu lors de la Conférence des Nations unies de Rio en 1992, le concept de » développement durable » (ou soutenable) correspond à un développement répondant aux besoins présents d’une humanité solidaire, qui laisse aux générations futures la possibilité de survivre et de prospérer. Il suppose une efficacité économique, une équité sociale, une intégrité écologique et un développement endogène.
Appellation générique intellectuellement excitante, le développement durable prend toutes ses couleurs lorsqu’on l’envisage à travers les activités humaines comme l’agriculture préservant ses ressources, ou le tourisme.
Si les parcs naturels régionaux le pratiquent depuis une trentaine d’années, ce développement durable a aujourd’hui dépassé le stade expérimental, puisqu’il est repris par la loi Voynet créant les pays ; les pays se constitueront autour d’un projet de territoire, une charte à l’instar des parcs naturels régionaux : » Cette charte exprime le projet commun de développement durable du territoire… selon les engagements internationaux finalisés lors du Sommet de Rio de Janeiro. »
Les parcs naturels régionaux, pionniers du développement durable
Ce sont des organismes de mission qui œuvrent pour l’avenir de leur territoire, généralement fragile. Ils inscrivent leur action dans les cinq missions dévolues aux parcs naturels régionaux :
- protéger le patrimoine naturel et culturel ;
- contribuer au développement économique, social, culturel et à la qualité de vie ;
- assurer l’accueil, l’éducation et l’information du public ;
- réaliser des actions expérimentales ou exemplaires ;
- contribuer à l’aménagement du territoire.
Les parcs naturels régionaux furent inventés aux journées de Lurs en 1967, pour répondre à ce besoin pressenti de concilier protection de l’environnement et développement économique.
Du fait de la sectorisation des institutions françaises dans les années soixante-dix, seuls les parcs nationaux étaient chargés de la protection de l’environnement. Depuis, au rythme de la décentralisation et de l’intérêt croissant des Français pour l’environnement, les parcs naturels régionaux ont évolué. Ils fondent leur action sur un projet propre à chaque territoire et porté par les acteurs locaux.
Le développement durable qui est à la base de l’existence des parcs leur a permis de décliner ce concept à l’infini, inventant chaque jour de nouvelles actions propres à leur territoire.
Le parc naturel régional du Pilat
Aux portes de Saint-Étienne, le parc naturel régional du Pilat, c’est d’abord, comme les autres parcs naturels régionaux, un territoire remarquable par sa beauté et son équilibre façonné par des siècles de mise en valeur harmonieuse.
L’évolution socioéconomique risquerait d’en faire un musée, dont la qualité se dégraderait vite si les activités de la population devenaient insuffisantes pour maintenir un équilibre dynamique entre l’homme et la nature.
Le parc ne réalise pas des investissements spectaculaires, mais engage avec les partenaires locaux, publics et privés, un grand nombre d’actions, coordonnées dans le cadre de notre charte, pour conduire le projet de territoire. Certaines de ces actions revêtent en elles-mêmes toutes les composantes d’un développement durable.
Ces actions peuvent être l’exemple d’une » conciliation » aboutie entre les » objectifs de protection et de développement » même si notre intervention se mesure plus à l’échelle de tout un projet de territoire.
Agriculture et environnement partenaires dans le parc naturel régional du Pilat
Il n’existe pas dans nos territoires de milieux naturels qui n’aient été façonnés par l’homme. Quand aujourd’hui ceux-ci sont menacés, il est tout naturel de faire appel aux pratiques humaines pour les protéger. Pour la pérennité de ces opérations, il est nécessaire d’assurer leur viabilité économique.
Ainsi, sur les crêts du Pilat – site écologique prioritaire – l’abandon des pâturages laissait place à la lande évoluant lentement vers la forêt, ce qui menaçait la diversité biologique de ce site particulièrement intéressant à cette latitude. L’idée de faire appel à un agriculteur possédant un troupeau de brebis devait être approfondie : comment ? Pour combien de temps ?
Dans l’intérêt de l’agriculteur, mais aussi pour la sauvegarde à long terme du site, il était essentiel que cette remise en pâture soit économiquement rentable. Grâce à des aides régionales et européennes (une opération locale et bientôt un contrat territorial d’exploitation) la dynamique a pu s’enclencher.
La zone des crêts. © PNR PILAT – B. PATTE
L’agriculteur volontaire s’est fortement investi dans ce projet. Il a fait évoluer son système d’exploitation, augmenté son cheptel, abandonné l’ensilage pour s’orienter vers une production de qualité. La valorisation sur l’exploitation de la viande d’agneau lui a permis de limiter son surcoût dû au travail. Il a fallu construire une fenière et un atelier de découpe aux normes.
Aujourd’hui, les agneaux des crêts sont réputés dans la région. L’exploitation n’utilise plus de compléments alimentaires, les brebis sont uniquement nourries au foin et produisent de la viande d’excellente qualité, les consommateurs ne s’y sont pas trompés !
Grâce à la participation de l’ensemble des acteurs locaux : élus, propriétaires, filière agricole, associations de protection de l’environnement, et au soutien de l’Europe et des collectivités locales, un emploi de berger a été créé (complété d’une activité de découpe en hiver), le troupeau de 600 brebis passe cinq mois de l’année en estive sur les crêts et entretient ainsi les prairies naturelles aux fortes richesses écologiques.
Sans compter l’animation que représente la présence d’un troupeau en estive dans le Pilat qui n’était qu’un objectif secondaire dans ce projet, le bilan de cette opération est largement positif. Ici, protection de l’environnement et développement économique demeurent indissociables.
Des industriels soucieux de leur environnement
Protéger l’environnement ne doit pas se limiter aux espaces remarquables. Dans chaque activité on peut agir dans ce sens. La préservation de l’environnement peut alors devenir un atout et servir le développement économique.
Pour expérimenter ce concept, nous avons imaginé une action de » performance environnementale » en partenariat avec la Fédération des parcs et nos financeurs habituels (Europe et Région Rhône-Alpes).
En proposant aux industriels du Pilat de se servir de l’environnement pour étayer leur développement, nous ne pensions pas aller si loin.
Partant du principe que les donneurs d’ordre intègrent de plus en plus le critère de la préservation de l’environnement dans le choix de leurs sous-traitants, il nous paraissait intéressant de proposer aux industriels du Pilat (mécanique, plasturgie, agroalimentaire, et textile essentiellement en petites unités) de valoriser leur implantation dans un parc naturel régional, et de tirer parti de leur action volontaire en matière de préservation de l’environnement. Des programmes d’économie énergétique, de gestion des déchets et de management environnemental ont été mis en œuvre.
Ces programmes furent particulièrement bien accueillis des industriels et très suivis dans la mesure de leurs possibilités.
Leurs motivations que nous imaginions d’ordre économique, voire existentielles pour leur entreprise à plus ou moins long terme, furent en réalité beaucoup plus sensibles.
Certains d’entre eux ont engagé leur entreprise dans une démarche de progrès environnementale, pour prévenir l’évolution de la réglementation, et valoriser leur démarche vis-à-vis de leurs clients, mais pour la plupart des industriels, ce fut en premier lieu, pour améliorer leur environnement immédiat, l’image de l’entreprise dans la collectivité, et valoriser leur propre cadre de vie ainsi que leurs conditions de travail.
L’environnement n’est plus incompatible avec développement économique, au contraire. Ce sont les forces vives locales qui nous le montrent.
C’est parce que l’action définie par les élus du Pilat correspondait en tous points aux attentes des entrepreneurs locaux que la performance environnementale eut un tel succès.
La pièce maîtresse d’un projet de territoire réside dans son universalité : lorsqu’il est issu du territoire, partagé et porté par chacun des acteurs de la vie locale, une voie commune se dessine et le projet devient vite réalité.
Pour être partagé, un projet de développement ne peut se passer de la dimension écologique. Les citoyens sont légitimement soucieux de leur environnement, ils attendent des améliorations pour reprendre confiance.
De même, toute action de protection de l’environnement doit être associée à un projet de développement pour être économiquement rentable et ainsi proposer un avenir au territoire.
» Nous ne sommes que les gardiens de la terre de nos enfants » a‑t-on coutume de dire ; pour eux, créons les conditions d’un développement harmonieux !
Malleval, village typique médiéval. © PNR PILAT ‑F. COSTE |
Estive sur les crêts – 1999. © PNR PILAT – F. COSTE |