« Les polytechniciens ont des choses à dire »
Peut-on discuter de philosophie en ignorant le jargon des philosophes ? C’est le pari de Jean- Pierre Bessis.
Exprimer un concept
Une charte déontologique
« Les débats et échanges sont libres sur le site. La réflexion philosophique se valorise autant par le questionnement que par les thèses défendues. Les avis les plus divers et, même, les controverses sont acceptés. Toutefois, cela doit se faire dans le respect de chacun, et sans que cela ne tende à la polémique ouverte. Aussi ne sont pas admises les déclarations explicites d’opinions politiques et religieuses. Toute mise en cause personnelle d’un penseur contemporain est également interdite.
Pour tenir compte de ce que la philosophie a été et est toujours présente sur les domaines de la religion et la politique, il est néanmoins possible d’aborder ces thématiques dans un cadre d’expression dit académique et dans le strict respect de ses frontières. »
« Bien qu’académiquement rattachée au domaine littéraire, la philosophie intéresse les polytechniciens, estime-t-il, car la démarche de conceptualisation est au coeur de cette discipline comme elle l’est également au sein de toute entreprise de théorisation scientifique. »
Bien sûr, le langage utilisé par les philosophes peut rebuter de prime abord (vocabulaire particulier et parfois non normalisé, mode d’expression complexe), mais il n’est pas très difficile de franchir ce cap.
« Je constate aussi que beaucoup de polytechniciens se sont intéressés, pour des raisons personnelles, à deux ou trois sujets philosophiques particuliers sur lesquels ils ont réfléchi de nombreuses années, ce qui a pu les conduire à une analyse très personnelle et finalement pertinente. Il est intéressant de leur donner la parole. Certes, ils ont réfléchi avec leur propre référentiel langagier, sans recourir à la terminologie imposée par la discipline, mais ils seront de toute façon compris… de leurs pairs (les X).»
Nourrir des réflexions
Appelé par son petit nom « XPhilo », le groupe est essentiellement composé de polytechniciens, auxquels se joignent quelques personnalités extérieures, philosophes de profession. « Nous cherchons, précise Jean- Pierre Bessis, à éveiller le questionnement philosophique, à nourrir des réflexions et à aider à pénétrer le monde de la pensée philosophique actuelle et passée. »
L’inscription au groupe s’effectue de façon simple sur le site, moyennant une cotisation de quinze euros (gratuite pour les élèves) et l’acceptation d’une charte déontologique.
« C’est du reste à cette condition que nous avons obtenu l’agrément de l’AX. ».
Une lettre trimestrielle
« Le groupe publie tous les trimestres une lettre d’une trentaine de pages, composée d’articles signés de ses membres, polytechniciens ou philosophes professionnels, et n’exigeant pas, pour leur lecture, de prérequis particulier en philosophie. Elle est également diffusée sur le site de l’AX et sur le réseau des élèves.
« Ce sont du reste ces derniers qui nous imposent le niveau de clarté que nous recherchons. Comment peut réagir un élève dont le premier souci est de comprendre, avant celui de savoir ?»
X‑Philosophie Président : Jean-Pierre Bessis (80) Vice-président : Marc Muller (97) Tél. : 01 40 67 78 45 Site Internet : www.x‑philo.com |
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Jean-Pierre BESSIS(80), 52 ans, ingénieur de l’Armement, est actuellement en poste à l’Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN). Il était auparavant chargé de la tutelle des écoles d’ingénieurs qui dépendent de la délégation générale pour l’armement : Polytechnique, l’ISAE (anciennement Sup Aéro), l’Ensta (École nationale supérieure des techniques de l’armement). Il enseigne parallèlement la philosophie dans plusieurs établissements d’enseignement supérieur, dont l’École polytechnique, où il est responsable du module « Philosophies et cultures d’Asie ». Il anime également des séminaires de philosophie en Bretagne. Il prépare un livre sur Hegel et participe à la rédaction d’un ouvrage collectif sur la philosophie de la religion. S’intéressant à l’histoire et aux sciences (vulgarisées), Jean-Pierre Bessis est féru de randonnées en montagne. Il est aussi violoniste amateur. |
Un projet en préparation
« Le groupe prévoit de décerner, chaque année, un prix à un ouvrage de langue française traitant de questions associant philosophie et sciences. »
Des rendez-vous réguliers
« Tous les deux mois, nous organisons une conférence ou un dînerdébat à la Maison des X, poursuit Jean-Pierre Bessis. « Le conférencier est soit un camarade, soit un professionnel de la philosophie.
« Par exemple, en mars dernier, notre camarade Claude Maury (61) a brillamment commenté la question : La vérité n’est-elle qu’une forme de croyance ?
« Dans une suite logique, c’est un philosophe-sociologue, Shmuel Trigano, qui nous a exposé sa vision de la vérité postmoderne en politique.
« Ces débats sont, quand c’est possible, complétés par des discussions sur le site, sous la forme d’une après-conférence qui permet à chacun de s’exprimer. »
Des débats d’actualité
La capacité du groupe à ouvrir des débats sur des thèmes « chauds » peut être illustrée par la rencontre en avril avec le professeur Trigano pour un échange sur un livre récent traitant de l’impact, selon lui dévastateur, du « postmodernisme ».
Des relations de proximité
X‑Philo entretient des relations régulières avec d’autres groupes X, partageant éventuellement des réunions-débats. Citons X‑Mines-Auteurs, animé par Jean Sousselier (58), ou X‑Sciences Humaines, présidé par Michel Paillet (92). L’ouverture à d’autres écoles, par exemple Normale sup (scientifique), est à l’étude.
Ce débat, introduit par la contribution apportée peu de temps avant par Claude Maury sur le relativisme, ouvrait des perspectives insoupçonnées sur les effets d’une démarche, venant par petites étapes à imposer la légitimité du discours sur le réel, et à force de tout déconstruire, à ouvrir la voie à une nouvelle structuration mondialisée du pouvoir, totalement supranationale, liée à quatre grands réseaux d’influence, couvrant la finance, les médias, l’expertise académique et la justice.
Propos recueillis par
Jean-Marc Chabanas (58)