Les prépas, un humanisme
Que dire de neuf sur les prépas scientifiques, vu les controverses dont elles sont l’objet depuis leur origine ? Périodes de bagne, moyens de reproduction sociale, lieux d’un individualisme forcené, classes où enseignent des professeurs au statut privilégié, singularité incompréhensible à des étrangers.
Pourquoi ce système a‑t-il donc résisté à ces attaques répétées ?
Cela tient bien sûr au lien des grandes écoles : bien des écoles sont convaincues que la disparition des prépas entraînerait leur déclin, voire leur disparition. Mais il est un autre facteur décisif : l’attachement des professeurs et des élèves aux prépas, attachement qui se traduit par une implication extrême, et des relations individuelles nourries avec les élèves, qu’ils soutiennent, rassurent, aiguillonnent.
“ Les camaraderies les plus fidèles viennent souvent des années de prépa ”
Et les élèves, pourquoi aimeraient-ils le bagne, à l’âge où l’on est sensible à bien d’autres tentations que celle de l’école ? Les prépas sélectionneraient-elles les masochistes, les matheux invétérés et quelques ambitieux ? Cela ne cadre pas avec ce que nous avons observé dans notre rôle d’enseignants.
Nous avons été frappés par l’ouverture d’esprit des élèves, leur goût pour des activités collectives, et la présence de vrais talents littéraires parmi eux – le taupin n’est ni borné ni misanthrope. Les camaraderies les plus fidèles, les amitiés durables, viennent souvent des années de taupe, et les anciens disent souvent que les années de prépa sont celles qui ont le plus marqué leur formation.
Il est aussi un élément décisif. Les concours, clés de l’élitisme républicain, ont été mis en place après la Révolution pour attribuer des responsabilités aux personnes selon leurs mérites et non plus selon leurs quartiers de noblesse. Pour atteindre ce rêve, le système des prépas est parfaitement logique, et même sa hiérarchie.
Le système des prépas fait du reste recette, au point de se développer contre vents et marées : le nombre d’élèves a presque doublé en quarante ans. Entrer en prépa aujourd’hui, c’est prendre la meilleure garantie d’un emploi intéressant. Il y a en effet autant de places dans les écoles d’ingénieurs que d’élèves en prépa.
Alors, que dire de nouveau sur les prépas ? Cela nous fut très clair : il fallait parler du vécu. Aller au contact des faits pouvait utilement mettre à l’épreuve les idées reçues. Mais il y a une raison plus importante encore : cela permettrait de comprendre pourquoi le système des prépas suscite un tel attachement.
Ce dossier donne donc la parole aux acteurs. S’il fallait résumer en un mot l’impression que nous retirons de cette enquête, c’est celui d’humanisme. Les constats auraient été semblables pour les filières commerciales ou bio.