Les projets de mobilité présentent-ils réellement un plus en entreprise ?
Les projets de » mobilité » sont un peu comme des auberges espagnoles : on trouve sous ce terme à peu près tout ce que les entreprises ont envie d’y mettre. La seule question commune à tous ces projets est : apportent-ils une vraie valeur à l’entreprise ? En effet, comme souvent lors de l’émergence d’une nouvelle technologie, la tendance est de se concentrer sur la technique, avant d’être certain du retour sur investissement.
Or il s’avère que la plupart des projets réussis ne présentent au final ni les gains initialement attendus, ni ne rencontrent les résistances prévues.
Avant d’exposer ces derniers, il faut sans doute préciser le terme de » mobilité « , qui prend de nombreuses acceptions selon le contexte : nous voulons parler ici des nouvelles technologies d’information aidant la mobilité des personnes, notamment en entreprise. Nous regroupons ainsi des technologies aussi variées que la géolocalisation, la transmission de données à distance (RTC, GPRS, UMTS, WiFi) et les systèmes d’information associés.
Ainsi, de nombreux acteurs cherchent à conquérir ce marché naissant :
- les opérateurs téléphoniques par la géolocalisation des cartes SIM des téléphones portables et les transmissions de données à distance (SMS, WAP ou GPRS) ;
- les spécialistes de la logistique qui proposent des logiciels de gestion de flottes de véhicules ;
- les sociétés d’informatique qui offrent des solutions apparemment complètes de mobilité (équipements, applications et infrastructures des réseaux associés…) ;
- les fabricants d’électronique qui commercialisent des outils communicants : assistants numériques personnels (PDA), GPS ;
- les fabricants de véhicules qui font de ces équipements un argument de vente ;
- des petites » start-ups » spécialisées sur ce secteur qui proposent le matériel et des solutions clés en main pour des gestionnaires de flottes.
Même si le marché est complexe, cette forte concurrence a stimulé la créativité et fait baisser les prix, ce qui fait que l’offre est aujourd’hui opérationnelle et accessible :
- les abonnements GPRS permettent la transmission de données en continu à un prix raisonnable,
- les terminaux sont de plus en plus performants, économiques, faciles d’accès et standardisés (PDA avec écran tactile),
- le GPS est fortement miniaturisé et à un prix accessible,
- Internet et les technologies ASP, c’est-à-dire l’hébergement de l’application par le fournisseur de service et non plus par l’utilisateur, ouvrent de nouvelles voies au partage de données.
Quels sont les gains attendus de tels projets ?
Les premiers projets » de mobilité » conduits par les entreprises, notamment de messagerie express, ont mis en avant le » plus » en matière de service aux clients.
Dès le début des années quatre-vingt-dix, UPS, Fedex, DHL ont équipé leurs équipes itinérantes de terminaux portables, permettant non seulement d’assurer la traçabilité d’un colis mais également d’enregistrer la signature à la réception du client.
Cette traçabilité » en direct » des messagers express a été largement mise en avant par les publicités de l’époque.
Ce qui, en revanche, a été également exploité par ces sociétés, mais sans communication excessive, est la capacité à suivre leurs équipes de chauffeurs vingt-quatre heures sur vingt-quatre par le biais de ces technologies : le suivi des colis devenait également un formidable outil de suivi de la performance et de la productivité d’équipes itinérantes.
C’est sans doute cette utilisation » annexe » des technologies de mobilité qui est à l’origine des nombreuses réticences sociales que rencontrent aujourd’hui les entreprises : les équipes itinérantes (chauffeurs, commerciaux, techniciens d’intervention…) perçoivent souvent l’aspect » big brother » du projet avant d’en voir la qualité des services rendus.
Avec un peu de précautions lors de la mise en place de ces projets, nous verrons pourtant que cet écueil est évitable.
Les applications » mobilité » en entreprise ne sont pas toujours celles que l’on croit
Les exploitations associées à la mobilité dans le secteur des services dépassent aujourd’hui de loin la simple traçabilité des colis de Federal Express.
La mobilité permet, en premier lieu, de communiquer avec ses équipes itinérantes, de les localiser et de les guider
Les entreprises de service se concurrençant souvent sur la rapidité et la flexibilité de leurs interventions, les premiers projets de mobilité ont souvent eu pour vocation d’instituer une communication permanente avec les équipes itinérantes : téléphones portables, transmission de données. À la simple communication s’ajoutent souvent :
- la localisation individuelle des agents, qui permet de trouver le technicien, le commercial… ou l’agent de sécurité le plus proche, disponible pour une intervention,
- la mise à disposition d’outils de cartographie et de calcul d’itinéraires, qui permettent de faciliter la navigation de l’agent ou du chauffeur,
- la connaissance en temps réel des interventions : le service commercial peut, par exemple, renseigner le client sur une intervention en cours (temps d’attente avant intervention, niveau de réparation, difficultés rencontrées…).
De nouvelles applications visent également à accroître la sécurité des équipes et des marchandises
Des puces électroniques » localisables » peuvent être collées sur des marchandises sensibles. Une fois une zone de sûreté définie, une alerte est possible lorsque ces dernières dépassent leurs zones d’attribution, activant par ailleurs le suivi en direct des marchandises. C’est par exemple le cas d’un engin de chantier lorsqu’il quitte son lieu de location sans autorisation préalable. Des dispositifs antivols intégrés dans les véhicules peuvent aussi être déclenchés à distance (changement de codes, reconnaissance du chauffeur, localisation…).
Des dispositifs » d’appel de détresse » automatiques (en cas de choc par exemple) ou manuels (en cas d’agression du personnel) peuvent être installés dans les véhicules. Cela fonctionne alors comme une balise de détresse pour les skippers des courses transocéaniques.
La mobilité permet également à certaines entreprises de réduire leur exposition aux risques juridiques
Le suivi des véhicules, même a posteriori, est en effet un argument efficace pour démontrer le respect d’un cahier des charges. C’est par exemple le cas d’un gestionnaire d’infrastructure (aéroport, autoroutes…) qui doit démontrer sa rapidité d’intervention et son passage effectif sur les lieux. Dans une récente enquête sur un accident d’avion, l’aéroport a dû par exemple apporter la preuve du passage d’un véhicule d’entretien sur la piste peu avant le décollage de l’appareil.
Les dispositifs de protection des personnes et des marchandises que nous avons vu précédemment concourent également à réduire les primes d’assurance. Enfin, la possibilité de tracer les véhicules permet des facturations d’assurance plus précises : en fonction du kilométrage parcouru, ou du périmètre géographique utilisé.
Tous ces avantages expliquent donc le foisonnement de ces projets de mobilité conduits en entreprise, en particulier dans le secteur des services.
Cependant, les salariés de ces entreprises sont souvent réticents à leurs mises en application.
La composante sociale est souvent négligée lors des premiers tests
Les populations de salariés (ou agents), ciblées par ces projets, sont souvent habituées au travail seul ou en équipe réduite (chauffeurs-livreurs, commerciaux, réparateurs…) : ce type de projet est donc souvent perçu comme une intrusion sur leurs lieux de travail.
Cette » indépendance » est d’ailleurs jalousement préservée car vécue par ces salariés comme l’une des contreparties à un travail exigeant (nombre d’heures travaillées, week-end de garde, horaires décalés…).
Or, cette réticence initiale est parfois avivée par le déroulement des premiers tests dans l’entreprise. En effet, le management opérationnel a tendance, souvent inconsciemment, à exploiter ce nouveau système pour piloter plus étroitement leurs équipes (temps de travail, productivité…).
Cela est d’autant plus dommageable que les projets de mobilité réussissent surtout lorsque les équipes se sentent plus responsabilisées et plus concernées par la vie de l’entreprise. Ces outils, exploités efficacement, constituent en effet un vrai lien entre l’entreprise, sa promesse aux clients et le salarié.
Donner envie aux employés
Parfois, il suffit de peu de chose pour changer la perception du projet. Nous avons par exemple constaté que la désactivation du suivi » en temps réel » du véhicule modifie relativement peu l’efficacité de ces outils mais, en revanche, change totalement la perception du salarié. D’autres salariés, au contraire, sont inquiets de la traçabilité a posteriori. Une limitation des accès à cette fonction à des cas bien précis (litige, incident…) peut suffire à les rassurer.
Une bonne communication et des projets pilotes bien conduits sont donc nécessaires pour faire entrer dans les mœurs ces nouvelles technologies.
La mise en avant des aspects de sécurité des personnes, des marchandises et l’efficacité opérationnelle (aide à la navigation, suppression des doubles saisies…) doit être supportée par les faits et ne pas être qu’un simple habillage du projet à destination des partenaires sociaux.
La mise en application des technologies de mobilité dans les entreprises respectant ces principes présente alors un véritable » plus » en termes de valeur ajoutée pour le client et d’enrichissement du travail pour ses collaborateurs.