Les relations politiques entre la France et le Brésil, opportunités et risques
Il m’est particulièrement agréable de m’adresser aux lecteurs de La Jaune et la Rouge à un moment où les relations franco-brésiliennes connaissent une intensité sans précédent. Comme en ont attesté les visites d’État du président Lula en France, en juillet 2005, puis du président de la République au Brésil, en mai 2006, les relations entre nos deux pays sont excellentes. Reflet de la profonde amitié qui unit nos deux peuples, elles ont, au cours des dernières années, gagné en profondeur et en densité.
Le Brésil reste en effet une terre d’opportunités. Sur le plan bilatéral, nos deux pays ont établi un partenariat particulièrement dynamique : le Brésil est notre premier partenaire commercial en Amérique latine. C’est une terre d’implantation et d’investissement pour la France. Quelque 500 entreprises françaises sont présentes au Brésil et emploient 250 000 personnes. L’intérêt des entreprises françaises pour le Brésil est ancien, et ne s’est jamais démenti. Le niveau des investissements directs, qui nous situe au quatrième rang tant en flux qu’en stock, témoigne de cet intérêt constant et de notre confiance en l’avenir de ce pays. La France, au Brésil, n’est pas seulement une puissance exportatrice occasionnelle. C’est un partenaire qui investit dans la durée malgré les aléas de la conjoncture et qui contribue, par le biais de ses entreprises, au développement du Brésil, en y apportant son savoir-faire et sa technologie.
S’appuyant sur la présence forte de nos entreprises, la tenue d’une « Année de la France au Brésil », en 2008–2009, devrait permettre de renforcer notre influence dans les domaines scientifique, technologique et culturel.
À ce propos, le Brésil est le premier partenaire de la France en Amérique latine pour la coopération culturelle, scientifique et technique. La densité de notre réseau culturel, éducatif et scientifique participe de notre présence au Brésil et contribue au développement d’échanges équilibrés, motivants et prometteurs. L’Alliance française, présente au Brésil depuis cent vingt ans, dispose de 74 implantations et regroupe 30 000 élèves. C’est le réseau d’alliances le plus ancien et le plus dense du monde. Le développement de la langue française dans ce grand pays émergent est en effet pour notre pays d’un intérêt majeur.
Les échanges universitaires, scientifiques et techniques sont particulièrement dynamiques. Un collège doctoral franco-brésilien a été créé pour permettre, dès cette année, de mettre en place des formations doctorales communes. Des réseaux scientifiques se renforcent sur des thèmes d’excellence (biotechnologies, nanotechnologies, valorisation des agro-ressources) tandis que nous développons la coopération dans le domaine de l’innovation technologique.
La coopération entre la France et le Brésil en matière d’environnement et de ressources naturelles, avec le concours de nos principaux instituts de recherche dans ce domaine, le CIRAD1 et l’IRD2, celui de la Fédération des Parcs Naturels Régionaux, et les actions du Fonds Français pour l’Environnement Mondial, constitue la marque de notre intérêt partagé à la mise en œuvre du développement durable. La coopération technique concerne également le domaine de la santé, de l’agriculture durable ou encore le développement urbain.
Notre pays, qui en Guyane partage avec le Brésil sa plus longue frontière terrestre, est aussi un pays amazonien. Nous avons, là aussi, commencé à engager une action de coopération à la fois économique, humaine et aussi écologique avec nos parcs naturels respectifs. Ils nous permettront une action commune dans le domaine de la sauvegarde de la biodiversité, de l’écologie ainsi que dans le domaine du développement du tourisme. C’est dans cet esprit que nous avons signé un accord pour la construction d’un pont sur le fleuve Oyapock qui devrait pouvoir commencer prochainement.
Partenaire bilatéral, le Brésil est aussi un acteur global. Sur de nombreux sujets, nos deux pays partagent la même vision, comme, par exemple, lors de récentes crises internationales (Irak, Haïti…) ou à propos des enjeux globaux auxquels nous sommes confrontés (réforme des Nations unies, mécanismes innovants de financement du développement, lancement de la Facilité internationale d’achat de médicaments – UNITAID…). Nous partageons en particulier avec le Brésil la même ambition d’une mondialisation mieux maîtrisée, plus équitable et plus solidaire dans un monde multipolaire.
Tout cela, et bien d’autres choses dont l’énumération serait fastidieuse tant elles sont nombreuses, témoigne de la confiance et de l’amitié qui existent entre le Brésil et la France.
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La réalité du Brésil d’aujourd’hui justifie pleinement l’engagement de la France à ses côtés. Partenaire bilatéral en même temps que global, le Brésil a depuis longtemps attiré nos entreprises.
Pourrait-il en aller autrement ? On voit mal les circonstances internes au Brésil, qui viendraient menacer une histoire certes lente, mais bien orientée. Hors l’hypothèse de chocs externes plus difficiles à anticiper, deux scénarios sont possibles.
Celui de la volonté : au prix d’inflexions mineures en matière monétaire et budgétaire, il permettrait à l’initiative de se libérer dans un cadre plus transparent et, partant, d’accomplir le saut de croissance permettant au Brésil d’engager les réformes nécessaires pour mieux répartir les fruits d’un progrès pérenne. Le Brésil assumerait alors pleinement son statut de pays émergent.
Celui de la nonchalance : aucun risque systémique n’étant à redouter, les choses continueraient d’aller à leur train, sans rien de tragique ni rien d’exemplaire, le pays continuant de bénéficier d’une image légitimement porteuse. Le Brésil profiterait alors de son statut avant même de l’avoir vraiment acquis.
Dès les premiers jours de son second mandat, qui a débuté le 1er janvier dernier, le président Luiz Inacio Lula da Silva a présenté un plan pour accélérer la croissance. Mais reste à savoir s’il aura les moyens politiques de mener à bien les réformes que le pays attend, même si, il est vrai, une confortable majorité devrait le soutenir au Congrès.
Quoi qu’il advienne, le Brésil demeurera un ami important de la France et un acteur incontournable de la mondialisation.
Nos pays se connaissent et s’apprécient depuis longtemps ; un capital de sympathie spontanée les unit. Mais nous avons encore beaucoup à apprendre l’un de l’autre. Je suis intimement persuadé que dans une société mondialisée, l’épanouissement des identités exige que les grandes aires de culture se confortent mutuellement par l’échange et le dialogue. Cela vaut naturellement pour la France et le Brésil qui, j’en suis sûr, sauront resserrer encore les liens étroits qui les unissent déjà. L’Année de la France au Brésil en sera une excellente occasion.
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1. Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement.
2. Institut de recherche pour le développement.