Les relations politiques entre la France et le Brésil, opportunités et risques

Dossier : Le BrésilMagazine N°626 Juin/Juillet 2007
Par Antoine POUILLIEUTE

Il m’est par­ti­cu­liè­re­ment agréable de m’a­dres­ser aux lec­teurs de La Jaune et la Rouge à un moment où les rela­tions fran­co-bré­si­liennes connaissent une inten­si­té sans pré­cé­dent. Comme en ont attes­té les visites d’É­tat du pré­sident Lula en France, en juillet 2005, puis du pré­sident de la Répu­blique au Bré­sil, en mai 2006, les rela­tions entre nos deux pays sont excel­lentes. Reflet de la pro­fonde ami­tié qui unit nos deux peuples, elles ont, au cours des der­nières années, gagné en pro­fon­deur et en densité.

Le Bré­sil reste en effet une terre d’op­por­tu­ni­tés. Sur le plan bila­té­ral, nos deux pays ont éta­bli un par­te­na­riat par­ti­cu­liè­re­ment dyna­mique : le Bré­sil est notre pre­mier par­te­naire com­mer­cial en Amé­rique latine. C’est une terre d’im­plan­ta­tion et d’in­ves­tis­se­ment pour la France. Quelque 500 entre­prises fran­çaises sont pré­sentes au Bré­sil et emploient 250 000 per­sonnes. L’in­té­rêt des entre­prises fran­çaises pour le Bré­sil est ancien, et ne s’est jamais démen­ti. Le niveau des inves­tis­se­ments directs, qui nous situe au qua­trième rang tant en flux qu’en stock, témoigne de cet inté­rêt constant et de notre confiance en l’a­ve­nir de ce pays. La France, au Bré­sil, n’est pas seule­ment une puis­sance expor­ta­trice occa­sion­nelle. C’est un par­te­naire qui inves­tit dans la durée mal­gré les aléas de la conjonc­ture et qui contri­bue, par le biais de ses entre­prises, au déve­lop­pe­ment du Bré­sil, en y appor­tant son savoir-faire et sa technologie.

S’ap­puyant sur la pré­sence forte de nos entre­prises, la tenue d’une « Année de la France au Bré­sil », en 2008–2009, devrait per­mettre de ren­for­cer notre influence dans les domaines scien­ti­fique, tech­no­lo­gique et culturel.

À ce pro­pos, le Bré­sil est le pre­mier par­te­naire de la France en Amé­rique latine pour la coopé­ra­tion cultu­relle, scien­ti­fique et tech­nique. La den­si­té de notre réseau cultu­rel, édu­ca­tif et scien­ti­fique par­ti­cipe de notre pré­sence au Bré­sil et contri­bue au déve­lop­pe­ment d’é­changes équi­li­brés, moti­vants et pro­met­teurs. L’Al­liance fran­çaise, pré­sente au Bré­sil depuis cent vingt ans, dis­pose de 74 implan­ta­tions et regroupe 30 000 élèves. C’est le réseau d’al­liances le plus ancien et le plus dense du monde. Le déve­lop­pe­ment de la langue fran­çaise dans ce grand pays émergent est en effet pour notre pays d’un inté­rêt majeur.

Les échanges uni­ver­si­taires, scien­ti­fiques et tech­niques sont par­ti­cu­liè­re­ment dyna­miques. Un col­lège doc­to­ral fran­co-bré­si­lien a été créé pour per­mettre, dès cette année, de mettre en place des for­ma­tions doc­to­rales com­munes. Des réseaux scien­ti­fiques se ren­forcent sur des thèmes d’ex­cel­lence (bio­tech­no­lo­gies, nano­tech­no­lo­gies, valo­ri­sa­tion des agro-res­sources) tan­dis que nous déve­lop­pons la coopé­ra­tion dans le domaine de l’in­no­va­tion technologique.

La coopé­ra­tion entre la France et le Bré­sil en matière d’en­vi­ron­ne­ment et de res­sources natu­relles, avec le concours de nos prin­ci­paux ins­ti­tuts de recherche dans ce domaine, le CIRAD1 et l’IRD2, celui de la Fédé­ra­tion des Parcs Natu­rels Régio­naux, et les actions du Fonds Fran­çais pour l’En­vi­ron­ne­ment Mon­dial, consti­tue la marque de notre inté­rêt par­ta­gé à la mise en œuvre du déve­lop­pe­ment durable. La coopé­ra­tion tech­nique concerne éga­le­ment le domaine de la san­té, de l’a­gri­cul­ture durable ou encore le déve­lop­pe­ment urbain.

Notre pays, qui en Guyane par­tage avec le Bré­sil sa plus longue fron­tière ter­restre, est aus­si un pays ama­zo­nien. Nous avons, là aus­si, com­men­cé à enga­ger une action de coopé­ra­tion à la fois éco­no­mique, humaine et aus­si éco­lo­gique avec nos parcs natu­rels res­pec­tifs. Ils nous per­met­tront une action com­mune dans le domaine de la sau­ve­garde de la bio­di­ver­si­té, de l’é­co­lo­gie ain­si que dans le domaine du déve­lop­pe­ment du tou­risme. C’est dans cet esprit que nous avons signé un accord pour la construc­tion d’un pont sur le fleuve Oya­pock qui devrait pou­voir com­men­cer prochainement.

Par­te­naire bila­té­ral, le Bré­sil est aus­si un acteur glo­bal. Sur de nom­breux sujets, nos deux pays par­tagent la même vision, comme, par exemple, lors de récentes crises inter­na­tio­nales (Irak, Haï­ti…) ou à pro­pos des enjeux glo­baux aux­quels nous sommes confron­tés (réforme des Nations unies, méca­nismes inno­vants de finan­ce­ment du déve­lop­pe­ment, lan­ce­ment de la Faci­li­té inter­na­tio­nale d’a­chat de médi­ca­ments – UNITAID…). Nous par­ta­geons en par­ti­cu­lier avec le Bré­sil la même ambi­tion d’une mon­dia­li­sa­tion mieux maî­tri­sée, plus équi­table et plus soli­daire dans un monde multipolaire.

Tout cela, et bien d’autres choses dont l’é­nu­mé­ra­tion serait fas­ti­dieuse tant elles sont nom­breuses, témoigne de la confiance et de l’a­mi­tié qui existent entre le Bré­sil et la France.

*
**

La réa­li­té du Bré­sil d’au­jourd’­hui jus­ti­fie plei­ne­ment l’en­ga­ge­ment de la France à ses côtés. Par­te­naire bila­té­ral en même temps que glo­bal, le Bré­sil a depuis long­temps atti­ré nos entreprises.

Pour­rait-il en aller autre­ment ? On voit mal les cir­cons­tances internes au Bré­sil, qui vien­draient mena­cer une his­toire certes lente, mais bien orien­tée. Hors l’hy­po­thèse de chocs externes plus dif­fi­ciles à anti­ci­per, deux scé­na­rios sont possibles.

Celui de la volon­té : au prix d’in­flexions mineures en matière moné­taire et bud­gé­taire, il per­met­trait à l’i­ni­tia­tive de se libé­rer dans un cadre plus trans­pa­rent et, par­tant, d’ac­com­plir le saut de crois­sance per­met­tant au Bré­sil d’en­ga­ger les réformes néces­saires pour mieux répar­tir les fruits d’un pro­grès pérenne. Le Bré­sil assu­me­rait alors plei­ne­ment son sta­tut de pays émergent.

Celui de la non­cha­lance : aucun risque sys­té­mique n’é­tant à redou­ter, les choses conti­nue­raient d’al­ler à leur train, sans rien de tra­gique ni rien d’exem­plaire, le pays conti­nuant de béné­fi­cier d’une image légi­ti­me­ment por­teuse. Le Bré­sil pro­fi­te­rait alors de son sta­tut avant même de l’a­voir vrai­ment acquis.

Dès les pre­miers jours de son second man­dat, qui a débu­té le 1er jan­vier der­nier, le pré­sident Luiz Inacio Lula da Sil­va a pré­sen­té un plan pour accé­lé­rer la crois­sance. Mais reste à savoir s’il aura les moyens poli­tiques de mener à bien les réformes que le pays attend, même si, il est vrai, une confor­table majo­ri­té devrait le sou­te­nir au Congrès.

Quoi qu’il advienne, le Bré­sil demeu­re­ra un ami impor­tant de la France et un acteur incon­tour­nable de la mondialisation.

Nos pays se connaissent et s’ap­pré­cient depuis long­temps ; un capi­tal de sym­pa­thie spon­ta­née les unit. Mais nous avons encore beau­coup à apprendre l’un de l’autre. Je suis inti­me­ment per­sua­dé que dans une socié­té mon­dia­li­sée, l’é­pa­nouis­se­ment des iden­ti­tés exige que les grandes aires de culture se confortent mutuel­le­ment par l’é­change et le dia­logue. Cela vaut natu­rel­le­ment pour la France et le Bré­sil qui, j’en suis sûr, sau­ront res­ser­rer encore les liens étroits qui les unissent déjà. L’An­née de la France au Bré­sil en sera une excel­lente occasion.

____________________
1. Centre de coopé­ra­tion inter­na­tio­nale en recherche agro­no­mique pour le développement.
2. Ins­ti­tut de recherche pour le développement.

Poster un commentaire