Les STEP répondent aux besoins croissants de stockage d’énergie et stabilisation des réseaux électriques

Les STEP répondent à un besoin croissant de stabilisation des réseaux électriques, dans des conditions d’efficacité et d’économie. Elles se multiplient dans le monde. Avec l’évolution des besoins dans le temps, des solutions techniques nouvelles sont apparues, qui répondent aux différents cas d’usage envisageables. Mais la question est moins technologique que politique : il faut donner aux STEP des conditions sécurisées de développement.
Avec l’augmentation de la part des énergies intermittentes dans le mix, les besoins de stockage à toutes les échelles de temps sont de plus en plus importants pour assurer la stabilité du réseau et la sécurité de l’approvisionnement. Les STEP (stations de transfert d’énergie par pompage) ont un rôle majeur à jouer. Elles sont adaptées au stockage quotidien ou hebdomadaire. Le principe est simple : l’eau est pompée du bassin inférieur vers le bassin supérieur quand la demande électrique est inférieure à la production ; elle est ensuite turbinée quand la demande électrique est plus forte.
Une solution de stockage efficace et économe
Le rendement de cycle est de l’ordre de 80 % (70 % pour les premières générations). Le CO₂ consommé par kilowattheure dépend principalement du mix énergie utilisé pendant le pompage. Dans le cas d’un pompage décarboné, les émissions de gaz à effet de serre sont exclusivement liées à la construction et restent donc faibles ; on estime pour l’énergie hydraulique les émissions de CO₂ comprises entre 5 et 12 g/kWh. La construction d’une centrale hydraulique nécessite essentiellement du béton et de l’acier, et elle ne consomme pas de matériaux rares. La quantité d’énergie stockée est proportionnelle à la chute (différence d’altitude entre les deux réservoirs) et au volume du réservoir.
“La solution la plus économique pour des durées de stockage de quelques heures à quelques jours”
Le besoin en foncier couvre la surface des deux réservoirs, les centrales sont souvent enterrées. Le foncier utilisé par kilowattheure (souvent entre 5 et 30 kWh/m2) est du même ordre de grandeur que le foncier nécessaire aux batteries stationnaires (12,9 kWh/m2 par exemple pour le projet Hornsdale de 129 MW en Australie). Les STEP sont la solution la plus économique pour des durées de stockage de quelques heures à quelques jours ; des combinaisons avec du stockage saisonnier sont possibles avec l’utilisation de réservoirs existants ; par exemple la nouvelle STEP de Snowy en Australie a une puissance de 2 GW et une capacité de stockage de 350 GWh. Contrairement aux idées reçues, il existe de nombreux sites adaptés en équipant des réservoirs existants, déjà utilisés pour de l’énergie hydraulique ou pour d’autres usages, ou en utilisant de nouveaux sites.

Des coûts limités, mais de longs délais
Les STEP peuvent être en circuit ouvert, c’est-à-dire en liaison avec un cours d’eau, ou en circuit fermé, c’est-à-dire avec un fonctionnement indépendant de tout cours d’eau, ce qui a l’avantage de limiter les interactions et les contraintes de partage de la ressource en eau. Si les STEP sont souvent de grosses unités (entre 100 et 2 000 MW) gérées de façon centralisée, des questions se posent aussi sur la décentralisation avec de plus petites unités (quelques mégawatts).
- Pendant les périodes de faible demande (prix faible voire négatif), l’énergie renouvelable produite par les sources fatales (éolien et solaire) est utilisée pour pomper l’eau.
- Quand la demande croît (prix élevé), l’eau est turbinée pour produire de l’électricité.
- Le pompage-turbinage associé aux énergies renouvelables produit de l’électricité fiable et disponible, et bas carbone.
L’inconvénient majeur des STEP est la durée nécessaire à la mise en œuvre : les études et les procédures nécessaires à l’obtention du permis de construire sont longues ; la durée de construction est de quatre à cinq ans. Certains États limitent les procédures dans le cas de STEP en circuit fermé. L’essentiel des coûts sont des Capex et doivent être investis au moment de la construction. Les coûts de fonctionnement sont faibles et la durée de vie est longue ; une réhabilitation des machines est faite en moyenne tous les quarante ans, alors que les infrastructures béton ont une durée de vie bien plus longue.
Un développement mondial
Aujourd’hui 170 GW de STEP sont installés dans le monde, dont 5 GW en France. Le développement des STEP est fonction des politiques de chaque pays. La Chine a depuis 2016 mis en place un plan de développement de STEP. En 2023 la Chine avait mis en service 51 GW (soit près du tiers des STEP installées dans le monde) ; 27 projets sont approuvés ou en cours de construction. Selon les nouvelles préconisations nationales : Guidance Opinions on Strengthening Grid Peaking Energy Storage and Smart Dispatch Capacity, la Chine prévoit d’ajouter 80 GW de STEP avant 2027. Ces décisions contribuent à la mise en place d’un système énergétique compétitif. Le solaire et l’éolien sont en forte augmentation en Australie, ce qui a créé une fragilité du réseau ; en 2016 plusieurs pannes d’électricité importantes ont eu lieu et ont perturbé en particulier la région d’Adélaïde.
La nécessité de mettre en place des solutions de stockage a mobilisé tous les acteurs : le projet de Snowy 2.0 (2 GW) a été lancé, plusieurs sociétés privées ont aussi investi dans des STEP, l’université, Australian National University, a publié un atlas de l’ensemble des sites potentiels. Israël peut être considérée comme une île électrique, l’accroissement des énergies intermittentes renouvelables impose la mise en place de moyen de stockage. Les autorités israéliennes ont conclu un contrat d’achat d’électricité avec des investisseurs privés pour la construction et l’opération de trois projets : Gilboa (300 MW), Kokhav Hayarden (344 MW) et Manara (154 MW). Les rémunérations prennent en compte des critères d’arbitrage, mais aussi les besoins de flexibilité et de changement rapide de mode.
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Des besoins évolutifs
Les premières STEP ont été développées en même temps que le nucléaire, pour pallier la variation de consommation. Aujourd’hui c’est l’intermittence de la production qu’il faut gérer. L’objectif est de compenser les variations des énergies renouvelables : produire pendant le pic de consommation du soir, au moment où le solaire ne produit plus rien, et absorber de l’énergie au moment de la production maximale ; mais aussi être capable de compenser les baisses de charge rapides, liées à la variation de production comme le passage d’un nuage ou la variation d’intensité du vent. Si les STEP classiques (turbine-pompe et moteur-alternateur à vitesse fixe) représentent la plus grosse part du parc installé, les technologies se sont adaptées aux nouveaux besoins.
Des solutions techniques
Les STEP à réaction rapide : ce sont des STEP classiques avec des options de démarrage et de changement de mode rapide ; typiquement passage du mode pompe en mode turbine en moins d’une minute ; ce type de STEP a été par exemple installé en Israël à Gilboa (2 x 150 MW), le réseau étant un réseau isolé ; le temps de réaction est un facteur clé.
Les STEP à vitesse variable : turbine-pompe et moteur-alternateur à vitesse variable, cette nouvelle technologie permettant un réglage de puissance à la fois en mode pompe et en mode turbine ; elle présente aussi l’avantage de variations très rapides ; quelques millisecondes grâce à la variation de vitesse électrique, avec la possibilité de turbiner pendant plusieurs heures, plusieurs jours, voire des semaines ; ces centrales peuvent opérer sur le marché de l’arbitrage (en pompant quand le prix de l’énergie est faible et en turbinant quand il est élevé) et sur le marché des services systèmes, avec la possibilité de faire de la régulation de fréquence en mode pompe et en mode turbine.
« Des solutions associant STEP et batterie de moindre puissance sont testées pour optimiser les solutions face aux besoins d’aujourd’hui. »
Les Suisses ont choisi d’installer cette technologie sur deux centrales : Linthal (4 x 250 MW) a été mise en service en 2015 ; avec 33 GWh de capacité de stockage, soit 32 heures avec une puissance de 1 000 MW ; et Nant de Drance avec 6 groupes de 150 MW, mise en service en 2022 avec une capacité de stockage de 20 GWh. Ces deux centrales jouent un rôle majeur dans la stabilisation du réseau européen et la sécurité de l’approvisionnement suisse.
Le court-circuit hydraulique : cela permet de fonctionner sur un groupe en mode turbine et sur l’autre en mode pompe ; ce type de système a l’avantage de permettre de la variation de puissance continue malgré un rendement réduit ; il a été mis en place sur la centrale de Grand’Maison (1 800 MW) dans les Alpes, ce qui permet de mieux répondre aux besoins. L’hybridation : des solutions associant STEP et batterie de moindre puissance sont testées pour optimiser les solutions face aux besoins d’aujourd’hui.

Avoir une vraie vision
La mise en place de solutions de stockage est indispensable à la sécurité du réseau. Les STEP sont une solution efficace, économe, économique, mais nécessitent une vision. Dans un monde où les prévisions à long terme sont difficiles, il est indispensable de mettre en place les conditions qui permettent l’investissement : stabilité des rémunérations, adaptation des procédures aux circuits fermés. Les STEP contribuent à une énergie sécurisée, décarbonée et compétitive.