Les STEP répondent aux besoins croissants de stockage d'énergie et stabilisation des réseaux électriques. Centrale de Nant de Drance (Suisse), réservoirs du Vieux Émosson et d’Émosson.

Les STEP répondent aux besoins croissants de stockage d’énergie et stabilisation des réseaux électriques

Dossier : HydroélectricitéMagazine N°803 Mars 2025
Par Maryse XAUSA FRANCOIS (X80)

Les STEP répondent à un besoin crois­sant de sta­bi­li­sa­tion des réseaux élec­triques, dans des condi­tions d’efficacité et d’économie. Elles se mul­ti­plient dans le monde. Avec l’évolution des besoins dans le temps, des solu­tions tech­niques nou­velles sont appa­rues, qui répondent aux dif­fé­rents cas d’usage envi­sa­geables. Mais la ques­tion est moins tech­no­lo­gique que poli­tique : il faut don­ner aux STEP des condi­tions sécu­ri­sées de développement.

Avec l’augmentation de la part des éner­gies inter­mit­tentes dans le mix, les besoins de sto­ckage à toutes les échelles de temps sont de plus en plus impor­tants pour assu­rer la sta­bi­li­té du réseau et la sécu­ri­té de l’approvision­nement. Les STEP (sta­tions de trans­fert d’énergie par pom­page) ont un rôle majeur à jouer. Elles sont adap­tées au sto­ckage quo­ti­dien ou heb­do­ma­daire. Le prin­cipe est simple : l’eau est pom­pée du bas­sin infé­rieur vers le bas­sin supé­rieur quand la demande élec­trique est infé­rieure à la pro­duc­tion ; elle est ensuite tur­bi­née quand la demande élec­trique est plus forte.

Une solution de stockage efficace et économe

Le ren­de­ment de cycle est de l’ordre de 80 % (70 % pour les pre­mières géné­ra­tions). Le CO₂ consom­mé par kilo­watt­heure dépend prin­ci­pa­le­ment du mix éner­gie uti­li­sé pen­dant le pom­page. Dans le cas d’un pom­page décar­bo­né, les émis­sions de gaz à effet de serre sont exclu­si­ve­ment liées à la construc­tion et res­tent donc faibles ; on estime pour l’énergie hydrau­lique les émis­sions de CO₂ com­prises entre 5 et 12 g/kWh. La construc­tion d’une cen­trale hydrau­lique néces­site essen­tiel­le­ment du béton et de l’acier, et elle ne consomme pas de maté­riaux rares. La quan­ti­té d’énergie sto­ckée est pro­por­tion­nelle à la chute (dif­fé­rence d’altitude entre les deux réser­voirs) et au volume du réservoir.

“La solution la plus économique pour des durées de stockage de quelques heures à quelques jours”

Le besoin en fon­cier couvre la sur­face des deux réser­voirs, les cen­trales sont sou­vent enter­rées. Le fon­cier uti­li­sé par kilo­watt­heure (sou­vent entre 5 et 30 kWh/m2) est du même ordre de gran­deur que le fon­cier néces­saire aux bat­te­ries sta­tion­naires (12,9 kWh/m2 par exemple pour le pro­jet Horns­dale de 129 MW en Aus­tra­lie). Les STEP sont la solu­tion la plus éco­no­mique pour des durées de sto­ckage de quelques heures à quelques jours ; des com­bi­nai­sons avec du sto­ckage sai­son­nier sont pos­sibles avec l’utilisation de réser­voirs exis­tants ; par exemple la nou­velle STEP de Snowy en Aus­tra­lie a une puis­sance de 2 GW et une capa­ci­té de sto­ckage de 350 GWh. Contrai­re­ment aux idées reçues, il existe de nom­breux sites adap­tés en équi­pant des réser­voirs exis­tants, déjà uti­li­sés pour de l’énergie hydrau­lique ou pour d’autres usages, ou en uti­li­sant de nou­veaux sites.

Station de transfert d’énergie par pompage (source IHA).
Sta­tion de trans­fert d’énergie par pom­page (source IHA).

Des coûts limités, mais de longs délais

Les STEP peuvent être en cir­cuit ouvert, c’est-à-dire en liai­son avec un cours d’eau, ou en cir­cuit fer­mé, c’est-à-dire avec un fonc­tion­ne­ment indé­pen­dant de tout cours d’eau, ce qui a l’avantage de limi­ter les inter­ac­tions et les contraintes de par­tage de la res­source en eau. Si les STEP sont sou­vent de grosses uni­tés (entre 100 et 2 000 MW) gérées de façon cen­tra­li­sée, des ques­tions se posent aus­si sur la décen­tra­li­sa­tion avec de plus petites uni­tés (quelques méga­watts). 

  1. Pen­dant les périodes de faible demande (prix faible voire néga­tif), l’énergie renou­ve­lable pro­duite par les sources fatales (éolien et solaire) est uti­li­sée pour pom­per l’eau. 
  2. Quand la demande croît (prix éle­vé), l’eau est tur­bi­née pour pro­duire de l’électricité. 
  3. Le pom­page-tur­bi­nage asso­cié aux éner­gies renou­ve­lables pro­duit de l’électricité fiable et dis­po­nible, et bas carbone.

L’inconvénient majeur des STEP est la durée néces­saire à la mise en œuvre : les études et les pro­cé­dures néces­saires à l’obtention du per­mis de construire sont longues ; la durée de construc­tion est de quatre à cinq ans. Cer­tains États limitent les pro­cé­dures dans le cas de STEP en cir­cuit fer­mé. L’essentiel des coûts sont des Capex et doivent être inves­tis au moment de la construc­tion. Les coûts de fonc­tion­ne­ment sont faibles et la durée de vie est longue ; une réha­bi­li­ta­tion des machines est faite en moyenne tous les qua­rante ans, alors que les infra­struc­tures béton ont une durée de vie bien plus longue.

Un développement mondial

Aujourd’hui 170 GW de STEP sont ins­tal­lés dans le monde, dont 5 GW en France. Le déve­lop­pe­ment des STEP est fonc­tion des poli­tiques de chaque pays. La Chine a depuis 2016 mis en place un plan de déve­lop­pe­ment de STEP. En 2023 la Chine avait mis en ser­vice 51 GW (soit près du tiers des STEP ins­tal­lées dans le monde) ; 27 pro­jets sont approu­vés ou en cours de construc­tion. Selon les nou­velles pré­co­ni­sa­tions natio­nales : Gui­dance Opi­nions on Streng­the­ning Grid Pea­king Ener­gy Sto­rage and Smart Dis­patch Capa­ci­ty, la Chine pré­voit d’ajouter 80 GW de STEP avant 2027. Ces déci­sions contri­buent à la mise en place d’un sys­tème éner­gé­tique com­pé­ti­tif. Le solaire et l’éolien sont en forte aug­men­ta­tion en Aus­tra­lie, ce qui a créé une fra­gi­li­té du réseau ; en 2016 plu­sieurs pannes d’électricité impor­tantes ont eu lieu et ont per­tur­bé en par­ti­cu­lier la région d’Adélaïde.

La néces­si­té de mettre en place des solu­tions de sto­ckage a mobi­li­sé tous les acteurs : le pro­jet de Snowy 2.0 (2 GW) a été lan­cé, plu­sieurs socié­tés pri­vées ont aus­si inves­ti dans des STEP, l’université, Aus­tra­lian Natio­nal Uni­ver­si­ty, a publié un atlas de l’ensemble des sites poten­tiels. Israël peut être consi­dé­rée comme une île élec­trique, l’accroissement des éner­gies inter­mit­tentes renou­ve­lables impose la mise en place de moyen de sto­ckage. Les auto­ri­tés israé­liennes ont conclu un contrat d’achat d’électricité avec des inves­tis­seurs pri­vés pour la construc­tion et l’opération de trois pro­jets : Gil­boa (300 MW), Kokhav Hayar­den (344 MW) et Mana­ra (154 MW). Les rému­né­ra­tions prennent en compte des cri­tères d’arbitrage, mais aus­si les besoins de flexi­bi­li­té et de chan­ge­ment rapide de mode.


Lire aus­si : La juste rému­né­ra­tion des ser­vices ren­dus par l’hydroélectricité


Des besoins évolutifs

Les pre­mières STEP ont été déve­lop­pées en même temps que le nucléaire, pour pal­lier la varia­tion de consom­mation. Aujourd’hui c’est l’intermittence de la pro­duc­tion qu’il faut gérer. L’objectif est de com­pen­ser les varia­tions des éner­gies renou­ve­lables : pro­duire pen­dant le pic de consom­ma­tion du soir, au moment où le solaire ne pro­duit plus rien, et absor­ber de l’énergie au moment de la pro­duc­tion maxi­male ; mais aus­si être capable de com­pen­ser les baisses de charge rapides, liées à la varia­tion de pro­duc­tion comme le pas­sage d’un nuage ou la varia­tion d’intensité du vent. Si les STEP clas­siques (tur­bine-pompe et moteur-alter­na­teur à vitesse fixe) repré­sentent la plus grosse part du parc ins­tal­lé, les tech­no­lo­gies se sont adap­tées aux nou­veaux besoins.

Des solutions techniques

Les STEP à réac­tion rapide : ce sont des STEP clas­siques avec des options de démar­rage et de chan­ge­ment de mode rapide ; typi­que­ment pas­sage du mode pompe en mode tur­bine en moins d’une minute ; ce type de STEP a été par exemple ins­tal­lé en Israël à Gil­boa (2 x 150 MW), le réseau étant un réseau iso­lé ; le temps de réac­tion est un fac­teur clé.

Les STEP à vitesse variable : tur­bine-pompe et moteur-alter­na­teur à vitesse variable, cette nou­velle tech­no­lo­gie per­met­tant un réglage de puis­sance à la fois en mode pompe et en mode tur­bine ; elle pré­sente aus­si l’avantage de varia­tions très rapides ; quelques mil­li­se­condes grâce à la varia­tion de vitesse élec­trique, avec la pos­si­bi­li­té de tur­bi­ner pen­dant plu­sieurs heures, plu­sieurs jours, voire des semaines ; ces cen­trales peuvent opé­rer sur le mar­ché de l’arbitrage (en pom­pant quand le prix de l’énergie est faible et en tur­bi­nant quand il est éle­vé) et sur le mar­ché des ser­vices sys­tèmes, avec la pos­si­bi­li­té de faire de la régu­la­tion de fré­quence en mode pompe et en mode turbine.

« Des solutions associant STEP et batterie de moindre puissance sont testées pour optimiser les solutions face aux besoins d’aujourd’hui. »

Les Suisses ont choi­si d’installer cette tech­no­lo­gie sur deux cen­trales : Lin­thal (4 x 250 MW) a été mise en ser­vice en 2015 ; avec 33 GWh de capa­ci­té de sto­ckage, soit 32 heures avec une puis­sance de 1 000 MW ; et Nant de Drance avec 6 groupes de 150 MW, mise en ser­vice en 2022 avec une capa­ci­té de sto­ckage de 20 GWh. Ces deux cen­trales jouent un rôle majeur dans la sta­bi­li­sa­tion du réseau euro­péen et la sécu­ri­té de l’approvisionnement suisse.

Le court-cir­cuit hydrau­lique : cela per­met de fonc­tion­ner sur un groupe en mode tur­bine et sur l’autre en mode pompe ; ce type de sys­tème a l’avantage de per­mettre de la varia­tion de puis­sance conti­nue mal­gré un ren­de­ment réduit ; il a été mis en place sur la cen­trale de Grand’Maison (1 800 MW) dans les Alpes, ce qui per­met de mieux répondre aux besoins. L’hybridation : des solu­tions asso­ciant STEP et bat­te­rie de moindre puis­sance sont tes­tées pour opti­mi­ser les solu­tions face aux besoins d’aujourd’hui.

Centrale de Nant de Drance (Suisse), réservoirs du Vieux Émosson et d’Émosson.
Cen­trale de Nant de Drance (Suisse), réser­voirs du Vieux Émos­son et d’Émosson. © GE – Gerald Schilling

Avoir une vraie vision

La mise en place de solu­tions de sto­ckage est indis­pen­sable à la sécu­ri­té du réseau. Les STEP sont une solu­tion effi­cace, éco­nome, éco­no­mique, mais néces­sitent une vision. Dans un monde où les pré­vi­sions à long terme sont dif­fi­ciles, il est indis­pen­sable de mettre en place les condi­tions qui per­mettent l’investissement : sta­bi­li­té des rému­né­ra­tions, adap­ta­tion des pro­cé­dures aux cir­cuits fer­més. Les STEP contri­buent à une éner­gie sécu­ri­sée, décar­bo­née et compétitive.

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