Pylône avec antenne GSM, au Chazelet.

Les télécommunications au XXIe siècle : une révolution en marche

Dossier : TélécommunicationsMagazine N°604 Avril 2005
Par Didier LOMBARD (62)

Les tech­no­lo­gies de l’in­for­ma­tion et de la com­mu­ni­ca­tion ont péné­tré tous les domaines de notre vie pro­fes­sion­nelle et pri­vée : nos métiers, nos loi­sirs, la mai­son, l’é­du­ca­tion, nos rela­tions avec les ser­vices publics, nos acti­vi­tés culturelles…
Nos enfants passent leurs soi­rées sur leur mes­sa­ge­rie ins­tan­ta­née ; nous sommes connec­tés à nos bureaux vingt-quatre heures sur vingt-quatre grâce à nos mobiles et autres PDA com­mu­ni­cants1 ; 17 % des billets de train fran­çais sont réser­vés aujourd’­hui par voie élec­tro­nique et ce taux pour­rait atteindre 40 % en 2008 ; le com­merce élec­tro­nique prend chaque jour une part crois­sante dans les échanges commerciaux.

On assiste à des muta­tions tech­no­lo­giques inces­santes et de plus en plus rapides. Les ser­vices et les usages se mul­ti­plient. D’un mono­ser­vice, le télé­phone, on est pas­sé à une foi­son d’u­sages à par­tir d’un même réseau. Qui aurait pu pen­ser, il y a encore très peu de temps, que la télé­vi­sion pas­se­rait par le réseau télé­pho­nique ? Les mobiles et l’In­ter­net sont main­te­nant les outils de com­mu­ni­ca­tion au quo­ti­dien pour un nombre sans cesse crois­sant de nos conci­toyens. Fin 2003 sont appa­rues les offres « triple play » com­bi­nant l’ac­cès à Inter­net haut-débit, la télé­pho­nie et les accès à des conte­nus audio­vi­suels, et les pre­mières offres de télé­pho­nie sur IP2. L’é­vo­lu­tion des tech­niques des réseaux pousse à la conver­gence des usages qui ren­contre les attentes des clients. Le mou­ve­ment n’est pas près de s’ar­rê­ter, les plus grands chan­ge­ments sont à l’é­vi­dence devant nous. Nous sommes à l’aube d’une révolution.

En Europe, et sin­gu­liè­re­ment en France, le sec­teur des télé­com­mu­ni­ca­tions n’o­béit pas plei­ne­ment aux règles com­munes de l’é­co­no­mie indus­trielle. Contrai­re­ment à la plu­part des autres mar­chés ou indus­tries gou­ver­nées par l’offre et la demande, le sec­teur repose sur un jeu sin­gu­lier impli­quant non pas deux mais trois acteurs : les pro­fes­sion­nels des télé­com­mu­ni­ca­tions, les clients et les pou­voirs publics, État et régulateurs.

Ain­si, acteur clé des grandes muta­tions, la régle­men­ta­tion a joué un rôle essen­tiel et conti­nue de façon­ner le pay­sage des télé­com­mu­ni­ca­tions en fonc­tion des choix poli­tiques du moment : ouvrir à la concur­rence pour déve­lop­per le mar­ché, offrir davan­tage de ser­vices, faire bais­ser les prix, gérer des res­sources rares, garan­tir un ser­vice uni­ver­sel, sou­te­nir la poli­tique indus­trielle, finan­cer une poli­tique publique…

Pour dres­ser le pano­ra­ma des télé­com­mu­ni­ca­tions de ce début de xxie siècle et com­prendre la révo­lu­tion en marche, il nous faut nous arrê­ter un ins­tant sur ses quatre prin­ci­paux ingré­dients : la régu­la­tion – ses forces et ses fai­blesses -, les évo­lu­tions éco­no­miques depuis les années quatre-vingt-dix, l’in­ci­dence des évo­lu­tions tech­no­lo­giques sur la stra­té­gie des acteurs, et les évo­lu­tions des modes d’u­ti­li­sa­tion des moyens de com­mu­ni­ca­tion. Leur com­bi­nai­son des­sine le pay­sage de demain. Leur com­plexi­té et leur enche­vê­tre­ment augurent des pers­pec­tives certes bouillon­nantes mais par­fois dif­fi­ciles qui s’annoncent.

Les évolutions réglementaires

La jus­ti­fi­ca­tion don­née à la régle­men­ta­tion résulte de prin­cipes éco­no­miques simples : pour déve­lop­per le mar­ché et offrir des ser­vices au meilleur prix pour le citoyen, il faut per­mettre à de nou­veaux acteurs d’en­trer sur le mar­ché sachant que pré­existe un opé­ra­teur his­to­rique. La régle­men­ta­tion consiste à poser des règles asy­mé­triques en sou­met­tant l’o­pé­ra­teur his­to­rique à des contraintes fortes : ges­tion du ser­vice uni­ver­sel, accès de son réseau aux autres opé­ra­teurs, contrôle a prio­ri de sa poli­tique tari­faire, sépa­ra­tion des acti­vi­tés… Les règles sont cen­sées s’as­sou­plir dès que la concur­rence devient effec­tive. À ce moment, le terme de régu­la­tion semble plus adap­té aux objec­tifs que s’as­signe la régle­men­ta­tion. Il s’a­git de s’as­su­rer que le mar­ché fonc­tionne bien, d’en cor­ri­ger les imper­fec­tions. La régu­la­tion sec­to­rielle est appe­lée à s’ef­fa­cer au pro­fit du droit concur­ren­tiel à mesure que les condi­tions concur­ren­tielles deviennent satisfaisantes.

Chaque étape du pas­sage des mono­poles de fait ou légaux vers la concur­rence a reçu son nom de bap­tême. Le mou­ve­ment est par­ti des États-Unis. On l’a nom­mé « déré­gle­men­ta­tion » pour qua­li­fier le pas­sage du mono­pole de fait à la concur­rence et la modi­fi­ca­tion des règles exis­tantes. Dans les années quatre-vingt, AT & T, opé­ra­teur tota­le­ment inté­gré issu de Bell Sys­tem, jouis­sait d’un mono­pole de fait sur les com­mu­ni­ca­tions et la fabri­ca­tion des équi­pe­ments ; AT & T était accu­sé d’a­bus de posi­tion domi­nante. C’est une déci­sion de jus­tice, du juge Greene favo­rable à un pro­gramme géné­ral de libé­ra­li­sa­tion et en oppo­si­tion à l’or­gane fédé­ral de régle­men­ta­tion, la FCC, qui en 1984 a conduit au déman­tè­le­ment d’AT & T en 23 socié­tés (une socié­té gérant les com­mu­ni­ca­tions longue dis­tance et 22 RBOC (Regio­nal Bell Ope­ra­tor Com­pa­ny) res­treintes à l’ex­ploi­ta­tion des réseaux locaux, très régle­men­tées et béné­fi­ciant d’un mono­pole local). En contre­par­tie AT & T était auto­ri­sé à inter­ve­nir dans le sec­teur de l’informatique.

En 1996, le « Tele­com­mu­ni­ca­tions Act » ins­taure un nou­vel état régle­men­taire. Les RBOC sont auto­ri­sées à inter­ve­nir sur la longue dis­tance si leur mar­ché local est effec­ti­ve­ment ouvert à la concur­rence. L’ap­pré­cia­tion de cette concur­rence est basée sur une liste de qua­torze condi­tions à satis­faire ! AT & T, vingt ans après son déman­tè­le­ment, est entré dans le sec­teur des mobiles puis du câble, s’est ensuite débar­ras­sé de ses nou­velles acti­vi­tés pour se retrou­ver sur le seul seg­ment de la longue dis­tance en voie de dis­pa­ri­tion. AT & T, tout comme MCI opé­ra­teur de longue dis­tance, sont en train d’être absor­bés par d’autres acteurs des télé­com­mu­ni­ca­tions amé­ri­cains, eux-mêmes issus de la conso­li­da­tion des RBOC.

Avec la crise du sec­teur en 2000, les pou­voirs publics amé­ri­cains ont été ame­nés à consta­ter l’im­pact néga­tif des effets régle­men­taires sur l’in­ves­tis­se­ment et l’emploi. Les méca­nismes mis en place avaient favo­ri­sé des entrées inef­fi­caces, tout en met­tant en grande dif­fi­cul­té l’o­pé­ra­teur his­to­rique. Mal­gré des avan­tages consen­tis aux nou­veaux entrants, cer­tains n’ont pas réus­si à être viables. De plus, deman­der à cer­tains acteurs de prendre seuls des risques d’in­ves­tis­se­ment et d’en par­ta­ger ensuite les béné­fices éven­tuels, pro­voque iné­luc­ta­ble­ment des situa­tions de blo­cage. Les inves­tis­se­ments amé­ri­cains sur la fibre optique ont pu démar­rer quand le régu­la­teur a don­né aux lea­ders du mar­ché une visi­bi­li­té sur leurs reve­nus futurs.

En Europe, c’est le Royaume-Uni qui a été le pre­mier pays à s’emparer du même dogme régle­men­taire, en ins­tau­rant en 1984 un duo­pole. La Com­mis­sion euro­péenne a éla­bo­ré d’é­gale manière un méca­nisme d’ou­ver­ture à la concur­rence favo­ri­sant le par­tage du mar­ché entre les acteurs et adap­té à la situa­tion locale, qui s’est avé­ré ana­logue aux doc­trines amé­ri­caine et bri­tan­nique. Le cadre régle­men­taire euro­péen, et fran­çais, a construit des contraintes spé­ci­fiques pour les opé­ra­teurs his­to­riques, appli­quées avec plus ou moins de dure­té par les auto­ri­tés de régu­la­tion natio­nale. Le cas le plus notoire a été celui de Bri­tish Tele­com qui a licen­cié mas­si­ve­ment et a dû renon­cer à être un acteur majeur dans les mobiles.

La régle­men­ta­tion joue un rôle fon­da­men­tal dans l’é­co­no­mie des télé­com­mu­ni­ca­tions. Aujourd’­hui, à la lumière des ensei­gne­ments récents, notam­ment amé­ri­cain et bri­tan­nique, elle sait faire preuve de plus de prag­ma­tisme, en pre­nant en compte l’in­té­rêt du consom­ma­teur et en pri­vi­lé­giant la bonne san­té du sec­teur. Ses objec­tifs doivent per­mettre de sti­mu­ler les opé­ra­teurs y com­pris les lea­ders en favo­ri­sant leurs inves­tis­se­ments, leur recherche et leur inno­va­tion pour qu’in fine le consom­ma­teur en tire davan­tage pro­fit. La France, qui a déjà mon­tré lors de l’at­tri­bu­tion des licences UMTS qu’elle pou­vait adop­ter des mesures plus rai­son­nables que d’autres pays euro­péens, est lar­ge­ment enga­gée sur une voie béné­fique pour le sec­teur des télé­com­mu­ni­ca­tions, ses acteurs et ses clients.

Les grandes évolutions économiques du secteur depuis les années quatre-vingt-dix, la crise 2000–2002

L’ou­ver­ture à la concur­rence et les anti­ci­pa­tions irrai­son­nées dans le poten­tiel d’In­ter­net ont conduit jus­qu’en 2000 à une infla­tion exu­bé­rante des valeurs tech­no­lo­giques. La foi dans le rôle moteur que pou­vaient jouer les nou­velles tech­no­lo­gies de l’in­for­ma­tion et de la com­mu­ni­ca­tion dans l’é­co­no­mie, sou­te­nue par les poten­tia­li­tés tech­niques du Web, a fait naître une myriade d’ac­teurs de l’In­ter­net. C’est le temps de la Net éco­no­mie au ser­vice de la nou­velle éco­no­mie dont la ver­tu est d’as­su­rer la crois­sance sans reprise de l’in­fla­tion grâce à la déré­gu­la­tion des ser­vices, la baisse des coûts dans l’in­dus­trie et les inves­tis­se­ments dans les NTIC. L’argent devient facile, les valeurs mobi­lières grimpent à des niveaux jamais atteints. Les inves­tis­se­ments suivent ; tous les regards se tournent vers les rentes dont serait por­teur ce nou­veau cycle éco­no­mique. On n’a­chète plus une acti­vi­té mais des abon­nés poten­tiels. Les valeurs bour­sières sont gagées par ces rentes et galopent vers des som­mets vertigineux.

Les États sont pris dans l’eu­pho­rie ambiante. Dans leur rôle de col­lec­teurs d’im­pôts, ils y voient une manne sub­stan­tielle. L’at­tri­bu­tion des licences de télé­pho­nie mobile de la 3e géné­ra­tion (UMTS) est pour eux l’op­por­tu­ni­té d’or­ga­ni­ser des ponc­tions. Alors qu’il a fal­lu douze ans pour orga­ni­ser au niveau euro­péen le déve­lop­pe­ment des 45 réseaux GSM, la Com­mis­sion euro­péenne pous­sée par les indus­triels décide qu’au moins 50 réseaux UMTS doivent être ouverts à par­tir du 1er jan­vier 2002. Chaque État membre est res­pon­sable de la déter­mi­na­tion du méca­nisme d’at­tri­bu­tion du spectre et de la défi­ni­tion des condi­tions d’oc­troi des licences appli­cables sur leur ter­ri­toire. Le Royaume-Uni vend les fré­quences aux enchères puis l’Al­le­magne. La France finit par adop­ter la pro­cé­dure de sélec­tion com­pa­ra­tive, moins oné­reuse pour les opé­ra­teurs. Au total 112 mil­liards d’eu­ros en Europe sont pré­le­vés ain­si sur les béné­fices futurs.

C’est la pre­mière taxe de l’his­toire qui s’ap­puie sur un pro­duit futur, non encore connu. Les opé­ra­teurs devront de plus faire face à des coûts au moins com­pa­rables pour le déploie­ment de nou­veaux réseaux et pour la com­mer­cia­li­sa­tion de nou­veaux ser­vices de 3e géné­ra­tion. Le sec­teur est donc confron­té à des dépenses ini­tiales très élevées.

Les opé­ra­teurs s’en­dettent, des fusions et rachats d’en­tre­prises s’o­pèrent, la plu­part par échanges de mon­naie de papier. Gare à ceux qui sont obli­gés de sor­tir du cash ! La confiance s’é­rode, l’argent se raré­fie, la ren­ta­bi­li­té immé­diate est main­te­nant récla­mée. Et tous les fac­teurs qui ont joué à la hausse se mettent à jouer à la baisse dans des pro­por­tions aus­si fortes. L’é­cla­te­ment de la bulle spé­cu­la­tive pro­voque un désastre éco­no­mique. Les béné­fices atten­dus de la 3e géné­ra­tion n’ar­rivent pas aus­si vite qu’ils étaient atten­dus, les opé­ra­teurs ratio­na­lisent leurs inves­tis­se­ments ; les com­mandes indus­trielles dimi­nuent. Les entre­prises, qui cèdent des actifs après les avoir chè­re­ment acquis, le font à des valeurs dérisoires.

L’am­pleur de la crise a été très forte sur le sec­teur aujourd’­hui encore en conva­les­cence. 250 000 emplois ont été per­dus en Europe après l’é­cla­te­ment de la bulle tech­no­lo­gique. Les construc­teurs ont par­ti­cu­liè­re­ment été tou­chés ; les opé­ra­teurs, certes endet­tés, dis­posent de reve­nus plus récur­rents et sont en passe de reve­nir à des situa­tions finan­cières saines, aus­si vite que la régle­men­ta­tion le leur permet.

À côté de ces phé­no­mènes essen­tiel­le­ment conjonc­tu­rels se déroule une muta­tion struc­tu­relle : l’offre et la demande dans le sec­teur des télé­com­mu­ni­ca­tions sont en pro­fonde restructuration.

Les évolutions technologiques suscitent de nouvelles stratégies

Le déve­lop­pe­ment de la capa­ci­té des réseaux conduit à la crois­sance très signi­fi­ca­tive des usages et à de sub­stan­tielles baisses de prix. On entre dans l’ère des com­mu­ni­ca­tions abon­dantes, ren­due pos­sible par la capa­ci­té qua­si illi­mi­tée des réseaux d’in­ter­con­nexion (back­bone) : le nombre de réseaux de fibres optiques est par­tout impor­tant, et les sys­tèmes de trans­mis­sion offrent des capa­ci­tés de plus en plus grandes. Tous les dif­fé­rents types d’ac­cès voient éga­le­ment leurs pos­si­bi­li­tés s’ac­croître avec l’UMTS, l’AD­SL puis le VDSL, Wi-Fi, Wi-Max…

Les per­for­mances de tous les ter­mi­naux fixes et mobiles conti­nuent de s’ac­croître. Ils vont pou­voir à la fois sto­cker de grandes quan­ti­tés d’in­for­ma­tion (don­nées, plans, images ani­mées, sons, pro­grammes) et trai­ter loca­le­ment des appli­ca­tions lourdes avec des sys­tèmes d’ex­ploi­ta­tion résidents.

Tous les indi­vi­dus et entre­prises seront connec­tés aux réseaux. Les accès au haut-débit se géné­ra­lisent, la péné­tra­tion des mobiles conti­nue d’aug­men­ter. Tous les accès seront pro­gres­si­ve­ment mul­ti­mé­dias après le déploie­ment des réseaux mobiles UMTS, de l’é­qui­pe­ment en xDSL du réseau filaire ou de la numé­ri­sa­tion des réseaux câblés. Chaque réseau pour­ra trans­por­ter de la voix, des don­nées, de l’i­mage. Et, alors que les com­mu­ni­ca­tions télé­pho­niques étaient très majo­ri­tai­re­ment véhi­cu­lées de bout en bout par un seul réseau, les nou­veaux modes de com­mu­ni­ca­tions feront appel à des chaînes com­plexes de réseaux ou élé­ments de réseaux divers, qui coopé­re­ront ensemble pour déli­vrer le ser­vice au client.

La très forte péné­tra­tion des équi­pe­ments numé­riques chez les par­ti­cu­liers et dans les entre­prises va conduire à la mise en réseau des pro­ces­sus d’ac­cès à l’in­for­ma­tion, de pro­duc­tion et de com­merce : de nom­breuses acti­vi­tés de la vie quo­ti­dienne seront conduites sur les réseaux, ou assis­tées par des ser­vices four­nis par les réseaux. Les entre­prises s’in­ter­con­nec­te­ront avec leurs clients et leurs par­te­naires. Le monde de la pro­duc­tion et des échanges en sera pro­gres­si­ve­ment transformé.

Ces ten­dances modi­fient le jeu des acteurs. La conver­gence infor­ma­tique- télé­com­mu­ni­ca­tions-audio­vi­suel pré­sente à la fois dans les réseaux et les ser­vices accen­tue la diver­si­té et la mul­ti­pli­ca­tion des acteurs, issus des trois mondes, et sus­cite de nou­velles stra­té­gies d’en­tre­prises, de spé­cia­li­sa­tion, de diver­si­fi­ca­tion, d’in­té­gra­tion : qui offre des accès, qui offre les ser­vices d’in­ter­mé­dia­tion, qui offre les ser­vices ? Faut-il inter­ve­nir sur une, ou plu­sieurs des trois strates, pour pro­po­ser au client une offre grou­pée, par exemple une offre d’ac­cès et une offre de ser­vices ? À l’in­té­rieur de chaque strate faut-il se spé­cia­li­ser par exemple sur tout ou par­tie des accès, ce qui per­met de répli­quer sur des sec­teurs voi­sins les com­pé­tences-clés de l’en­tre­prise ? De mul­tiples ten­ta­tives d’in­té­gra­tion, hori­zon­tale ou ver­ti­cale, de mul­tiples formes de par­te­na­riats sont ten­tées, pour per­mettre l’as­sem­blage d’offres com­plexes, ou pour exploi­ter les actifs propres des dif­fé­rentes entre­prises : réseaux d’ac­cès, marques, droit des conte­nus, savoir-faire métiers…

D’autres stra­té­gies se centrent sur la gamme des ser­vices per­met­tant ou faci­li­tant la mise en réseau des pro­ces­sus d’en­tre­prises : héber­ge­ment de sites, dis­tri­bu­tions d’in­for­ma­tions, héber­ge­ment d’ap­pli­ca­tions, offre de pro­gi­ciels en réseau. Le busi­ness model peut aller de la pres­ta­tion du type inté­gra­tion de réseaux ou de sys­tèmes, tra­di­tion­nel­le­ment pra­ti­qué par les SSII, jus­qu’à la four­ni­ture de ser­vices clés en main incluant les pres­ta­tions d’hé­ber­ge­ment et le trans­port, par exemple.

Le sec­teur est déjà le siège de grandes ten­sions qui résultent de l’ef­fa­ce­ment des fron­tières entre les trois couches (accès, mise en réseau, ser­vices) que per­met la tech­no­lo­gie, et des dépla­ce­ments que cherchent à mettre en œuvre les acteurs pour amé­lio­rer leur crois­sance ou leur ren­ta­bi­li­té. En arrière-plan se déroule la bataille des normes logi­cielles qui condi­tionnent l’in­te­ro­pé­ra­bi­li­té des sys­tèmes par le déploie­ment de sys­tèmes d’in­for­ma­tion ouverts.

Mettre les outils de communication au service du client

La diver­si­fi­ca­tion des pra­tiques de com­mu­ni­ca­tion liée aux nou­veaux modes de vie génère des échanges qua­si per­ma­nents et plus riches (pho­tos, images, vidéo, mes­sa­ge­rie…). La popu­la­tion se connecte éga­le­ment pour assu­rer sa sécu­ri­té (assis­tance san­té, anti-intru­sion, ser­vices de proxi­mi­té, assis­tance à domi­cile). La com­mu­ni­ca­tion s’é­tend de la mise en rela­tion de per­sonnes à la connexion à des sites, à des connexions machine à machine ; elle englobe la voix, les don­nées de téléac­tion, don­nées de conte­nu, échanges d’i­mages. Le mul­tié­qui­pe­ment domes­tique (plu­sieurs micro-ordi­na­teurs, télé­vi­seurs, télé­phones filaires ou mobiles) se géné­ra­lise ; l’ins­tal­la­tion domes­tique devient com­plexe. L’ac­cès vers les réseaux externes doit être orga­ni­sé pour offrir le maxi­mum de gain, de temps et de confort.

Jus­qu’i­ci, le fixe, le mobile, l’In­ter­net avaient cha­cun leurs réseaux, leurs pla­te­formes, leurs forces de vente, leurs fac­tures. Ces métiers ne se par­laient pas beau­coup entre eux et c’é­tait aux clients de s’ar­ran­ger pour com­bi­ner ces offres au mieux de leurs besoins.

Avec la géné­ra­li­sa­tion du pro­to­cole Inter­net, avec les ser­vices mobiles tou­jours plus nom­breux et utiles, l’in­tel­li­gence omni­pré­sente dans le réseau et la démo­cra­ti­sa­tion d’In­ter­net, les clients vont pou­voir être joints par­tout, sur le ter­mi­nal de leur choix, à tra­vers la meilleure infra­struc­ture pos­sible, en toute trans­pa­rence pour eux. Sim­pli­fi­ca­tion d’u­sage, qua­li­té de ser­vice, gain de temps et confort d’u­ti­li­sa­tion sont les demandes fon­da­men­tales des clients. La com­plexi­té liée à la tech­nique, à la mul­ti­pli­ci­té des fonc­tion­na­li­tés et à la diver­si­té des ser­vices n’a pas à être gérée par le client.

Les clients seront en quelque sorte le cœur de leur propre réseau de télé­com­mu­ni­ca­tions. Cet uni­vers de com­mu­ni­ca­tion inté­gré est indé­pen­dant du réseau qu’ils empruntent. Les clients attendent des ser­vices uni­fiés et tota­le­ment inté­grés qui soient simples à uti­li­ser mal­gré leur com­plexi­té intrin­sèque, comme le car­net unique d’a­dresses ou la mes­sa­ge­rie unique quel que soit le ter­mi­nal pour y accé­der, ou bien encore des solu­tions de paie­ment simples et sécu­ri­sées. En quelque sorte, les tech­no­lo­gies se mettent au ser­vice du client, au lieu que le client soit contraint de se for­mer aux nou­veaux outils.

Le déve­lop­pe­ment de ces nou­veaux ser­vices per­met­tra de pas­ser d’un uni­vers frag­men­té à un uni­vers cen­tré sur le client. Cela néces­site de décloi­son­ner les réseaux pour sim­pli­fier et har­mo­ni­ser l’u­sage des ser­vices des­ti­nés à la mai­son, aux besoins de com­mu­ni­ca­tion per­son­nels et à ceux des entre­prises. En même temps devra être assu­rée une vraie coopé­ra­tion des réseaux fixe, mobile, Inter­net au béné­fice des uti­li­sa­teurs. Les attentes des clients, notam­ment en matière d’in­ter­fonc­tion­ne­ment des ser­vices et d’offres de ser­vices conver­gents obligent les four­nis­seurs de conte­nus ou de ser­vices à décli­ner leurs offres pour de mul­tiples canaux.

Vers un nouveau modèle économique de l’opérateur, basé sur l’innovation

Le métier de l’o­pé­ra­teur est en train de se trans­for­mer, d’un métier de four­nis­seur d’in­fra­struc­ture, où l’on inves­tit mas­si­ve­ment sur un pro­duit unique qu’on amor­tit sur quinze ans, en un métier de ser­vices où la crois­sance vient d’un renou­vel­le­ment conti­nu d’in­no­va­tions et de la mul­ti­pli­ca­tion de ser­vices tou­jours nou­veaux. Chaque inno­va­tion don­ne­ra un avan­tage com­pé­ti­tif tem­po­raire à son ini­tia­teur, lui per­met­tant d’ac­croître son chiffre d’af­faires et sa marge, jus­qu’à ce qu’il soit rat­tra­pé par ses com­pé­ti­teurs. L’o­pé­ra­teur sera alors ame­né à lan­cer une nou­velle inno­va­tion qui dope­ra à nou­veau reve­nu et pro­fit. L’o­pé­ra­teur gagnant sera celui qui sau­ra inno­ver sans relâche, en réus­sis­sant plus sou­vent que les autres.

Toutes ces évo­lu­tions s’ap­puient sur une très forte capa­ci­té de recherche et d’in­no­va­tion et sur les syner­gies de tous les acteurs : opé­ra­teurs, construc­teurs, four­nis­seurs de ser­vices, SSII, four­nis­seurs de conte­nus, d’ac­cès… Ceux qui mise­ront sur la R & D, qui appor­te­ront toute la sim­pli­ci­té atten­due par le client, qui sau­ront gérer toute la com­plexi­té du réseau et inven­te­ront de nou­veaux usages, seront les grands gagnants de la révo­lu­tion en marche.

Cette révo­lu­tion va trans­for­mer la vie de nos conci­toyens et le pay­sage indus­triel fran­çais. Cette lutte indus­trielle et com­mer­ciale n’est pas qu’un affron­te­ment entre grands et petits pro­fes­sion­nels du sec­teur du télé­phone en France, c’est aus­si le com­bat entre acteurs majeurs mon­diaux des télé­coms, de l’in­for­ma­tique, de l’au­dio­vi­suel, de l’élec­tro­nique grand public. Le mar­ché fran­çais des tech­no­lo­gies de l’in­for­ma­tion et de la com­mu­ni­ca­tion par son taux de crois­sance annuel esti­mé à près de 8 %3 jus­qu’en 2007, et sa capa­ci­té à don­ner les moyens à tous les sec­teurs d’ac­ti­vi­té d’a­mé­lio­rer leur com­pé­ti­ti­vi­té, tire for­te­ment l’é­co­no­mie vers le haut. Il est cru­cial que l’Eu­rope et la France mettent tout en œuvre pour gar­der leur place dans l’é­co­no­mie mon­diale et pro­fitent des for­mi­dables muta­tions en cours dans ce sec­teur pour y acqué­rir une place de choix.

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1. PDA : Per­so­nal Digi­tal Assis­tant, ordi­na­teur de poche.
2. IP : Inter­net Pro­to­col, pro­to­cole de base uti­li­sé sur Inter­net pour la trans­mis­sion des don­nées. Il défi­nit la façon d’or­ga­ni­ser les paquets d’in­for­ma­tion pour pou­voir les trans­mettre sur le Web.
3. Chiffre de l’ob­ser­va­toire des TIC, ce mar­ché recouvre les équi­pe­ments et ser­vices de télé­com­mu­ni­ca­tions, infor­ma­tique, élec­tro­nique grand public et conte­nus (TV, radio, ciné­ma, presse, jeux et logi­ciels de loi­sir, musique).

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