Les universités françaises et la formation continue 1968–2002
Un professeur de Paris X – Nanterre estimait, en 2003, que le service de formation continue de l’Université n’était pas fréquentable car il ne faisait pas de recherche. Au même moment, certains universitaires affirmaient que la formation continue devait devenir partie intégrante de l’Université, en étroite symbiose avec la formation initiale tandis que d’autres critiquaient le fait que la formation continue soit guidée par une logique de changement et de professionnalisation.
C’est, à titre d’exemples, quelques-unes de ces opinions que rapporte Jacques Denantes dans sa remarquable étude sur l’histoire et l’analyse de la formation continue dans les universités en France, étude qui a permis à cet ingénieur général honoraire des Ponts de devenir docteur en science de l’éducation en 2005.
L’histoire de la lente percolation de la formation continue dans les universités commence en 1968. Elle est racontée de façon précise jusqu’en 2002, avec ses grandes étapes, loi de 1968, loi de 1984, loi de 1971, etc., jusqu’à la loi de modernisation sociale de 2002 qui lui donne de nouvelles bases en généralisant la validation des acquis de l’expérience, dite VAE. Sont aussi décrits avec précision les grands événements, prises de position, congrès, déclarations ministérielles et, last but not least, des réalisations du vaste projet qui ferait des universités des partenaires de la formation tout au long de la vie.
Cette histoire est précédée par des analyses fines et argumentées du « monde de la formation continue » et par l’exposé de positions officielles contrastées de quelques-uns de ses acteurs principaux.
En troisième partie, Jacques Denantes tente de comprendre les comportements des partenaires en cause, notamment à partir d’un modèle de « configuration universitaire » qu’il applique aux deux universités dans lesquelles il a particulièrement enquêté : Paris X – Nanterre et Lille I. L’auteur n’aborde pas les expériences ou les réussites – s’il en existe, ce n’est pas certain – que l’on pourrait trouver à l’étranger, mais quiconque voudrait faire une telle enquête devrait commencer par lire son traité pour s’inspirer de ses méthodes et de sa rigueur.
Ce qui rend l’étude si intéressante, c’est que l’on partage avec l’auteur, le sentiment que, certes, les universités participent – pas si mal que cela – à la formation continue, cet « échange contraire à leur nature, de savoir contre de l’argent ».
Mais dans le vaste monde de la formation professionnelle continue, celui des adultes en mal de compétences, celui des professions gourmandes de ressources humaines, celui des ministres soucieux de marquer le paysage, celui des enseignants avec leurs codes et leurs rites, celui des syndicats souvent peu tentés par les aventures, dans ce vaste monde, des bricolages ont été réalisés, qui ont quelquefois réussi, mais personne n’a encore osé ou voulu ouvrir vraiment la boîte de Pandore où se confrontent des notions aussi impérieuses que la formation tout au long de la vie, le savoir pour le savoir, la recherche souveraine, la détestation du mercantilisme et du provisoire, etc.
Et, c’est passionnant, on aimerait en discuter avec l’auteur car cela donne à penser. On se prend à avoir envie de proposer une politique de formation continue pour la France qui serait un modèle pour l’Europe, bien sûr.