Mobilité décarbonée

Les usages et les infrastructures sont aussi des leviers de la mobilité décarbonée

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°780 Décembre 2022
Par Charles-Edouard DELPIERRE

Pour Trac­te­bel, les efforts pour décar­bo­ner la mobi­li­té ne doivent pas se concen­trer uni­que­ment sur la dimen­sion éner­gé­tique. Il s’agit aus­si de repen­ser les usages et de mieux dimen­sion­ner les infra­struc­tures pour être plus impac­tant. Charles-Édouard Del­pierre, CEO Busi­ness Area Infra­struc­tures Europe, et membre du COMEX de Trac­te­bel-ENGIE, et Thi­baud Hil­mar­cher, Senior expert mobi­li­té durable et décar­bo­née au sein de Trac­te­bel-ENGIE, nous en disent plus.

Quel regard portez-vous sur l’évolution de la mobilité dans un contexte où la transition énergétique s’accélère ?

La tran­si­tion éner­gé­tique révo­lu­tionne le monde de la mobi­li­té depuis déjà plu­sieurs décen­nies. Au cœur des enjeux, on retrouve notam­ment la ques­tion du car­bu­rant et des sources d’énergie. Avec l’accélération de l’électrification des flottes et le déve­lop­pe­ment de l’hydrogène pour décar­bo­ner la mobi­li­té lourde, les besoins en infra­struc­tures pour accom­pa­gner ces évo­lu­tions sont de plus en plus importants. 

Cette décar­bo­na­tion de la mobi­li­té s’accompagne, par ailleurs, d’évolution des usages. On note notam­ment un recul du nombre de per­sonnes qui ont le per­mis de conduire. Aujourd’hui, la mobi­li­té ne se résume plus aux véhi­cules. Elle est de plus en plus appré­hen­dée comme un ser­vice. Ce « men­tal shift » ou chan­ge­ment de para­digme faci­lite tou­te­fois le pas­sage d’une mobi­li­té car­bo­née avec des véhi­cules essen­tiel­le­ment ther­miques ali­men­tés par des hydro­car­bures vers de nou­velles mobi­li­tés et une plu­ra­li­té d’énergies.

Qu’est-ce ce que ces évolutions impliquent pour un acteur comme Tractebel ? 

Il est évident qu’il n’est aujourd’hui plus pos­sible d’avoir une approche silo­tée de la mobi­li­té. L’enjeu est de déve­lop­per une approche plus glo­bale de la mobi­li­té afin de trou­ver le par­fait équi­libre entre la mobi­li­té, le trans­port, les éner­gies et la ville. Ces pro­blé­ma­tiques sont au cœur de l’activité et de l’expertise de Trac­te­bel. Filiale du groupe ENGIE, Trac­te­bel est une socié­té d’ingénierie qui emploie plus de 5 500 ingé­nieurs, dont plus de 1 000 tra­vaillent au quo­ti­dien sur les enjeux de la ville de demain.

Au sein de cette équipe dédiée à la ville, nous avons 40 ingé­nieurs qui tra­vaillent sur la mobi­li­té. Plus concrè­te­ment, nous inter­ve­nons en amont, dans une démarche de conseil, au niveau de l’élaboration et de la défi­ni­tion du sché­ma direc­teur de pla­ni­fi­ca­tion, jusqu’aux étapes aval avec la maî­trise d’œuvre pour accom­pa­gner l’implémentation ou l’exploitation de pro­jets de mobi­li­té indi­vi­duelle et col­lec­tive uti­li­sant des car­bu­rants décar­bo­nés. Nous sommes ain­si ame­nés à inter­ve­nir sur divers enjeux : l’accompagnement du chan­ge­ment pour favo­ri­ser l’adoption de car­bu­rants alter­na­tifs et plus verts ; le déve­lop­pe­ment de la mobi­li­té élec­trique avec notam­ment le chan­ge­ment de flottes d’entreprises et de col­lec­ti­vi­tés locales (bus, camions de ramas­sage d’ordures…) ; le déploie­ment d’infrastructures de recharges ; l’électrification et/ou l’automatisation du trans­port urbain (métro, tram­way…) ; l’adaptation de la logis­tique urbaine et péri-urbaine ; le déve­lop­pe­ment du fret et du fer­ro­viaire pour les poids lourds… 

Fortes d’une exper­tise de plus de 40 ans, nos équipes couvrent ce large spectre et accom­pagnent nos clients sur l’ensemble de ces mobi­li­tés. Et dans cette démarche, nous capi­ta­li­sons aus­si sur le savoir-faire his­to­rique d’ENGIE en matière d’énergies. Aujourd’hui, pour rele­ver ce défi de la mobi­li­té décar­bo­née de demain, notre posi­tion­ne­ment est de tra­vailler, d’abord, sur l’optimisation de l’offre et de la demande, afin ensuite de décar­bo­ner les carburants. 

Dans cette démarche, vous vous appuyez sur un outil et une approche que vous avez développés au sein de Tractebel, TracToZero. Pouvez-vous nous en dire plus ? 

En effet ! Trac­To­Ze­ro est une suite d’outils logi­ciels per­met­tant de prendre en compte l’ensemble des para­mètres pour pro­po­ser l’infrastructure la plus adap­tée aux besoins en mobi­li­té tout en pre­nant en compte la dimen­sion décar­bo­na­tion : quel est le modèle de trans­port le plus per­ti­nent ? où est-il plus per­ti­nent d’implanter des bureaux, un dépôt de bus… ? com­ment opti­mi­ser les flux ? quels sont les ser­vices à déployer (acces­si­bi­li­té, par­kings…) ? com­ment décar­bo­ner une flotte pro­fes­sion­nelle, rat­ta­chée à une entre­prise ou une col­lec­ti­vi­té locale ? quels types d’infrastructures éner­gé­tiques déployer (bornes de recharges élec­triques, sta­tions hydrogène…) ?

Plus concrè­te­ment, nous met­tons à la dis­po­si­tion des entre­prises un outil qui va les accom­pa­gner dans la décar­bo­na­tion de leur flotte tout en leur garan­tis­sant la conti­nui­té opé­ra­tion­nelle et un pro­ces­sus de décar­bo­na­tion en cohé­rence avec leurs dif­fé­rents usages (à quel moment chan­ger un véhi­cule, quel vec­teur éner­gé­tique choi­sir, com­ment dimen­sion­ner l’infrastructure… ?). Nous leur pro­po­sons aus­si un outil pour les aider dans l’optimisation de leur plan de dépla­ce­ment d’entreprise. À par­tir d’un état des lieux de la situa­tion exis­tante, qui va prendre en compte dif­fé­rents cri­tères (envi­ron­ne­men­taux, finan­ciers, durée des tra­jets…), nous allons être en mesure d’élaborer une feuille de route pour amé­lio­rer la mobi­li­té des collaborateurs. 

En paral­lèle, nous pro­po­sons des outils équi­va­lents qui ont été pen­sés et conçus pour répondre aux pro­blé­ma­tiques à l’échelle d’un ter­ri­toire, d’une col­lec­ti­vi­té ou d’une ville. En par­tant d’une fine vision de leurs dif­fé­rents flux et mou­ve­ments de per­sonnes, de la logis­tique urbaine, des trans­ports en com­mun, nous les aidons à réduire l’impact de la mobi­li­té sans aucun com­pro­mis sur la qua­li­té de ser­vices déli­vrée aux usa­gers et citoyens. 

Pouvez-vous nous donner des cas d’usages concrets ? 

Dans le cadre du sché­ma direc­teur de Liège en Bel­gique, nous accom­pa­gnons la métro­pole sur l’ensemble de la stra­té­gie rela­tive à la décar­bo­na­tion des flottes du ter­ri­toire, des entre­prises et des indi­vi­dus dans une démarche glo­bale qui se veut exem­plaire et mul­ti-acteurs per­met­tant éga­le­ment de dimen­sion­ner, loca­li­ser et pha­ser le futur réseau public de bornes de recharges. À Char­le­roi, tou­jours en Bel­gique, nous sommes inter­ve­nus dans le cadre du pro­jet de construc­tion d’un nou­vel hôpi­tal afin d’identifier le meilleur empla­ce­ment au regard des flux de trans­ports en com­mun et en termes d’accessibilité au site aus­si bien pour les per­son­nels que les visi­teurs ; de dimen­sion­ner les infra­struc­tures de sta­tion­ne­ment et de recharge en pre­nant en compte l’évolution de la demande sur le long terme et les capa­ci­tés de l’hôpital sur le plan énergétique… 

En France, avec le groupe SAUR, un acteur de la dis­tri­bu­tion et de l’assainissement des eaux, nous tra­vaillons sur le ver­dis­se­ment de leur flotte. En paral­lèle, nous avons accom­pa­gné Aéro­ports de Paris (ADP) dans le cadre du ver­dis­se­ment des flottes des trois aéro­ports de Paris avec notam­ment un appel d’offres qui a été lan­cé pour l’installation de bornes de recharge pour les véhi­cules sur la base des études amont que nous avons menées. 

Quels sont selon vous les principaux freins et enjeux qui persistent actuellement ? 

Au niveau de la mas­si­fi­ca­tion de la mobi­li­té élec­trique indi­vi­duelle, le prin­ci­pal frein est l’installation des bornes de recharge et leur finan­ce­ment. Aujourd’hui, est-ce au par­ti­cu­lier de prendre en charge ce coût ? l’entreprise s’il s’agit d’un véhi­cule de fonc­tion ? le bailleur social ? la copro­prié­té ? la col­lec­ti­vi­té locale ? le four­nis­seur auto­mo­bile ? l’énergéticien ? l’Etat ?

Si les infra­struc­tures publiques et rele­vant des entre­prises se déve­loppent rapi­de­ment, cela n’est pas le cas au niveau des uti­li­sa­teurs par­ti­cu­liers. Pour accé­lé­rer l’électrification de la mobi­li­té, nous mili­tons pour une gou­ver­nance cla­ri­fiée appuyée par une pla­ni­fi­ca­tion inté­grant menée à l’échelle natio­nale. Dans cette démarche, il serait inté­res­sant de s’inspirer de modèles qui ont fait leur preuve comme celui du déploie­ment du très haut débit dans le domaine des télécommunications. 

Au niveau de la mobi­li­té col­lec­tive, le prin­ci­pal frein est le coût du véhi­cule élec­trique et gaz qui reste supé­rieur à celui d’un véhi­cule ther­mique. Là encore, il serait per­ti­nent de prendre en exemple le modèle des télé­com­mu­ni­ca­tions qui dis­pose d’un organe régu­la­teur qui a accom­pa­gné et super­vi­sé le déploie­ment du plan très haut débit. Cette pla­ni­fi­ca­tion pilo­tée par l’État et impli­quant aus­si bien la sphère publique que pri­vée nous semble néces­saire pour réus­sir la décar­bo­na­tion de la mobilité. 

Et pour conclure ? 

La décar­bo­na­tion de la mobi­li­té repose sur la capa­ci­té à se faire par­ler trois éco­sys­tèmes : l’énergie, les véhi­cules et les infra­struc­tures. Dans ce cadre, notre ambi­tion est de conti­nuer à conseiller et accom­pa­gner les déci­deurs pour qu’ils puissent réus­sir leur décar­bo­na­tion. Et pour ce faire, nous recru­tons des talents pour venir ren­for­cer nos équipes en Europe.


Pour plus d’informations :

https://tractozero.com/index.html

https://ema.tractozero.com/home

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