L’éthique ou le chaos ?

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°540 Décembre 1998Par : Jean-Loup DHERSE (52) et Dom Hugues MINGUETRédacteur : Georges JASKULKÉ (55)

Mes choix per­son­nels sont-ils capables, à leur minus­cule échelle, de contri­buer à l’harmonie de l’humanité ? Cette inter­ro­ga­tion sur­git, consciente, lorsque je suis en face d’une déci­sion à conte­nu mani­fes­te­ment éthique. Elle est refou­lée lorsque je décide que mon champ d’action n’appelle de ma part que des réponses tech­niques. Elle est pré­sente enfin selon toute une palette de cer­ti­tudes intermédiaires.

Dans cet esprit ce livre invite le lec­teur à déchif­frer les dif­fé­rents niveaux de la réa­li­té pour iden­ti­fier l’enjeu des faits et des situa­tions et l’usage qu’il fera alors de sa liber­té. À la fois concep­tuel et concret, même s’il n’est pas rédi­gé à la pre­mière per­sonne – on ne peut par­ler d’éthique qu’en disant “ je ” – il est mar­qué de l’implication per­son­nelle des deux auteurs, leurs voix étant d’ailleurs confon­dues dans un même texte.

À l’harmonie s’oppose le chaos. Non pas, ici, celui de l’indétermination des choses phy­siques, ni celui du désordre d’où peut naître l’art, mais celui qui sou­met l’homme à la vio­lence et à l’écrasement. Et donc les auteurs abordent de front, ce qui est à leur hon­neur, le concept de bien com­mun. On sait que celui-ci est au moins très contro­ver­sé, avec des argu­ments qui valent : qui le défi­nit ? lui assigne-t-on des fron­tières ? quelle place laisse-t-il à la liber­té de l’autre ? Mais dans les réa­li­tés d’aujourd’hui il suf­fit de consi­dé­rer, entre autres, l’exemple paroxys­tique de la Rus­sie pour appe­ler à l’urgence d’une réponse de terrain.

Face aux séismes sociaux, éco­no­miques, éco­lo­giques – qui sont très pré­ci­sé­ment dans la thé­ma­tique de cet ouvrage – un être-ensemble à construire n’a plus rien d’abstrait. En fait on a sou­vent très peu de temps pour déci­der et les évé­ne­ments pressent.

Les auteurs pro­posent un fil conduc­teur pour dis­cer­ner les che­mins pos­sibles : je ne serai jamais dans le domaine de l’improvisation si j’ai anti­ci­pé, par des remises en ques­tion mutuelles de mon action et de ma vision de l’humain. De nom­breux exemples, aus­si bien locaux que mon­diaux, pui­sés dans les expé­riences pro­fes­sion­nelles et péda­go­giques des auteurs, viennent à l’appui de cette quête.

Même si cet ouvrage se déve­loppe selon un ordon­nan­ce­ment qui assure la cohé­rence de sa recherche, le lec­teur pour­ra en abor­der le conte­nu par un thème qui l’interpellerait davan­tage. “ Perdre sa liber­té dans l’abondance comme dans la pénu­rie ”, “ Tenir bon dans les situa­tions extrêmes ” sont des sous­titres qui peuvent y convier, quitte à faire retour sur la dis­cus­sion argu­men­tée des concepts qui leur servent de socle.

Ce livre évite tout natu­rel­le­ment le piège du sup­plé­ment d’âme des­ti­né à cor­ri­ger les imper­fec­tions d’une socié­té, l’éthique n’étant pas une uti­li­té pour sau­ver une éco­no­mie qui serait contre-pro­duc­tive. Au sor­tir d’une période où tout devait être poli­tique, un retour à la res­pon­sa­bi­li­té éthique se fait insis­tant. Si l’État reste un bar­rage indis­pen­sable contre la bar­ba­rie, je ne ferai pas l’économie de mon impli­ca­tion per­son­nelle dans notre hori­zon élar­gi de l’espace – notre pla­nète – et du temps – les géné­ra­tions futures.

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Guy Michel FRANCArépondre
25 avril 2016 à 17 h 15 min

l’e­thique n’est pas un concept
tant que nous par­le­rons d’é­thique comme un morale amé­glio­rée, on est pas dans l’é­thique. L’e­thique n’est pas un concept mais la résul­tante de l’in­te­gra­tion de pro­ces­sus emo­tion­nel et psy­cho­lo­giques qui amènent l’in­di­vi­du à une matu­ri­té telle que l’e­thique emerge de façon natu­relle. Sans cette matu­ri­té l’e­thique reste une uto­pie. Lire « Au dela des fron­tières de la pen­sée » vous le trou­vez sur goupeformationethique… 

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