Lettre ouverte aux camarades pour résister au désastre
Camarade de l’École polytechnique,
J’ai déjeuné récemment avec un camarade de promotion que je n’avais pas vu depuis quinze ans. Il m’a contacté parce qu’il a, je le cite, « pris conscience progressivement du choc climatique qui nous attend » et qu’il a eu connaissance des travaux que je mène en recherche-action publique pour résister au désastre.
Il travaille dans une entreprise qui conçoit des systèmes logiciels permettant de faire fonctionner les marchés financiers. Taraudé depuis plusieurs années par cette prise de conscience, il est arrivé à ce constat désormais clair : son travail ne fait plus sens pour lui. Alors que notre société connaît une situation écologique et sociale catastrophique, comment mener une activité professionnelle qui, au mieux, sert simplement à faire tourner notre société délétère, au pire la renforce dans cette direction et accélère le processus de destruction sociale et écologique actuellement en cours ?
De la prise de conscience…
Je date souvent le moment de ma prise de conscience à une conférence que Jean-Marc Jancovici avait donnée à l’École polytechnique en 2004. Il nous avait expliqué que toute notre société fonctionnait aux hydrocarbures fossiles conventionnels, qu’il n’y en avait presque plus en France, que nous étions en train de passer le pic d’extraction de pétrole conventionnel au niveau mondial et que chaque gramme d’hydrocarbure fossile brûlé contribuait à un dérèglement climatique planétaire de nature à créer des déstabilisations géopolitiques majeures et remettre en cause jusqu’à l’habitabilité même de la planète. J’ai vécu alors un réel choc traumatique dont je ne me suis toujours pas remis. Quel était le sens des métiers auxquels on nous destinait s’ils ne permettaient pas de garantir une appréhension sérieuse de ce désastre collectif ? Bénéficier de l’enseignement public d’excellence de l’École polytechnique me semblait également conférer une responsabilité accrue à cet égard.
…à la mise en mouvement
Par cette lettre, je souhaite partager avec toi le sentiment que la prise de conscience collective du désastre grandit. Quelle est la capacité de notre société à se mettre en mouvement pour y répondre effectivement ? Je suis persuadé que nous avons collectivement d’immenses ressources et nous avons constaté, mon camarade et moi, que la diminution de notre activité professionnelle « classique » avait été un préalable pour réorienter nos efforts. J’avais pris un congé parental à la naissance de mon premier enfant et j’avais mis à profit ces quelques mois de prise de distance avec la frénésie professionnelle pour tenter de construire un projet qui me semble faire sens.
Il me reste, comme à tout le monde, de nombreux paradoxes irrésolus entre la vie personnelle et professionnelle que je mène et ce qui me paraîtrait correspondre à une réponse appropriée au désastre en cours. Mais j’ai l’impression qu’un temps de recul est extrêmement fécond pour permettre d’infléchir son parcours professionnel et que mon utilité sociale n’avait jamais été aussi élevée que lorsque j’avais arrêté de travailler !
Nous sommes tous enchevêtrés dans des contraintes personnelles et professionnelles très différentes. Avec le capital économique, culturel et social globalement si élevé des anciens élèves de Polytechnique, il me semble toutefois que nous avons la capacité, et le devoir, de prendre le temps de réfléchir, d’arrêter partiellement, temporairement ou définitivement notre travail actuel au besoin, et d’infléchir nos trajectoires personnelles et professionnelles pour résister sérieusement au désastre écologique et social que nous vivons.
PS : j’avais compilé pour un ami ingénieur quelques éléments explicitant en quoi la situation écologique et sociale est désastreuse. Si ça peut t’être utile, tu peux lire ces éléments ici : https://tinyurl.com/unesituationdesastreuse.
J’ai également ouvert un bloc-note public pour prolonger les échanges : https://mypads2.framapad.org/p/echanges-cw7hp905.
PPS : l’expression « résister au désastre » est tirée de l’ouvrage éponyme d’entretiens avec Isabelle Stengers (Éditions Wildproject, 2019). Sa question centrale est : « Que peut-on fabriquer aujourd’hui qui puisse éventuellement être ressource pour ceux et celles qui viennent ? »
Pour entrer dans la discussion, propose ton point de vue en commentaire ci-dessous.
9 Commentaires
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J’ai été atterré et choqué par la publication de cette lettre ouverte.
Je l’ai été d’abord par le contenu au style angoissé et apocalyptique où le mot de désastre, employé six fois, résume ce que son auteur juge de notre monde. Pourquoi ce délire ? L’ignorance ? Dans tous les domaines ou presque, l’augmentation de la productivité a permis un nombre considérable de progrès : faim dans le monde, pauvreté, mortalité infantile, durée de vie, propreté de l’air, forêts, etc. même si bien des domaines restent encore à améliorer. Alors pourquoi ces prophéties mensongères, dignes du sinistre Club de Rome des années 70 ? Et, pourquoi ces injures au travail et au courage de ceux, dont de nombreux X, qui ont contribué à ces progrès ? Voilà où conduit cet écologisme fanatique et dangereux dont les dogmes simplificateurs sont un déni des faits, comme l’ont été en leur temps le dogme de la race ou celui du prolétaire.
Je l’ai été surtout par le fait que La Jaune & La Rouge n’a pas rejeté ni commenté cette prophétie délirante et fallacieuse. Elle a le droit et le devoir de refuser des textes comme celui-ci qui offensent la raison et sont l’expression des croyances d’une clique bruyante, minoritaire, mais dangereuse qui fait ici du prosélytisme. Ces textes sectaires et mensongers n’ont pas leur place dans une revue comme la nôtre. La décision de les publier, connaissant le soin mis dans le choix des contributions, est une forme d’approbation et de propagation de « fake news ». Elle est aussi , me semble-t-il, contraire à l’esprit de l’AX qui s’abstient de débattre de sujets politiques ou religieux. Elle est de même une participation malvenue au climat d’inquiétude actuel, en particulier chez les étudiants, dont les X. Elle est enfin une bienveillance à l’égard des propos d’un camarade déserteur du travail, en dépit de ce dont il a bénéficié de la société et de ce qu’il lui doit. Où va l’AX en cautionnant cela ?
Ma réaction, qui contient aussi une part de tristesse, est aussi celle de quelques camarades que j’ai approchés. Eux comme moi ne comprendraient pas que notre revue ne respecte plus l’esprit de raison et de pondération qui doit être notre ADN.
Je suis atterré et choqué par le commentaire de Alain Verglas. La « sinistre prophétie du club de Rome » est malheureusement bel et bien une réalité, voir par exemple On the Cusp of Global Collapse ? Updated Comparison of The Limits to Growthwith Historical Data, Turner, 2012. Mais surtout, il semble que vous ne soyez pas au courant des rapports du GIEC, qui ont bel et bien démontré que le mode de vie que vous semblez défendre (« business as usual ») n’est pas compatible avec une diminution des émissions de CO2 et par conséquent d’une limitation de la hausse de la température moyenne sur terre.
Ainsi je ne vois pas très bien en quoi le camarade Fabien Esculier serait propagateur de fake news mais m “interroge plutôt sur la teneur de votre message…
J’en profite surtout pour applaudir Fabien pour avoir écrit ce courrier. Ne serait ce pas le moment d’un appel large de tous les anciens polytechniciens (et ils sont nombreux) investis pour le nécessaire changement de société qui permettent de respecter les accords de Paris et plus généralement de vivre dans un monde plus juste, plus respectueux de l’humain et de la nature ?
Quant à moi, je suis atterré et choqué du commentaire récemment posté par Alain Verglas. S’il a parfaitement le droit de ne pas être d’accord avec Fabien Esculier, de quel droit peut-il lui contester la possibilité d’exprimer son point de vue ? De quel droit peut-il qualifier ce point de vue de délirant, fallacieux, injurieux, fanatique, dangereux ? On peut s’interroger : de quel côté est l’injure et le fanatisme ?
L’auteur de la lettre ouverte ne fait pas autre chose que de proposer de prendre du recul sur ce que propose la société d’aujourd’hui ; marqué par une conférence du camarade Jean-Marc Jancovici, il s’est lui-même remis en question et estime nécessaire de partager ses convictions ; il n’invite pas les lecteurs à arrêter de travailler mais à réfléchir à une inflexion de leur parcours personnels et professionnels. Franchement, où est le mal ?
Non, ceux qui estiment que le progrès d’une nation ne se mesure pas forcément à la croissance de son PIB ne sont pas à mettre au ban de la communauté polytechnicienne ! On peut même se demander si la jeunesse d’aujourd’hui, plus inquiète de l’avenir de la planète que les générations précédentes n’accueillerait pas plus favorablement le questionnement de l’auteur de la lettre ouverte que les certitudes de celui du premier commentaire.
Et merci à la Jaune et la Rouge de laisser aussi de la place à des points de vue qui dérangent.
Un commentaire de Bruno Wiltz (57)
Cher Camarade
Certains membres de ma promotion-57- se sont offusqués de la publication de ta lettre dans la
revue de décembre 20. Je partage leurs sentiments. Ils en ont marre de recevoir des incantations sur
une situation qu’ils connaissent parfaitement, qui ressemble plus à un faire-valoir personnel,
dépourvues de propositions crédibles et efficaces. Il est vrai que le monde ne répond pas
suffisamment vite aux objectifs nécessaires, mais aussi que l’Europe s’essouffle pour y arriver,
vainement, compte-tenu de son faible impact ; c’est encore plus vrai pour la France, meilleure des
grands Etats européens, ce qui n’exclut nullement les efforts à fournir.
Tu es un spécialiste des excrétions humaines. Recycler les déchets-tout est déchet-est louable
pour l’environnement. C’est une excellente idée de vouloir en faire profiter les sols, avec des
externalités, comme on l’a fait depuis des siècles pour les animaux d’élevage. On le pratique au
Ghana, mais par foyer, accompagné d’une production de gaz par méthanation de cette matière elle
aussi par foyer. Peut-être as-tu déçu que tes thèses n’aient pas été encore appliquées et que crier au
désastre permettrait d’accélérer ? Sera t’elle aussi un déchet ?
J’ai bien connu la recherche, les chercheurs et même les académiciens. Beaucoup d’entre eux, du
fond de leur puits de connaissances souvent considérables, voire extraordinaires ne voient du ciel
qu’une toute petite partie ; ça s’applique aussi à ceux qui sont dans un puits d’ignorances.
Je ne peux pas imaginer que « le capital économique, culturel et social » des chers camarades, bien
entendus non scientifiques, ni cartésiens, ni rigoureux, ne leur permette pas de prendre conscience
du choc climatique et de ses conséquences ; il est vrai qu’une toute petite minorité, très ou trop
scientifique pense « scientifiquement » que les émissions anthropogéniques ne sont pas coupables.
Ancien Vice-président des IESF- Ingénieurs et Scientifiques de France- que tu connais surement ?-,
responsable de tous les comités sectoriels, dont Environnement, Energie, une vingtaine, 82 ans,
toujours très actif sur ces deux et quelques autres, je ne me vois pas « réfléchir » de la façon que tu
souhaites ; et c’est le cas de la plupart du million d’ingénieurs en France : ils agissent. Nous
proclamons haut et fort notre engagement prioritaire dans la lutte contre le réchauffement
climatique, non par des mots, mais par des études très approfondies, des critiques d’ingénieurs
toujours accompagnées d’alternatives positives, réalisables, et officialisées. Exemple un peu
différent : l’ ASN-Agence de la Sécurité Nucléaire‑, vient de lancer une consultation publique pour la
prolongation de la durée de vie d’une catégorie de réacteurs ; notre réaction a été immédiate en
envoyant à l’ASN les raisons de notre soutien, contre tous les antinucléaires qui se déclarent écolos,
alors que le nucléaire, avec ses défauts, est le plus efficace pour lutter contre le réchauffement
climatique, moins émetteur de CO2, et de loin, par rapport aux électricités intermittentes.
Nous sommes des favorisés ; nous devons nous battre, mais devant, pas derrière avec de beaux
discours. Il y en aura toujours qui iront se confiner dans la montagne et brouter de l’herbe avec leurs
moutons ; Panurge rôde. Alors, soyons scientifiques, ingénieurs, cartésiens, rigoureux, créatifs
pragmatiques, entrepreneurs, et pas psis moralisateurs.
Avec mes excuses pour ce discours dont je n’ai pas l’habitude, je suis franc et direct, pas méchant ;
on ne se change pas. En toute camaraderie
Bruno Wiltz X 1957
Même chez nos camarades il existe encore des climato-sceptiques , comme quoi ce n’est pas gagné même si le renouvellement des générations est porteur d’espoir.… Pour les autres (nombreux et majoritaires j’espère) c’est par là –> https://alumnifortheplanet.org/. Et bravo effectivement à notre camarade Jean-Marc Jancovici qui a aussi été celui qui m’a ouvert les yeux.
Je prends le temps de répondre à cette lettre ouverte qui m’a beaucoup attristé.
Attristé par le fait que le réchauffement climatique rime dans l’esprit de certains camarades avec désastre écologique et social. Un discours tenu par Jean-Marc Jancovici qui ne manque pas d’arguments et de talents. A ceux qui ont été convaincus par ses idées, je leur recommande de lire le livre de Steven Pinker “le triomphe des lumières”. Ils y trouveront des arguments sérieux avec des études chiffrées qui laissent entrevoir un avenir plus réjouissant. Je pense, comme ce dernier, que le réchauffement climatique existe mais qu’il ne conduira pas l’humanité au désastre. Gardons à l’esprit qu’il y a 42.000 ans, l’homme a colonisé l’Australie et que le niveau des mers était à ‑80 mètres. Le climat a changé et la vie n’a pas disparu pour autant.
Je regrette comme Alain Verglas que la jaune et la rouge ait publié cette lettre ouverte qui, par son ton alarmiste, fait irrémédiablement penser à certains discours politiques. L’écologie scientifique existe et elle est honorable. Mais l’écologie politique n’a rien de scientifique. Le darwinisme est une approche scientifique du vivant extrêmement convaincante. Mais elle n’a rien à voir avec l’usage que les politiques en ont fait. Les écosystèmes ne sont pas caractérisés par des équilibres statiques. Et l’eugénisme n’a rien de scientifique. On ne trouvera aucune valeur supérieure dans la sélection naturelle car elle oeuvre en aveugle. Et sur le fond, il y a un vrai danger à fonder une société sur des principes extérieurs à l’homme. Car, c’est la porte ouverte à tous les excès comme l’illustre cette proposition de la convention citoyenne pour le climat de réécrire le préambule de la Constitution pour « placer l’environnement au-dessus de nos autres valeurs fondamentales ». Fondamentales ! Rien que ça !
Mais si j’analyse correctement la lettre ouverte de Fabien, il aborde bien le sujet de cette façon puisqu’il considère les problèmes environnementaux comme structurants pour son avenir personnel et professionnel. Je le dis car je le pense : c’est profondément absurde.
La liberté d’expression permet le débat. Et, je pense que ce sujet mérite un vrai débat.
Des épreuves nous attendent dans les décennies à venir, comme le dérèglement climatique, la résistance aux antibiotiques, la chute de la biodiversité, la pollution, etc. On les observe, ce sont des enjeux !
La science a permis de fabuleux progrès pendant la révolution industrielle, et notre communauté y a grandement contribuer. On ne mobilise pas un peuple en le culpabilisant, en lui promettant du sang et des larmes, mais en lui donnant de l’espoir, en le tirant vers le haut.
Nous pourrions mobiliser notre intelligence collective pour apporter des solutions de prospérité. Par exemple, Jeff Bezos donne 10 milliards de dollars pour proposer des projets pour lutter contre le dérèglement climatique. Ne serions-nous pas capables de lui chaparder un ou deux milliards pour faire un projet ambitieux dans le déploiement d’un internet de l’énergie, ou autre chose ?
Faute de proposer un avenir, le peuple se détourne de ses élites, et je pense qu’il y urgence à s’interpeller sur le sujet. J’ai proposé une amorce de réflexion suite à une consultation des anciens de mon école d’application :
https://www.institutpenserdemain.com/post/elites-et-soci%C3%A9t%C3%A9?cid=422fdb99-16a1-47ab-9bcb-c62001f3f3cf&utm_campaign=0cd77c12-a75d-426f-8d48-0b21bca86120&utm_medium=mail&utm_source=so .
C’est du brainstorming, et il y a surement à prendre et à laisser, mais je pense qu’il faudrait s’intéresser à cette fracture entre élites et société, car elle concerne aussi notre communauté.
Joyeuses fêtes.
voilà une lettre qui fait réagir ! Les reproches d’Alain verglas ne sont pas mérités, et surtout, ils ne sont pas à la mesure des mutations et des prises de conscience de la société que les plus jeunes générations vont connaître. Cette invitation à faire évoluer notre mode de vie et notre projet professionnel est bienvenue dans un monde où les ingénieurs ont trop souvent pensé que le progrès technologique résoudrait tout les problèmes que nous rencontrons. Nous savons aujourd’hui que ce ne sera pas le cas, et que la technologie n’est parfois qu’un palliatif aux problèmes qu’elle a elle-même créée. Saisissons donc ces opportunités à réfléchir sur l’orientation que nous souhaitons donner à nos vies !
J’ai pris du temps pour me joindre à l’échange suscité par Fabien.
Quand j’ai découvert ton propos j’ai été très heureuse de voir enfin quelqu’un prendre la parole sur ce thème évidemment urticant pour la communauté polytechnicienne forgée dans la confiance en la science. Et j’avais envie de te remercier de partager tes doutes, tes décisions personnelles et tes questions.
Enfin nous pourrions commencer à penser l’impensable, à savoir que la science risque bien d’être impuissante à réguler les conséquences climatiques de l’activité humaine et que la tendance amorcée risque bien d’être irréversible sans que l’on sache très bien où ça nous emmène (quelle hausse du niveau des océans ? Combien de surface aujourd’hui habitables seront demain immergées ? Combien d’espèces animales survivront au réchauffement climatique ? Combien de forêts ? Combien de surfaces agricoles ? Etc.)
Certes, c’est difficile à entendre mais mettre la tête dans le sable avec le petit refrain bien connu de « la science va bien trouver une solution » ne fait certainement pas partie de la solution. C’est au mieux un déni de réalité au pire de la malhonnêteté intellectuelle digne d’un travail de lobbyiste acharné (ceux de la convention citoyenne pourraient en dire plus que moi sur ce sujet).
Aussi quand j’ai découvert les commentaires de nos camarades de la 57, ça m’a mise très en colère. Sur le fond, que faites vous de ce que nous racontent les experts (ô combien scientifiques !) du GIEC ? Sur la forme, qui êtes vous, messieurs, pour demander la censure de ce témoignage personnel. Que ce témoignage ne vous plaise pas, je peux l’entendre. Que vous n’adhériez pas aux choix de notre camarade est votre droit le plus strict. Mais manifester un tel mépris, et exiger la censure … les bras m’en tombent. Vous parlez d’intégrisme ? Comme disent les enfants « c’est celui qui le dit qui l’est … ».
Maintenant, j’aimerais revenir sur la question soulevée par Fabien : que faire pour tenter d’éviter le désastre, car c’est bien ainsi qu’il faut désigner ce qui nous attend si nous ne faisons rien.
Certains arguent de solutions techniques qu’ils délèguent à la recherche et à l’industrie, pour continuer à consommer sans trop polluer (faisons court) là où Fabien nous parle de changement de comportements individuels et dit (me semble t’il ? j’espère avoir bien compris son propos) « je choisis de consommer moins ».
Parce qu’il y a urgence, il faut sans doute activer les deux leviers.
Faire tout notre possible pour baisser notre impact sur l’environnement à consommation égale (solution technique) est indispensable et déjà en route mais le temps joue contre nous : pour espérer maîtriser l’augmentation de la température sur la planète a 1.5 ou 2 degrés comme prévu dans les accords de Paris, nous savons d’ores et déjà qu’il nous faudra envisager de limiter notre croissance voire de consommer moins.
Je rappelle que le rapport Meadows commandité par le club de Rome dans les années 70 alertait déjà sur l’impossibilité de soutenir une croissance infinie avec des ressources par définition finies. Sauf à imaginer un scénario à la Interstellar où nous irions coloniser d’autres planètes (toujours possible mais que personnellement je n’envisage pas vraiment) nous n’avons pas trop le choix que d’imaginer les moyens de la décroissance de notre consommation. Que ce soit par le levier démographique (une bonne guerre, j’vous dis ma brave dame, ou alors une bonne pandémie mais alors vraiment très mortelle (NB : c’est une blague!)), que ce soit par le levier des comportements individuels et collectifs. C’est ce levier dont nous parle Fabien.
Et à ce point, si nous voulons vraiment inverser la vapeur (😬 !) il nous faut introduire le levier politique (je ne parle pas d’un parti particulier mais de la chose politique) pour précisément stimuler des changements de comportement à un rythme suffisamment rapide pour des résultats significatifs.
Je vous invite sur cette question du rôle du politique à lire le très bon ouvrage de Serge Aubier : « La cite écologique » qui articule l’action politique aux initiatives des agents individuels.
L’action politique est sans aucun doute ce qui manque aujourd’hui. La convention citoyenne se présentait comme une avancée en ce sens en France mais que va t’il en rester au bout du processus et après les pressions féroces exercés par les grands lobbys au nom de l’économie, de l’emploi, du réalisme économique, de la dimension mondiale du problème (la France n’est pas seule) …
C’est l’inconsistance (l’impuissance?) contemporaine de la chose politique qui donne envie de désespérer.
Nous avons besoin de prises de position fortes, de choix stratégiques, de décisions courageuses ; nous avons besoin d’un élan qui stimule l’action de chacun à son échelle. Sans cela l’action individuelle reste colibri-esque, certes utile de par son exemplarité, mais trop lente à se diffuser.
Nous (habitants de la planète Terre) avons besoin de l’engagement des scientifiques et des industriels pour baisser nos émissions de gaz à effet de serre, nous avons besoin des changements de comportements des individus pour consommer mieux et moins, et nous avons besoin de l’engagement politique à tous les niveaux qui n’est autre que la manifestation d’une volonté collective pour ne pas nous sentir terrassée par l’inanité d’une action isolée.
La communauté polytechnicienne peut être un des lieux où ces élans prennent forme. Il y en a d’autres et c’est bien. Car il n’y a pas de temps à perdre.
La maison terre brûle, arrêtons de regarder ailleurs.