LETTRES À HÉLÈNE
Notre camarade Robert Chapuis (38) a publié une sélection des lettres écrites à sa femme Hélène au cours de ses nombreux voyages et les dessins qu’il a exécutés, croquis pris sur le vif de personnages et de paysages. Fonctionnaire international à l’UIT (Union internationale des télécommunications), il a participé à toutes les conférences internationales dans ce domaine de 1950 à sa retraite. C’est l’expérience de ses relations avec ses collègues étrangers et les pays visités qu’il nous conte : Lisbonne, Scheveningen, Saragosse, New York, Philadelphie, Toronto, Tucson, San Francisco, Tokyo, Damas, Recife, Melbourne, Canton, Pékin, Shanghai, on ne peut les citer tous.
Ce qui frappe est que, malgré la courte durée de ses séjours (le temps d’une conférence), il a bien saisi la civilisation des pays visités, sensible au pittoresque des monuments et des paysages et à la vie difficile des habitants des pays en développement. Sa foi catholique lui permet de rencontrer des prêtres ayant vécu souvent plusieurs années les vies de leurs paroissiens et connaissant bien leurs difficultés d’existence. Mais il rencontre aussi des ingénieurs, des directeurs de sociétés comptant quelquefois plusieurs milliers de salariés qui ont, eux, des problèmes fiscaux sur lesquels il n’insiste pas.
À Genève, il fait la connaissance du peintre Christo qui fera le portrait de ses enfants et de son épouse, celui figurant en couverture de son livre. Ses souvenirs n’excluent pas un humour s’exprimant quelquefois aux dépens des habitants des pays visités et même de nos compatriotes touristes, retraités, énarques montrant une arrogance et « une ségrégation de caste inconnue aux USA ». Ses réflexions concernent surtout les arts mais peu la littérature de ces pays. Il est vrai qu’il n’est pas nécessaire d’aller dans un pays pour la connaître, quoique, à mon avis, il est difficile de bien comprendre Cervantès ou Lorca, par exemple, si on n’est jamais allé en Espagne. Sculpture, peinture, artisanat qu’il n’apprécie pas toujours sont ses sujets favoris, la musique aussi (souvenirs des tambours de Salvador de Bahia), la chorégraphie (les danses balinaises), le cinéma chinois « auquel il ne comprend pas grand-chose ». Il compare quelquefois ces traditions à celles de sa région d’origine : Vienne et l’Isère.
D’autres remarques portent également sur l’organisation des sociétés (plus ou moins démocratiques, plutôt moins), la monnaie, les fêtes traditionnelles et religieuses, des activités inattendues (une fête des vendanges près de Tokyo, des manifestations folkloriques en Californie), le dépaysement dans les contrées où l’écriture n’est pas celle de l’Occident, les problèmes que connaissent tous les voyageurs pour téléphoner, obtenir une place sur un vol saturé, récupérer ses bagages…
En faisant connaître à son épouse, dont il regrette parfois l’absence, ses activités, il tente d’effacer les distances qui l’en séparent et plante des jalons pour de futurs voyages avec elle.