Lübeck, en Allemagne

L’évolution de la politique sociale en Allemagne

Dossier : L'AllemagneMagazine N°531 Janvier 1998Par : Véronique DONAT, collaboratrice du Conseiller pour les affaires sociales auprès de l’ambassade de France à Bonn

Pour­tant le dis­cours poli­tique prend rela­ti­ve­ment peu en compte les charges de la réuni­fi­ca­tion pour expli­quer la crise finan­cière de la pro­tec­tion sociale. Les recettes moindres liées à la situa­tion ten­due du mar­ché de l’emploi sont rete­nues comme la prin­ci­pale cause des dif­fi­cul­tés actuelles. Le « sau­ve­tage » de la pro­tec­tion sociale s’ar­ti­cule donc prin­ci­pa­le­ment autour de la lutte contre le chô­mage, cen­trée sur la baisse des charges sociales pour dimi­nuer les coûts du travail.

Contrai­re­ment à ce qui se passe en France, jus­qu’i­ci les réformes ne se sont pas atta­chées à aug­men­ter les recettes en taxant, en plus des reve­nus du tra­vail, d’autres reve­nus comme ceux du patri­moine. Pas de CSG ou de RDS en Alle­magne ! Certes, dans une récente inter­view à l’heb­do­ma­daire éco­no­mique Die Wirt­schafts­woche, Horst See­ho­fer (CSU), ministre fédé­ral de la San­té, remar­quait que « notre socié­té doit se poser très sérieu­se­ment la ques­tion de savoir si elle doit conti­nuer de lier les coti­sa­tions sociales aux postes de tra­vail ». Néan­moins, vu les éven­tuelles fuites de capitaux,

il excluait fina­le­ment l’é­ven­tua­li­té d’une taxa­tion des reve­nus des capi­taux. Les coti­sa­tions sociales portent donc, en Alle­magne, uni­que­ment sur les reve­nus du tra­vail. Pour l’ins­tant ceux des emplois de faible impor­tance (moins de quinze heures par semaine et 610 DM par mois) en sont exemp­tés ; peut-être plus pour très long­temps. Les coti­sa­tions sont cal­cu­lées sur une assiette pla­fon­née, revue chaque année (en 1997, 6 150 DM par mois pour les assu­rances mala­die et dépen­dance et 8 200 DM men­suels pour les assu­rances chô­mage et vieillesse).

Ain­si, une par­tie des hauts reve­nus du tra­vail échappe aux coti­sa­tions sociales, ce que déplorent régu­liè­re­ment le par­ti social-démo­crate et la confé­dé­ra­tion des syn­di­cats alle­mands. L’ex­ten­sion de l’as­siette de cal­cul des coti­sa­tions sociales – et donc l’aug­men­ta­tion des recettes – étant pour l’ins­tant taboue, les réformes s’ap­pliquent prin­ci­pa­le­ment à dimi­nuer les dépenses en res­pon­sa­bi­li­sant davan­tage les assu­rés c’est-à-dire en dimi­nuant le niveau des pres­ta­tions et en pri­va­ti­sant ain­si de plus en plus les risques.

Pour­tant, en dépit de tous les pro­blèmes qu’elle tra­verse, l’Al­le­magne s’est dotée récem­ment d’une nou­velle assu­rance sociale, l’as­su­rance dépen­dance (taux de coti­sa­tion : 1,7 %), non sou­mise à des condi­tions de res­sources. Elle verse, depuis le 1er avril 1995, une pres­ta­tion auto­no­mie aux per­sonnes main­te­nues à domi­cile (entre 400 et 1 300 DM par mois) et prend en charge, depuis le 1er juillet 1996, une par­tie des frais des per­sonnes pla­cées en éta­blis­se­ment (de 2 000 à 2 800 DM par mois). Un mil­lion sept cent mille per­sonnes en béné­fi­cient. Pour l’ins­tant cette branche est excé­den­taire ; en par­tie parce que des coti­sa­tions ont été pré­le­vées trois mois avant qu’elle serve les prestations.

Les dif­fi­cul­tés finan­cières des assu­rances sociales (mala­die, vieillesse, chô­mage) ont conduit à une réflexion sur les pres­ta­tions ser­vies. Il est ain­si appa­ru que nombre d’entre elles ne relèvent pas du but pre­mier de l’as­su­rance mais, en réa­li­té, du devoir de toute la socié­té et qu’à ce titre elles devraient être finan­cées par les impôts. Les Alle­mands les appellent les pres­ta­tions non com­pen­sées (Fremd­leis­tun­gen). Tous les inter­ve­nants ne sont pas d’ac­cord sur leur défi­ni­tion. Cepen­dant il y a consen­sus pour affir­mer, par exemple, que dans l’as­su­rance mala­die, les pres­ta­tions mater­ni­té, dans l’as­su­rance chô­mage, les mesures de for­ma­tion conti­nue ou encore dans l’as­su­rance vieillesse, la vali­da­tion de l’é­du­ca­tion des enfants sont des pres­ta­tions non compensées.

L’as­su­rance mala­die est la branche des assu­rances sociales qui dif­fère le plus du sys­tème connu en France.

En effet, il n’y a pas une caisse unique mais plu­sieurs caisses qui sont concur­rentes entre elles, tou­te­fois plus au niveau des taux de coti­sa­tion qu’au niveau des pres­ta­tions qui sont fixées dans la loi. Au cours des der­nières années, au lieu de dimi­nuer les dépenses, la concur­rence les aurait plu­tôt aug­men­tées car les caisses ont eu ten­dance à mul­ti­plier les pres­ta­tions volon­taires pour conser­ver leurs assu­rés. Chaque caisse étant obli­gée de cou­vrir ses dépenses par ses recettes, le taux de coti­sa­tion dépend en grande par­tie de « la qua­li­té » des assurés.

Au pre­mier semestre 1997, le taux de coti­sa­tion moyen s’est éle­vé à 13,5 %. Néan­moins, les dif­fé­rences entre les taux de coti­sa­tion se sont atté­nuées depuis l’ins­ti­tu­tion d’une péréqua­tion des risques entre les caisses en 1994. Les caisses mala­die de l’Est connais­sant d’im­por­tants pro­blèmes finan­ciers (les dépenses ont rat­tra­pé le niveau de l’Ouest mais les recettes sont plus faibles du fait des salaires plus bas et du nombre impor­tant de chô­meurs) il est ques­tion d’ins­tau­rer une péréqua­tion finan­cière entre elles et les caisses de l’Ouest. Une telle mesure accen­tue­rait encore le poids que la réuni­fi­ca­tion fait peser sur les assu­rés sociaux de l’Ouest.

De plus, les sala­riés dont le salaire men­suel est supé­rieur à 6 150 DM ont la pos­si­bi­li­té de s’as­su­rer pour la mala­die auprès d’une com­pa­gnie d’as­su­rances pri­vée – déci­sion irré­ver­sible. Les com­pa­gnies d’as­su­rances mala­die pri­vées ne fondent pas leurs primes sur le mon­tant du salaire mais sur le risque repré­sen­té (chaque ayant droit « cotise »).
Les titu­laires de hauts reve­nus en bonne san­té peuvent ain­si s’as­su­rer contre la mala­die pour un mon­tant infé­rieur à la coti­sa­tion de l’as­su­rance mala­die légale même si cette der­nière n’est pré­le­vée que sur la par­tie du salaire infé­rieure à 6 150 DM. En outre, les assu­rés pri­vés peuvent avoir le sen­ti­ment ras­su­rant qu’ils sont mieux soi­gnés que les autres puisque, pour un même acte, le méde­cin peut pra­ti­que­ment fac­tu­rer le double.

Depuis plus de dix ans l’as­su­rance mala­die légale est chro­ni­que­ment défi­ci­taire (6,2 mil­liards DM en 1996, 4 mil­liards DM au pre­mier semestre 1997). La résorp­tion des défi­cits se concentre prin­ci­pa­le­ment, d’une part, sur l’aug­men­ta­tion de la par­ti­ci­pa­tion des assu­rés à leurs frais de san­té (médi­ca­ments, pro­thèses et hospitalisation/cures) et, d’autre part, sur le contrôle des dépenses de soins médi­caux et de médi­ca­ments. La réforme de l’é­té 1997 tient compte de l’en­ve­loppe glo­bale pour ins­ti­tuer des bud­gets indi­ca­tifs par cabi­nets médicaux.

Ce sys­tème plus souple que le pré­cé­dent fait craindre aux caisses une aug­men­ta­tion des dépenses. Afin d’o­bli­ger ces der­nières à épui­ser toutes les pos­si­bi­li­tés d’é­co­no­mies avant d’aug­men­ter les coti­sa­tions, la réforme lie l’aug­men­ta­tion du taux de coti­sa­tion à celle de la par­ti­ci­pa­tion des assu­rés à leurs frais de san­té (pour 0,1 point de coti­sa­tion en plus, 1 DM sup­plé­men­taire de par­ti­ci­pa­tion). Elle donne en contre­par­tie aux assu­rés la pos­si­bi­li­té de chan­ger rapi­de­ment de caisse. En ce sens, contrai­re­ment aux réformes pré­cé­dentes qui par le pla­fon­ne­ment strict des dépenses avaient fait sur­tout pres­sion sur le corps médi­cal et sur l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique, cette der­nière réforme « s’en prend » davan­tage aux caisses.

Depuis le milieu des années 90, les Alle­mands tentent de maî­tri­ser les dépenses hos­pi­ta­lières (34 % des dépenses de l’as­su­rance mala­die) entre autres par des for­faits par patho­lo­gie. Un pro­chain pas sera la com­pa­rai­son des coûts pour le trai­te­ment d’une même patho­lo­gie d’un hôpi­tal à l’autre afin de faire pres­sion sur les plus onéreux.

De plus, la réforme de l’é­té 1997 pré­voit des modi­fi­ca­tions struc­tu­relles qui ins­ti­tuent dans le régime géné­ral légal des élé­ments, propres jus­qu’i­ci à l’as­su­rance mala­die pri­vée. Il s’a­git entre autres du rem­bour­se­ment a pos­te­rio­ri des coûts (actuel­le­ment rela­tive géné­ra­li­sa­tion du tiers payant), du rem­bour­se­ment d’une par­tie des coti­sa­tions en cas de non-recours aux ser­vices de l’as­su­rance et de la mino­ra­tion des coti­sa­tions en contre­par­tie d’une majo­ra­tion des tickets modé­ra­teurs. Dans leur ensemble les caisses sont oppo­sées à ces mesures qu’elles n’ap­pliquent d’ailleurs pas encore. Elles estiment en effet qu’elles remettent en cause la soli­da­ri­té entre les malades et les bien por­tants – pilier de l’as­su­rance mala­die légale – en fai­sant sup­por­ter l’as­sai­nis­se­ment des finances de cette assu­rance davan­tage aux malades qu’aux autres.

Afin de libé­rer les coûts du tra­vail de l’hy­po­thèque des dépenses de san­té en constante aug­men­ta­tion, Horst See­ho­fer, ministre fédé­ral de la San­té, sou­hai­tait ini­tia­le­ment geler les coti­sa­tions mala­die patro­nales au niveau actuel. Toute aug­men­ta­tion du taux de coti­sa­tion aurait alors été à la seule charge des assu­rés. Horst See­ho­fer n’a pas pu impo­ser cette idée, res­sen­tie comme un chan­ge­ment de sys­tème. Il a, cepen­dant, fait un petit pas dans cette direc­tion. Il a trans­for­mé cer­taines pres­ta­tions obli­ga­toires, notam­ment au niveau de la pré­ven­tion, en pres­ta­tions volon­taires et a obli­gé les caisses qui offrent ces der­nières à les finan­cer par des coti­sa­tions sup­por­tées uni­que­ment par les salariés.

L’as­su­rance vieillesse est finan­cée, d’une part, par des coti­sa­tions dont le taux unique pour tout le ter­ri­toire est fixé par la loi (actuel­le­ment 20,3 %) et, d’autre part, par une sub­ven­tion du Bund qui varie en fonc­tion de l’é­vo­lu­tion des salaires et du taux de coti­sa­tion (en 1996 : 63 mil­liards DM soit envi­ron 20 % des dépenses). La réuni­fi­ca­tion a pesé lourd sur les finances de l’as­su­rance vieillesse. Cette der­nière a en effet dû ver­ser des retraites à des retrai­tés qui n’a­vaient pas coti­sé et à nombre de sala­riés âgés qui, les pro­blèmes de l’emploi étant impor­tants, ont été mis à la retraite anti­ci­pée. L’é­tude pré­ci­tée du DIW sou­ligne que l’aug­men­ta­tion en 1995 des pré­re­traites à cause du chô­mage, en par­tie à l’o­ri­gine de la réforme de cet automne 1997, a été prin­ci­pa­le­ment un phé­no­mène des nou­veaux Länder.


Lübeck © OFFICE NATIONAL ALLEMAND DU TOURISME

À par­tir du début de 1999, l’aug­men­ta­tion des retraites ne sui­vra plus stric­te­ment l’é­vo­lu­tion des salaires nets. Elle sera pon­dé­rée par une variable démo­gra­phique afin de tenir compte de l’al­lon­ge­ment de la durée de béné­fice des retraites lié à une espé­rance de vie plus grande. De ce fait, à long terme, le niveau des retraites pas­se­ra de 70 % des salaires nets per­çus pen­dant la vie tra­vaillée à 64 %, au plus tard en 2030. En outre, main­te­nant tout départ à la retraite avant 65 ans est péna­li­sé (retraite ampu­tée de 18 % pour un départ à 60 ans) et l’oc­troi des retraites pour inca­pa­ci­té de tra­vail est revu.

Actuel­le­ment, la juris­pru­dence per­met aux sala­riés à la capa­ci­té de tra­vail réduite de per­ce­voir une retraite com­plète pour inca­pa­ci­té de tra­vail ou pro­fes­sion­nelle dès lors qu’ils ne trouvent pas sur le mar­ché de l’emploi un poste adé­quat à temps par­tiel. De ce fait l’as­su­rance vieillesse sup­porte une par­tie des coûts du chô­mage. Désor­mais un sala­rié qui ne dis­pose plus de toute sa capa­ci­té de tra­vail sera consi­dé­ré en par­tie comme chô­meur et en par­tie comme inva­lide du tra­vail. Il per­ce­vra donc une pen­sion par­tielle d’in­va­li­di­té et des indem­ni­tés par­tielles de chômage.

Les dif­fi­cul­tés finan­cières de l’as­su­rance vieillesse ont relan­cé la dis­cus­sion sur l’op­por­tu­ni­té de pas­ser d’un finan­ce­ment par répar­ti­tion à un finan­ce­ment par capi­ta­li­sa­tion. Rudolf Dress­ler, expert social du SPD, sou­hai­tait intro­duire une part de capi­ta­li­sa­tion dans le sys­tème actuel de répar­ti­tion en consti­tuant un fonds. Ce der­nier aurait été uti­li­sé, à par­tir de 2010, pour finan­cer une par­tie des retraites et ain­si évi­ter une aug­men­ta­tion trop forte des coti­sa­tions. Pour l’ins­tant cette idée n’a pas été retenue.

Par contre, un prin­cipe sem­blable a été ins­ti­tué dans le régime vieillesse des fonc­tion­naires. Ces der­niers per­çoivent une retraite (75 % de leur der­nier trai­te­ment brut), finan­cée uni­que­ment par les impôts. Le poids des pen­sions ser­vies étant appe­lé à peser très lourd dans les bud­gets publics des années à venir, de 1999 à 2013, les fonc­tion­naires renon­ce­ront à 0,2 point d’aug­men­ta­tion de salaire ou de pen­sion. L’argent ain­si éco­no­mi­sé ser­vi­ra à ali­men­ter un fonds auquel l’É­tat aura recours, dans les années difficiles.

Kurt Bie­den­kopf, ministre pré­sident de la Saxe et grand défen­seur depuis des années de la retraite de base, a ten­té de relan­cer son concept. Cepen­dant, les réac­tions ont mon­tré que l’im­mense majo­ri­té des hommes poli­tiques et de la popu­la­tion – une par­tie crois­sante des jeunes mis à part – res­tent très atta­chés au prin­cipe d’une retraite qui reflète les per­for­mances pro­fes­sion­nelles de la vie active pas­sée (salaire dif­fé­ré). Cepen­dant, le niveau des pres­ta­tions de l’as­su­rance vieillesse pour­rait se rap­pro­cher de celui d’une retraite de base, finan­cée par les impôts, étant don­né les dimi­nu­tions constantes de pres­ta­tions et les car­rières pro­fes­sion­nelles de plus en plus sou­vent incom­plètes du fait du chô­mage. Déjà actuel­le­ment, il faut coti­ser pen­dant vingt-sept ans sur le salaire moyen pour obte­nir une retraite du niveau de l’aide sociale. Par manque d’é­qui­va­lence entre les coti­sa­tions ver­sées et la retraite per­çue, les coti­sa­tions vieillesse pour­raient se trans­for­mer de fait pro­gres­si­ve­ment en un impôt vieillesse.

Alors que, jus­qu’i­ci, il y avait géné­ra­le­ment eu consen­sus entre l’op­po­si­tion et le gou­ver­ne­ment sur les réformes de l’as­su­rance vieillesse, les sociaux-démo­crates, très oppo­sés à la dimi­nu­tion du niveau des retraites, ont annon­cé qu’en cas de vic­toire élec­to­rale ils annu­le­raient la réforme de l’as­su­rance vieillesse.

L’emploi étant au centre des pro­blèmes des assu­rances sociales, la situa­tion finan­cière de l’Of­fice fédé­ral du tra­vail, res­pon­sable, d’une part, des pres­ta­tions chô­mage d’as­su­rance (Arbeits­lo­sen­geld) et d’as­sis­tance (Arbeits­lo­sen­hilfe) et, d’autre part, de la poli­tique active de l’emploi, ne peut être que ten­due. Comme la loi oblige l’Of­fice à équi­li­brer son bud­get, l’É­tat fédé­ral doit com­bler son défi­cit. Cette année, la sub­ven­tion fédé­rale s’é­lève à 15 mil­liards DM (ini­tia­le­ment 4 mil­liards étaient pré­vus). Les réformes de l’as­su­rance chô­mage ne sont donc pas seule­ment gui­dées par le sou­ci de sta­bi­li­ser le taux de coti­sa­tion (en 1997 : 6,5 %) mais aus­si par celui de ne pas trop gre­ver le bud­get public. Il est donc arri­vé au légis­la­teur de se lais­ser aller à quelques mani­pu­la­tions pour amé­lio­rer les finances de l’as­su­rance chô­mage. Ain­si, en 1995, pour allé­ger les coûts de l’Of­fice, le légis­la­teur a dimi­nué la coti­sa­tion mala­die des chô­meurs affai­blis­sant ain­si les recettes de l’as­su­rance maladie.

Esti­mant qu’il existe un lien entre le chô­mage et le mon­tant des allo­ca­tions, depuis 1990 le gou­ver­ne­ment n’a ces­sé de réduire les pres­ta­tions. Actuel­le­ment, l’al­lo­ca­tion chô­mage d’as­su­rance s’é­lève à 67 % du salaire net (60 % si le chô­meur n’a pas d’en­fants à charge) et celle d’as­sis­tance, ver­sée sous condi­tions de res­sources à 57 % (53 %). La réforme du prin­temps 1997 a dimi­nué les pres­ta­tions en ren­for­çant les cri­tères d’ac­cep­ta­bi­li­té d’un emploi et en rele­vant les seuils d’âge qui ouvrent droit à un béné­fice plus long des indem­ni­tés (il fau­dra, par exemple, attendre 57 ans pour per­ce­voir les allo­ca­tions chô­mage pen­dant trente-deux mois).

Désor­mais, au cours des trois pre­miers mois d’i­nac­ti­vi­té, les chô­meurs devront accep­ter tout emploi qui leur per­met de per­ce­voir un salaire infé­rieur de 20 % à leur rému­né­ra­tion pré­cé­dente, sous peine de perdre leurs droits. Après six mois de chô­mage, tout emploi sera répu­té accep­table si sa rému­né­ra­tion est supé­rieure aux allo­ca­tions. Selon cer­tains, ces mesures qui péna­lisent rapi­de­ment les per­sonnes à la recherche d’un emploi remettent en cause le prin­cipe même de l’as­su­rance chômage.

Esti­mant qu’il vaut mieux sub­ven­tion­ner l’embauche que le chô­mage, la réforme a aus­si ins­ti­tué de nou­veaux ins­tru­ments de la poli­tique active de l’emploi allant en ce sens. En contre­par­tie, ceux qui « favo­ri­saient l’ins­tal­la­tion » sur le second mar­ché du tra­vail ont été réduits.

À force de réduire les pres­ta­tions et d’aug­men­ter les coti­sa­tions, le sys­tème contri­bu­tif de pro­tec­tion sociale se heurte de plus en plus sou­vent à la ques­tion de sa légi­ti­mi­té et donc de son accep­ta­tion dans la popu­la­tion. Quatre familles nom­breuses ont dépo­sé une plainte à la Cour fédé­rale consti­tu­tion­nelle de Karls­ruhe pour être exemp­tées du ver­se­ment des coti­sa­tions vieillesse. Elles estiment en effet qu’elles contri­buent actuel­le­ment à l’as­su­rance vieillesse par leurs coti­sa­tions et par l’é­du­ca­tion des enfants davan­tage qu’elles ne per­ce­vront plus tard sous forme de retraite. La Cour n’a pas encore statué.

En plus des pres­ta­tions des assu­rances sociales, l’Al­le­magne dis­pose de pres­ta­tions d’as­sis­tance sociale, finan­cées par les impôts et ver­sées sous condi­tions de res­sources dont la prin­ci­pale est le mini­mum d’exis­tence (Hilfe zum Leben­sun­te­rhalt). Le chef d’un ménage dému­ni per­çoit une pres­ta­tion de 530 DM par mois en moyenne, les adultes (+ de 19 ans) du même ménage de 424 DM cha­cun et les enfants de 265 à 477 DM selon leur âge. Le bureau d’aide sociale qui verse cette pres­ta­tion, finan­cée par les com­munes, prend aus­si en charge le loyer, le chauf­fage, l’élec­tri­ci­té et des frais excep­tion­nels, comme le bap­tême, l’an­ni­ver­saire d’un enfant ou l’a­chat d’un nou­veau manteau.

Ain­si, de fait, une famille de deux enfants peut dis­po­ser d’un reve­nu d’as­sis­tance d’en­vi­ron 2 900 DM par mois, ce qui est proche du niveau de reve­nus des familles de sala­riés peu qua­li­fiés. Le débat sur la réforme de l’aide sociale est donc entiè­re­ment axé sur l’é­cart néces­saire entre les pres­ta­tions d’as­sis­tance et les bas reve­nus du tra­vail pour main­te­nir l’in­ci­ta­tion au tra­vail. Le nombre des chô­meurs peu qua­li­fiés qui ont recours au mini­mum d’exis­tence augmente.

Les employeurs pro­posent donc d’ins­ti­tuer de « vrais bas salaires » (« le tra­vail peu qua­li­fié serait de nou­veau ren­table ») qui seraient com­plé­tés par une pres­ta­tion d’as­sis­tance. Cette pro­po­si­tion éveille l’in­té­rêt de per­son­na­li­tés d’o­pi­nions diverses, du pré­sident de la confé­dé­ra­tion des syn­di­cats alle­mands (DGB) à celui des com­mis­sions sociales de la CDU. Néan­moins, le gou­ver­ne­ment attire l’at­ten­tion sur les effets per­vers d’une telle mesure qui pour­raient, entre autres, faire bais­ser les salaires et ain­si aug­men­ter le nombre des pré­ten­dants aux pres­ta­tions d’assistance…

Poster un commentaire