L’évolution des frontières entre cabinets de Conseil : convergence ou différenciation ?
Les cabinets de Conseil, un monde encore mal connu
« Les cabinets de Conseil, géo-maîtres du monde ! » Tel était le titre, il y a quelques mois, d’un supplément du Monde consacré aux métiers du Conseil de direction générale. Sans aller aussi loin, il est vrai que ces activités exercent encore aujourd’hui un étonnant mélange de fascination et de méfiance, souvent lié à la vision très floue qu’en ont les observateurs.
Une enquête récente, réalisée par le Boston Consulting Group auprès de 1 200 étudiants des principales grandes écoles en France fait ressortir une connaissance particulièrement faible des activités de Conseil sur le campus de l’X.
Moins de 5 % des X envisagent d’ailleurs le Conseil dans leurs perspectives professionnelles à court ou moyen terme, contre 15 à 20 % pour les autres grandes écoles d’ingénieurs et 20 à 30 % pour les principales grandes écoles de commerce.
Pour tenter de dissiper le flou qui entoure les activités de Conseil, il nous a paru utile de préciser les différents métiers concernés ainsi que l’évolution de leurs frontières.
On peut schématiquement distinguer trois grands types d’acteurs :
- les cabinets de Conseil de direction générale,
- les cabinets de Conseil en systèmes d’informations et en organisation,
- les spécialistes fonctionnels.
Les cabinets de Conseil de direction générale
Le périmètre d’activité des cabinets de Conseil de direction générale se confond avec l’agenda des dirigeants des grands groupes internationaux.
Ces dirigeants, ou leurs principaux collaborateurs, s’appuient sur de tels cabinets lorsqu’ils sont confrontés à des problèmes très divers :
- stratégie : de nouveaux concurrents, une opportunité d’acquisition, un ralentissement de la croissance, l’émergence de nouvelles technologies, etc.,
- organisation et amélioration des performances : une fusion à réaliser, des usines à rationaliser, une logistique à adapter à l’évolution de la distribution, une amélioration nécessaire de la compétitivité, etc.
L’assistance apportée par ce type de cabinet à leurs clients couvre aussi bien l’élaboration des solutions que leur mise en œuvre. Le segment correspondant, longtemps sous-développé en France par rapport aux pays anglo-saxons et à l’Allemagne, connaît une forte croissance, de l’ordre de 15 % par an ces dernières années.
Notre groupe en est aujourd’hui le leader en France, grâce à un positionnement unique, reposant sur trois piliers :
- tout d’abord, l’ambition et les compétences pour aider ses clients à développer sur leurs marchés des approches radicalement innovantes, créatrices d’avantages concurrentiels durables,
- ensuite, la traduction des solutions identifiées en résultats concrets, mesurables, et source de création de valeur importante,
- enfin, la confiance exceptionnelle entretenue avec ses clients, qui repose sur une collaboration étroite à tous les niveaux de l’entreprise et sur une éthique très stricte.
Une large majorité de l’activité à Paris est réalisée auprès de clients ayant travaillé avec notre groupe depuis au moins cinq ans, sur des sujets très différents. Un nombre important de ces clients figurent au classement des sociétés ayant créé le plus de valeur pour leurs actionnaires (et le plus d’emplois !).
Les cabinets de Conseil en systèmes d’information et en organisation
Parmi les cabinets de Conseil en systèmes d’information et en organisation, on trouve deux grands types d’entreprises :
- les « Big Five », issus de l’audit (Andersen, KPMG, Price/Coopers, Deloitte, Ernst & Young),
– les départements ou filiales conseils de groupes informatiques, qu’ils soient constructeurs ou SSII.
Une part importante de leur activité est centrée sur le choix et la mise en œuvre de systèmes d’information, et notamment des progiciels de gestion (de type SAP ou Oracle). Pour faciliter le développement de cette activité et pour la compléter, la plupart de ces entreprises ont également développé des prestations touchant à l’organisation des processus (reengineering, organisation de la chaîne d’approvisionnement, etc.).
Ce segment du conseil bénéficie également d’une forte croissance, sous l’effet de la diffusion grandissante des progiciels correspondants, mais aussi de l’appel d’air provoqué par l’euro et le passage à l’an 2000.
Les spécialistes fonctionnels
Enfin, les spécialistes fonctionnels aident tel ou tel département dans l’entreprise à optimiser sa performance. Ils peuvent par exemple intervenir auprès de directions logistiques (optimiser la gestion d’une flotte de camions…), ou de directions industrielles (améliorer l’efficacité de la maintenance d’un site, etc.). Il s’agit généralement de cabinets de taille plus réduite, mais pouvant avoir bâti une solide réputation dans leur domaine.
L’évolution des frontières entre cabinets de Conseil : convergence ou différenciation ?
La question de l’évolution des frontières entre segments, notamment entre Conseil de direction générale et Conseil en systèmes d’information et en organisation, est souvent évoquée, sous l’effet de deux facteurs.
D’une part, l’ampleur et le caractère stratégique des investissements en systèmes d’information, notamment dans les métiers de service. Ceux-ci conduisent les directions générales à s’impliquer directement dans les grands choix liés aux systèmes d’information (allocation de ressources, architecture, paris technologiques…), et dans la conduite de projets majeurs ayant une incidence directe sur la performance de l’entreprise.
Ayant rejoint l’agenda des dirigeants, ces questions se retrouvent naturellement dans le périmètre d’intervention des Conseils de direction générale.
D’autre part, le développement de prestations « amont » est très tentant pour les sociétés de Conseil en systèmes d’information et en organisation. D’abord pour des questions d’image, auprès des clients et des recrues potentielles. Mais aussi et surtout pour des raisons économiques, si ces prestations amont – même modestes – leur permettent de générer en aval des programmes importants de mise en œuvre de progiciels et de reengineering.
À ces tentations de convergence s’opposent des obstacles majeurs, souvent ignorés ou sous-estimés.
Le premier est organisationnel et culturel.
Entre ces deux types d’acteurs (Conseil de direction générale et Conseil en systèmes d’information et organisation), le fossé est important sur le plan des hommes comme sur celui du mode de management. Les équipes dans les cabinets de Conseil de direction générale sont de taille plus réduite, la structure moins pyramidale, et le modèle économique radicalement différent.
Le second obstacle, encore plus fondamental, tient à l’intérêt des clients. Devant l’accélération de l’innovation technologique et l’ampleur des investissements dans les systèmes d’information, les dirigeants sont parfois démunis, n’ayant pas nécessairement eux-mêmes toutes les compétences pour effectuer les arbitrages essentiels. Dans cette situation, s’appuyer sur un interlocuteur unique, en charge de valider les choix puis de mettre en œuvre les systèmes d’information correspondants, pose des problèmes évidents de conflit d’intérêt.
Félix Rohatyn, ambassadeur des États-Unis en France, évoquait des risques similaires lorsqu’il était en charge de fusions-acquisitions dans une grande banque d’affaires : Fees are often ten times higher when you close a deal than when you don’t, so, you’d have to be a saint not to be affected by the numbers involved.
De même, seuls des consultants complètement indépendants mais disposant de l’expertise requise peuvent apporter l’objectivité nécessaire. Et démontrer ainsi au management, si c’est le cas, que les systèmes retenus ne supportent que faiblement la stratégie de l’entreprise, que le développement de solutions spécifiques ou la mise en place de lourds progiciels sont inutiles, ou que les dépenses informatiques peuvent être réduites de 15 % tout en créant davantage de valeur pour l’entreprise.
Ainsi, le monde du Conseil recouvre-t-il des métiers très différents, ayant chacun sa propre dynamique et son attrait. On assiste à une redéfinition des frontières entre cabinets de Conseil de direction générale et cabinets de Conseil en systèmes d’information et en organisation. Plutôt qu’à une confusion des rôles préjudiciables aux clients, il faut s’attendre à une plus grande complémentarité et à une collaboration accrue entre acteurs des différents segments. Après tout, dans un univers aussi pragmatique que le bâtiment, la règle de séparation entre assistance à maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre n’est-elle pas essentielle ?