La planète Mars

L’exploration spatiale des systèmes solaires et extrasolaires

Dossier : Reconquête spatialeMagazine N°736 Juin 2018
Par Aymeric SPIGA (00)
Par Jérémie LASUE (99)
Par Pascal TREMBLIN (04)

La ques­tion fon­da­men­tale est de décou­vrir com­ment la vie a pu appa­raître sur la Terre. Des pro­grès consi­dé­rables ces der­nières années ont per­mis de mieux connaître les pla­nètes du sys­tème solaire, les comètes et de décou­vrir des mil­liers d’exo­pla­nètes. Cela ne donne pas encore la réponse, aus­si les pro­jets de mis­sions futures se multiplient-ils. 

Un nou­veau champ de l’astrophysique et de la pla­né­to­lo­gie s’est ouvert avec la décou­verte en 1995 de la pre­mière exo­pla­nète, 51 Peg b. 

Les astro­phy­si­ciens étaient alors à la recherche d’exoplanètes de la taille de Jupi­ter, suf­fi­sam­ment mas­sives pour engen­drer un mou­ve­ment de leur étoile autour du centre de masse du système. 

La sur­prise fut totale lorsque fut décou­verte une pla­nète géante à une dis­tance envi­ron 10 fois plus proche de son étoile que ne l’est Mer­cure du Soleil ! 51 Peg b est donc un « Jupi­ter chaud » for­te­ment irra­dié par son étoile avec des tem­pé­ra­tures maxi­males avoi­si­nant les 2 500 degrés. 

Plus de 4 000 exoplanètes découvertes


Mars est un ter­rain d’exploration pri­vi­lé­gié pour l’exobiologie. © Julien

La popu­la­tion des 4 000 exo­pla­nètes décou­vertes depuis lors ne cesse de nous sur­prendre par leur diversité. 

L’une des ques­tions qui se pose de manière récur­rente est l’habitabilité de ces envi­ron­ne­ments pla­né­taires, défi­nie par des condi­tions phy­siques stables per­met­tant la pré­sence d’eau liquide, de sources d’énergie et d’éléments chi­miques néces­saires à la vie. 

D’autre part, les bio­lo­gistes ont démon­tré l’existence d’extrêmophiles : des formes de vie adap­tées à des condi­tions inhos­pi­ta­lières pour le vivant. Ce contexte explique le fort inté­rêt pour l’exobiologie, la recherche de traces de vie hors de notre planète. 

Des témoins de l’histoire du cosmos

Les mondes loin­tains exo­pla­né­taires font écho à des ques­tions fon­da­men­tales qui se posent sur notre sys­tème solaire et aux­quelles les mis­sions d’exploration spa­tiale pré­sentes, pas­sées, futures tentent de répondre. Les affleu­re­ments rocheux de Mars, le cli­mat infer­nal de Vénus, la pous­sière orga­nique de Titan, les puis­sants cou­rants des géantes gazeuses nous racontent tous la varié­té et l’histoire des pla­nètes de notre sys­tème solaire. 

Ils témoignent éga­le­ment des dif­fé­rences et simi­li­tudes entre les inté­rieurs, les sur­faces, les atmo­sphères des corps com­po­sant le sys­tème solaire, dont notre Terre. 

Des comètes mieux connues

Les comètes sont des objets pri­mi­tifs for­més du maté­riau pri­mor­dial du sys­tème solaire dont la subli­ma­tion à proxi­mi­té du Soleil crée les queues comé­taires qui les caractérisent. 

“Pour la première fois des molécules de carbone d’origine martienne ont été détectées”

La mis­sion Roset­ta de l’Agence spa­tiale euro­péenne (ESA) a sui­vi la tra­jec­toire de la comète 67P/ Chu­ryu­mov-Gera­si­men­ko pour étu­dier son acti­vi­té lors de son pas­sage près du Soleil. 

À bord de la sonde Roset­ta, le robot Phi­lae a été le pre­mier atter­ris­seur comé­taire. Les ins­tru­ments scien­ti­fiques embar­qués ont car­to­gra­phié la comète avec une réso­lu­tion de 2 cm, et mesu­ré ses pro­prié­tés. Les struc­tures obser­vées en sur­face et en pro­fon­deur contraignent la for­ma­tion des pla­nètes et remettent en ques­tion cer­tains aspects des modèles dyna­miques actuels. 

Roset­ta a aus­si démon­tré la pré­sence de molé­cules riches en car­bone, ain­si que la gly­cine (un acide ami­né), dont l’apport par impact sur la Terre pri­mi­tive a pu favo­ri­ser l’émergence de la vie. 

Des traces anciennes de vie sur Mars

Plus proche de nous, Mars est un ter­rain d’exploration pri­vi­lé­gié pour l’exobiologie. Mars Science Labo­ra­to­ry, éga­le­ment appe­lé Curio­si­ty, est un rover de la Nasa (avec une forte contri­bu­tion fran­çaise) qui s’est posé dans le cra­tère Gale. Là se trouve une mon­tagne sédi­men­taire de cinq kilo­mètres d’altitude dont les strates ont gar­dé les traces du cli­mat passé. 

Curio­si­ty a trou­vé la pré­sence d’argiles for­mées dans des condi­tions réduc­trices, sous envi­ron­ne­ment aqueux peu salin, et tous les élé­ments néces­saires à la vie. Pour la pre­mière fois, des molé­cules de car­bone d’origine mar­tienne ont été détec­tées, démon­trant l’habitabilité pas­sée de Mars. 

Lorsque la Terre et Mars se sont for­més, tous deux étaient habi­tables. L’environnement ter­restre a effa­cé les traces de cette époque, mais la sur­face de Mars, plus ancienne, a pu pré­ser­ver des indices d’une pos­sible émer­gence de vie. 

Anneaux de saturne (Sonde Cassini)
Image de la sonde Cas­si­ni des anneaux de Saturne et du cou­rant atmo­sphé­rique de forme hexa­go­nale en son pôle nord.

Régions polaires de Jupiter (Sonde Juno)
Image de la sonde Juno des régions polaires de Jupi­ter mon­trant sa tur­bu­lence et ses tour­billons caractéristiques.

Mars Express et Venus Express, deux missions de l’ESA

Mars est éga­le­ment pas­sé au peigne fin par des mis­sions orbi­tales, comme la mis­sion Mars Express de l’ESA qui carac­té­rise à la fois la miné­ra­lo­gie de sur­face et les cycles du dioxyde de car­bone, de l’eau et des pous­sières dans l’atmosphère de la pla­nète rouge. 

“Des découvertes qui nous permettront de mieux appréhender nos origines”

Mars Express est une mis­sion sin­gu­lière, née en un temps record et un coût modique des cendres de la mis­sion sovié­tique Mars 96. Sur le même modèle, l’ESA a éga­le­ment lan­cé Venus Express avec un suc­cès scien­ti­fique aus­si reten­tis­sant, com­plé­té récem­ment par la mis­sion japo­naise Akatsuki. 

L’exploration de nos voi­sines nous apprend beau­coup sur notre Terre et son cli­mat. Mars res­semble à une Terre qui, plus petite et un peu plus éloi­gnée du Soleil, aurait per­du son atmo­sphère. Vénus res­semble à une Terre qui, plus proche du Soleil, aurait vu ses océans s’évaporer pour deve­nir une four­naise sou­mise à un effet de serre diabolique. 

Comprendre les atmosphères extraterrestres

Tra­ver­sées d’orages gigan­tesques, de vents puis­sants, de tour­billons spec­ta­cu­laires, Jupi­ter et Saturne sont des cibles de choix pour explo­rer la diver­si­té des atmo­sphères extra­ter­restres, d’autant que, suf­fi­sam­ment mas­sifs pour avoir gar­dé leur atmo­sphère pri­mor­diale, ils nous ren­seignent sur les ori­gines du sys­tème solaire. 

Autour de ces pla­nètes gra­vitent, de plus, des satel­lites aux pro­prié­tés fas­ci­nantes, labo­ra­toires des pro­ces­sus ayant façon­né la Terre. La mis­sion Cas­si­ni de la Nasa et l’atterrisseur Huy­gens de l’ESA visant Titan ont donc été lan­cés dans les années 90. Entre 2004 et 2017, Cas­si­ni a enchaî­né les orbites autour de Saturne pour étu­dier ses anneaux, ses tem­pêtes atmo­sphé­riques, son sur­pre­nant cou­rant polaire hexa­go­nal, tout en décou­vrant les gey­sers d’Encelade et les sai­sons tour­men­tées de Titan. 

La mis­sion Nasa Juno est par ailleurs entrée en orbite de Jupi­ter en 2016, décou­vrant peu à peu, depuis son inté­rieur, son champ magné­tique et ses éton­nants tour­billons polaires. 

Image de la comète 67P/ Churyumov-Gerasimenko par la sonde Rosetta
Image de la comète 67P/ Chu­ryu­mov-Gera­si­men­ko par la sonde Roset­ta, com­bi­née à une image de la sonde et de l’atterrisseur Phi­lae.

Image panoramique prise par le robot Curiosity de la planète Mars.
Image pano­ra­mique prise par le robot Curio­si­ty dans le cra­tère Gale sur la pla­nète Mars.

Un télescope spatial à la poursuite des exoplanètes

La planète Vénus
Vénus res­semble à une Terre qui, plus proche du Soleil, aurait vu ses océans s’évaporer pour deve­nir une four­naise sou­mise à un effet de serre dia­bo­lique. © Janez Volmajer

Qu’en est-il des mondes exo­pla­né­taires ? Kepler est un téles­cope spa­tial de la Nasa obser­vant toutes les étoiles d’un champ fixe du ciel de 115 degrés car­rés, à la recherche d’éclipses pério­diques de leurs courbes de lumière indi­quant la pré­sence poten­tielle d’une exoplanète. 

La mis­sion Kepler a pu ain­si confir­mer la très grande diver­si­té des archi­tec­tures des sys­tèmes exo­pla­né­taires, en termes de tailles, orbites et nombre de pla­nètes par étoile. Notre sys­tème solaire a ain­si per­du son sta­tut de réfé­rence biai­sant l’imaginaire des astro­phy­si­ciens pour com­men­cer à faire figure aujourd’hui d’exception.

Le nombre de sys­tèmes obser­vés à ce jour, com­por­tant une, deux ou trois pla­nètes d’environ la taille de Nep­tune plus proche que Mer­cure de leur étoile, rend le sys­tème solaire sta­tis­ti­que­ment aty­pique et pour­rait poin­ter le rôle déter­mi­nant de la migra­tion de Jupi­ter sur l’architecture du sys­tème solaire interne. 

Un futur prometteur 

Les pro­jets de mis­sions futures sont nom­breux. Les retours d’échantillons per­met­tront de faire des mesures actuel­le­ment impos­sibles par les mis­sions spatiales. 

Hayabusa‑2 (avec un atter­ris­seur euro­péen) et Osi­ris-Rex col­lec­te­ront des échan­tillons d’astéroïdes, le rover Nasa Mars 2020 sélec­tion­ne­ra des échan­tillons mar­tiens pour un retour futur, et la Chine ramè­ne­ra les pre­miers échan­tillons lunaires depuis qua­rante ans. 

D’autres envi­ron­ne­ments habi­tables se trouvent en pro­fon­deur des satel­lites gla­cés Europe et Ence­lade des pla­nètes géantes Jupi­ter et Saturne. Europe sera explo­rée plus en détail par la Nasa avec Euro­pa Clip­per et par l’ESA avec la mis­sion JUICE d’ici 2030. 

DES MISSIONS VERS JUPITER, MARS, URANUS ET NEPTUNE

L’exploration des atmosphères planétaires doit se poursuivre également, et la mission JUICE de l’ESA explorera l’atmosphère de Jupiter en même temps que ses satellites glacés.
En plus de Mars 2020, et de la mission géophysique InSight qui doit atterrir à la fin 2018, de nombreuses missions orbitales et in situ sont prévues vers l’environnement martien, avec des projets américains, européens (en coopération avec la Russie), indiens, japonais, chinois, émiratis – préfigurant peut-être une exploration humaine avant la fin du XXIe siècle.
Enfin, Uranus et Neptune sont fort mal connus, n’ayant eu aucune mission spatiale dédiée depuis le survol par Voyager 2 à la fin des années 80. Les progrès technologiques des lanceurs et instruments pourraient permettre de mieux connaître ces environnements, analogues proches des environnements exoplanétaires.

La dyna­mique d’exploration exo­bio­lo­gique conti­nue­ra donc au cours de la pro­chaine décen­nie avec des décou­vertes qui nous per­met­tront de mieux appré­hen­der nos origines. 

Une nouvelle moisson d’exoplanètes

Une nou­velle ère pour la carac­té­ri­sa­tion des exo­pla­nètes s’annonce avec le lan­ce­ment en 2020 du téles­cope spa­tial James Webb Space Teles­cope (JWST) de la Nasa, l’ESA et l’Agence spa­tiale canadienne. 

Grâce à un miroir trois fois plus grand qu’Hubble et des ins­tru­ments cou­vrant toute la gamme spec­trale infra­rouge, le JWST va obte­nir des spectres d’émission et de trans­mis­sion d’exoplanètes d’une qua­li­té sans pré­cé­dent pour les Jupi­ters et Nep­tunes chauds et leur atmo­sphère pri­maire res­sem­blant à nos géantes gazeuses, mais aus­si les super-Terres (2 à 5 fois plus mas­sives que notre Terre), dotées d’atmosphères secon­daires riches en eau, dioxyde de car­bone, azote et soufre. 

De telles décou­vertes ser­vi­ront ain­si à remettre nos pla­nètes dans un contexte plus large per­met­tant une réflexion sur le sta­tut si par­ti­cu­lier de notre sys­tème solaire. 

Salle blanche de préparation de satellites
L’i­ma­geur MIRIM dans la salle blanche du Ser­vice d’As­tro­phy­sique-Labo­ra­toire AIM du CEA-Irfu lors des test d’a­li­gne­ments optiques © CEA-SAp
 

 
Le James Webb Space Teles­cope au NASA’s God­dard Space Flight Cen­ter, Green­belt, Mary­land le 28 Octobre 2016
© NASA–C. Gunn.

Préparation du télescope James Webb Space au NASA's Goddard Space Flight Center, Greenbelt, Maryland

Poster un commentaire