L’histoire d’un très bon projet : celui de Véronique Rouchon (86) et de Lionel Quillet
Véronique Rouchon entre à l’X en 1986 avec une passion : l’étude scientifique des oeuvres d’art anciennes en vue de leur restauration et de leur conservation. Au cours de son service militaire, elle rencontre Lionel Quillet, un collectionneur de documents anciens, passionné également par tous les aspects liés à leur restauration et à leur conservation. Ils se marient en 1990.
À sa sortie de l’École, Véronique consacre quatre ans à approfondir sa formation en sciences des matériaux (DEA et Doctorat à l’Université de Paris VI – Paris VII) et à étudier l’Histoire de l’Art (Licence d’Histoire de l’Art à l’Université de Paris I).
Pendant ce temps, Lionel Quillet crée un atelier de restauration de documents anciens, d’abord en région parisienne, puis sur l’Ile de Ré, où il a des attaches familiales. Les connaissances scientifiques de Véronique l’aident à améliorer ses techniques et à nouer des relations professionnelles avec des spécialistes de la Bibliothèque nationale et des Archives nationales. L’atelier Quillet répond avec succès au cahier des charges de ces grandes institutions, et un marché élargi s’ouvre devant lui.
La SARL Quillet compte aujourd’hui 10 salariés, avec une perspective de développement jusqu’à 20–25 salariés. Elle est spécialisée dans la restauration de documents à plat : affiches, plans calques, manuscrits, parchemins, registres. Elle fait partie des quelques ateliers privés qui travaillent en partenariat avec les institutions publiques, nationales et régionales, qui lui assurent 90 % de son chiffre d’affaires.
Au sein de l’entreprise, Véronique assure un rôle de consultante dans le domaines des innovations techniques, et de formatrice du personnel. Mais sa mission principale se trouve à l’Université de La Rochelle. Elle y prépare, pour 1997, un projet global de recherche sur la sauvegarde du Patrimoine écrit, aux trois stades de la restauration des documents, de leur conservation et de leur stockage ; ce qui réclame des compétences multiples : physico-chimie, biochimie, informatique, et génie civil des bâtiments. Ainsi un pôle de compétence pluridisciplinaire unique en France est en voie de constitution à La Rochelle. Ce pôle permettra de développer une recherche universitaire directement liée aux problématiques de terrain rencontrées par les conservateurs et les restaurateurs de documents anciens.
Outre le récit de son aventure, que nous avons été obligés de résumer, Véronique a bien voulu répondre à quelques questions de l’AIMVER.
- Pensiez-vous, à la sortie de l’X, en choisissant la voie de la Recherche dans un domaine qui vous passionnait, que vous alliez participer au lancement d’une PME ?
J’étais bien décidée, à ma sortie de l’X, à travailler dans un domaine lié à l’étude scientifique des oeuvres d’Art. Les stages que j’avais effectués au Laboratoire des Musées de France m’avaient entièrement confortée dans cette optique. J’étais cependant bien loin d’imaginer que je serais un jour l’associée d’une entreprise de restauration de documents anciens.
En réalité, mon parcours et celui de Lionel ont été jalonnés d’opportunités que nous avons su saisir, en restant toutefois fidèles à notre option pour la province et si possible l’Ile de Ré, pour des raisons familiales.
Trois circonstances favorables nous ont aidés : la création de l’Université de La Rochelle en 1993 m’a permis de postuler pour un poste de maître de conférences ; le marché de la restauration de documents anciens a subi une forte croissance au cours de ces dernières années ; enfin, la construction du Pont de l’Ile de Ré a rendu possible l’installation d’une entreprise à l’année sur l’île. Le reste est affaire de capacité d’adaptation, de volonté et de ténacité.
Dans ce lancement d’entreprise, le problème du financement a‑t-il été une grosse préoccupation ?
Toute entreprise qui suit une forte croissance a besoin de trésorerie. Bien évidemment, les banques sont nos partenaires privilégiés. Nous avons pu également bénéficier des aides sur les créations d’emploi et sur les investissements, dispensées par le Département et la Région, aux petites entreprises en forte croissance. Ces aides nous ont permis d’avoir en 1996 une trésorerie très saine. Notre carnet de commandes pour 1997 nous laisse encore envisager une forte croissance, avec la création probable de 5 emplois nouveaux. Le financement de cette croissance est donc effectivement une de nos préoccupations actuelles, mais des solutions existent.
Une bonne moitié de vos clients sont implantés en région parisienne, ainsi que de nombreux professionnels de votre métier. N’est-ce pas un gros handicap d’être implanté dans une région excentrée ?
Franchement non. Les plus gros concurrents de l’Atelier Quillet ne sont d’ailleurs pas implantés à Paris, ni en région parisienne, mais dans différentes provinces de France. L’Atelier effectue la prise en charge et la livraison de ses commandes sur Paris tous les quinze jours en moyenne. Ce rythme n’est pas trop astreignant pour notre organisation et convient jusqu’à présent à notre clientèle. De plus, l’Atelier travaille avec de nombreux partenaires implantés en province (archives départementales, archives municipales, bibliothèques, musées…).
Votre projet familial se déroule-t-il aussi bien que votre projet professionnel ?
Lorsque nous avons fait le choix de quitter Paris, nous avons misé sur la qualité de vie que pouvait offrir un site comme celui de l’Ile de Ré. Il est plus facile, lorsqu’on vit en province, d’allier vie professionnelle et vie familiale. De plus, mon poste d’enseignant- chercheur à l’Université de La Rochelle me laisse une grande liberté pour organiser mon travail à ma guise, et c’est avec sérénité que j’attends la venue de mon premier enfant pour le mois de février.