L’humanité face au changement climatique
Voici la bible du réchauffement climatique et de l’emprunte économique et technologique de l’humanité sur le globe. Et il sera difficile de trouver ailleurs autant d’informations scientifiques sur ces deux thèmes et sur l’interaction entre les changements climatiques et le vivant tout au long de l’histoire de la Terre.
On apprend dans l’ouvrage principal et les nombreux appendices, notes et glossaire qui l’enchâssent, que la température de notre planète, après avoir fortement et brutalement varié dans les temps géologiques, s’est stabilisée depuis une dizaine de milliers d’années. Elle s’accroît depuis 1800 en parfaite corrélation avec le taux de gaz carbonique dans l’atmosphère.
La croissance de CO2 précède celle de la température, la vapeur d’eau joue un rôle plus important que les autres gaz à effet de serre dans l’opacification de la Terre mais sa formation accompagne celle du gaz carbonique, les taches solaires ne sont pour rien dans le réchauffement déjà constaté depuis plusieurs décennies.
Scénarios possibles
Après avoir résumé et discuté l’éventail des scénarios possibles, dont celui médian qui chiffre l’augmentation de température en 2030 à environ 2 à 3 °C, les auteurs passent en revue le système énergétique et ses acteurs, la politique des grandes régions du monde face à cette menace. Ils vont d’une Europe ayant accepté les engagements de Kyoto jusqu’aux réserves des pays émergents qu’on peut plus facilement comprendre tant le besoin d’une croissance soutenue est vital pour eux. Sont aussi évoqués le niveau des océans (22 à 80 cm d’élévation d’ici la fin du siècle), le cycle de l’eau douce (3,9 milliards de personnes vivant bientôt dans des régions de fort stress hydrique), les conflits pour le sol, les événements climatiques extrêmes.
Qu’attendre des technologies énergétiques ? Malgré la profusion des recherches scientifiques et technologiquesen cours, la modification des composantes du bilan énergétique mondial sera lente et progressive et il faut impérativement rechercherdes économies d’énergie.
Quatre périodes
Sur le calendrier de la transition, un chapitre décompose le siècle en quatre périodes successives : 2008−2010,2020−2030, 2030–2050, au-delà de 2050, le milieu du siècle pouvant déboucher aussi bien sur un problème à moitié résolu que sur le choc d’un retard nécessitant quelques décennies supplémentaires d’effort.
Compte tenu des vitesses d’adaptation des sociétés humaines, et surtout de mise en oeuvre du progrès technologique, les auteurs ne nous cachent pas que c’est plutôt lors de la première moitié du XXIIe siècle que l’humanité devrait arriver à inverser l’évolution des températures. D’ici là, l’adaptation des comportements et les déplacements géographiques rythmeront la vie de nos enfants et petits-enfants qui pourront avoir à faire face à des crises géopolitiques et sociales de grande ampleur.
Quant à la France qui ne compte que pour 1% de la population mondiale, mais qui se veut éclaireur de pointe d’un monde déboussolé, son premier souci doit être de conforter ses atouts dans le domaine nucléaire en réglant les problèmes restants (déchets, accent sur la surrégénération,réduction de la menace de prolifération), de se préoccuper des problèmes de l’eau douce, de faire du voltaïque et des matériaux un projet national. Ainsi pourrait-elle défricher utilement le champ de la grande transition du XXIe siècle.
Malgré ce chapitre final sur le rôlepositif dévolu à un Hexagone qui doit ensemencer l’Union européenne, l’ouvrage ne pèche pas par excès d’optimisme.
Avancer résolument
Encore un livre de prophètes de malheur recherchant un public avide de se faire peur dira-t-on. Rien n’est plus éloigné de la vérité, tant les auteurs sont des scientifiques de haute volée.
Robert Dautray, membre de l’Académie des sciences a été Haut-Commissaire à l’énergie atomique et c’est grâce à ses connaissances en matière dedatation radioactive et de proportions isotopiques qu’il a pu vérifier et mesurer les évolutions de la température depuis le Cambrien et se livrer à uncertain nombre de calculs sur le transfert radiatif lié au rayonnement du Soleil1 nous parvenant.
Jacques Lesourne, ancien président de l’Association française de science économique, ancien directeur du journal Le Monde et auteur de plusieurs ouvrages économiques, fait autorité dans l’économie et la prospective et on ne peut le soupçonner davantage de s’aventurer dans l’à peu-près et le spectaculaire.
Alors que faire ? Avancer résolument sur le chemin d’un Copenhague marquant cette fois une tangible solidarité planétaire sur la transformation de notre système énergétique sous tous ses aspects (il y a du travail pour les polytechniciens !) et espérer que dans l’espace de liberté des prévisions les mieux argumentées, le pire ne sera pas au rendez-vous.
1. Il faut lire en particulier, dans l’une des annexes, l’extraordinaire récit des avatars d’un photon d’origine solaire dans la troposphère