L’hydroélectricité en France : une énergie qui a de l’avenir !
Dans un contexte où le mix énergétique de la France et de l’Europe évolue pour faire face aux enjeux de neutralité carbone, de décarbonation et aux aléas géopolitiques, l’énergie hydraulique et l’hydroélectricité ont un très fort potentiel. Emmanuelle Verger, directrice d’EDF Hydro, nous en dit plus.
EDF Hydro est un acteur incontournable de l’hydraulique à échelle nationale et européenne. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Avec 20 000 MW de puissance installée en France, EDF est le leader de l’énergie hydraulique au sein de l’Union européenne. 5 000 femmes et hommes d’EDF Hydro exploitent plus de 600 barrages, pour produire la première des énergies renouvelables en France et dans le monde.
Présente au cœur des vallées depuis parfois plus de 100 ans, l’histoire d’EDF Hydro est intimement liée depuis des décennies au développement de nos territoires. EDF Hydro porte une énergie qui a beaucoup d’atouts : renouvelable, locale, elle est un des moyens de garantir la souveraineté énergétique de la France. L’énergie hydraulique facilite également l’intégration des nouvelles énergies renouvelables, jouant un rôle pivot dans l’équilibre du réseau électrique, notamment lors des pics de consommation.
Dans un contexte où la décarbonation de l’énergie et des usages s’accélère, l’hydraulique a un rôle clé à jouer. Quel est-il ? Et comment l’hydraulique contribue à la réussite de la transition énergétique ?
Dans un contexte de développement de l’éolien et du photovoltaïque, l’hydraulique a un rôle stratégique car, comme je viens de le préciser, il participe à assurer l’équilibre entre la production et la consommation d’électricité, grâce à sa capacité de stockage. L’hydraulique, c’est 12% de la production électrique annuelle en France, mais plus de 20 % lors des pics de consommation.
70 % de la capacité installée du parc hydraulique d’EDF permet de stocker l’électricité, sur une durée plus ou moins longue. Et donc de l’injecter sur le réseau au moment où on a besoin. C’est le cas notamment grâce aux retenues d’EDF, ou lacs, mais aussi grâce aux stations de transfert d’énergie par pompage, les STEP.
« 70 % de la capacité installée du parc hydraulique d’EDF permet de stocker l’électricité, sur une durée plus ou moins longue. »
Arrêtons-nous un moment sur les STEP. Concrètement, ce sont de grandes batteries, qui fonctionnent en circuit fermé avec deux retenues, une retenue supérieure et une retenue inférieure. Quand il y a une consommation très forte d’électricité, l’eau passe de la retenue supérieure vers la retenue inférieure pour être turbinée. Quand le besoin d’électricité est faible, l’eau est remontée, par pompage, de la retenue inférieure vers la retenue supérieure. EDF en exploite 6 réparties sur le territoire français, représentant 5 000 MW de capacités installées. C’est ainsi que l’on dit que l’hydroélectricité est une source d’énergie très réactive. Moins de 10 minutes suffisent pour démarrer les centrales hydrauliques et mobiliser jusqu’à 14 000 MW. L’énergie hydraulique contribue ainsi à près de 50 % des moyens de production utilisés pour l’ajustement final de l’offre et de la demande d’électricité.
Cet hiver est une bonne illustration : lors des périodes tendues sur l’équilibre offre-demande, EDF Hydro a été particulièrement présente. Je tiens d’ailleurs à saluer tout particulièrement la mobilisation des équipes durant toute l’année 2022 pour assurer un taux de disponibilité record de nos installations dans le passage de l’hiver.
Comment vous projetez-vous sur ce secteur ?
Il existe un potentiel de développement pour l’hydroélectricité en France : c’est une énergie qui a de l’avenir !
La Programmation Pluriannuelle de l’Énergie actuelle prévoit en effet 1000 MW supplémentaire d’ici 2028 et 1500 MW de STEP à l’horizon 2030–2035. Dans son rapport sur les Futurs énergétiques, RTE voit aussi un besoin supplémentaire de STEP de 3 000 MW, dans tous les scénarios, d’ici 2050.
Nous développons, améliorons significativement la performance de nos installations existantes, construire et mettre en service de nouveaux équipements hydroélectriques en France supposent que soit définitivement réglée la question d’une potentielle mise en concurrence des concessions hydroélectriques. Alors que l’hydraulique contribue plus que jamais à la souveraineté énergétique de la France, nous devons, aux côtés des services de l’État, trouver la solution nous permettant de sécuriser nos concessions pour pouvoir investir dans la durée.
Dans ce cadre, quels sont les projets qui vous mobilisent ? Quelles sont leurs spécificités ?
D’ici à 2035, EDF est en mesure d’augmenter la capacité installée de son parc hydraulique de 2000 MW. Ce qui reviendrait à mettre à disposition du système électrique l’équivalent d’environ deux nouveaux réacteurs nucléaires.
Ce potentiel de développement à horizon 2035 est composé par deux types de projets :
Des projets dont l’objectif est d’augmenter et d’optimiser la production des installations hydroélectriques existantes, ce qui représenterait 500 MW supplémentaires par rapport à la situation actuelle. Aujourd’hui, le cadre juridique nous permet de lancer des projets de petite puissance. En 2022, nous en avons déposés 7 auprès des services de l’État, pour une puissance totale d’environ 60 MW. Mais nous avons également des projets d’optimisation de plus grande ampleur, prêts à être déployés et pour lesquels nous attendons un déblocage administratif là aussi lié au sujet des concessions.
Des projets de STEP, pour une puissance supplémentaire de 1500 MW. Pour n’en citer que quelques-uns : un projet à Saut-Mortier, dans le Jura, est très avancé. À Montézic, en Aveyron, le projet d’une nouvelle centrale de 430 MW, attenante à celle déjà existante, est prêt à démarrer. Outre-mer, nous travaillons également activement à un projet de STEP marine sur l’île de la Réunion.
À noter qu’EDF travaille également à des projets de réhausse de barrages, notamment dans les Pyrénées, dont l’objet sera d’abord de répondre aux besoins des collectivités aux autres usages de l’eau (eau potable, irrigation agricole, tourisme, etc.).
Quelles sont les compétences que vous recherchez pour renforcer vos équipes ?
Nous recrutons dans des domaines très variés : exploitants, mainteneurs, chargés d’affaires, soudeurs, ingénieurs spécialisés en topographie, génie civil, spécialistes en hydrologie, chefs de projet, etc.
Rejoindre EDF Hydro, c’est être au cœur des enjeux d’aujourd’hui et de demain : produire une énergie renouvelable et bas carbone, tout en conciliant préservation de l’environnement et gestion concertée de l’eau. C’est aussi s’offrir la possibilité d’un parcours riche avec des postes à responsabilités et à forte autonomie, dans des vallées aussi variées que magnifiques.
C’est enfin rejoindre une énergie qui n’a cessé d’évoluer, que ce soit pour gagner en performance ou pour mieux répondre aux nouveaux enjeux environnementaux et sociétaux. Nos ingénieries s’appuient sur un capital de données issues de 70 ans d’exploitation et exploitent sur toutes les possibilités offertes par le Big Data et les Data Analytics : analyse du signal, machine learning, ou encore Intelligence Artificielle. Nous nous associons par ailleurs avec des start-up, comme Sweetch Energy, pour déployer à grande échelle l’énergie osmotique, une énergie renouvelable permanente encore inexploitée, générée par la différence de salinité de l’eau douce des rivières et de l’eau salée de la mer, lorsqu’elles se rencontrent.
Au-delà, au cœur de votre métier, on retrouve également la dimension de gestion de l’eau, qui est assez méconnue. Quelques mots sur cette dimension ?
L’eau est un bien commun, rappelons-le. La sécheresse de 2022 a démontré le rôle stratégique d’EDF et des barrages dans la gestion concertée de cette ressource vitale. En effet, au-delà de la production d’électricité, les barrages facilitent l’alimentation en eau potable, le développement économique des territoires (irrigation, industrie, tourisme, loisirs, navigation, etc.) et la préservation de la biodiversité.
Prenons l’exemple du barrage de Serre-Ponçon, et le Canal EDF de la Durance. Il permet de :
- garantir l’eau potable pour 3 millions de personnes ;
- assurer l’irrigation de 120 000 hectares de terres agricoles. EDF tient à disposition de l’agriculture 120 millions de m3 d’eau sur la Durance et 250 millions de m3 d’eau sur le Verdon ;
- alimenter 440 entreprises en eau industrielle (CEA, Iter, Sanofi, etc.) ;
- lutter contre l’impact des crues (gestion des crues, opérations d’essartement et de décolmatage) ;
- développer l’offre touristique, autour des lacs. Le lac de Serre-Ponçon représente ainsi 40 % de la fréquentation estivale des Hautes Alpes.
« La sécheresse de 2022 a démontré le rôle stratégique d’EDF et des barrages dans la gestion concertée de cette ressource vitale. »
Et, bien sûr, de produire de l’électricité pour plus de deux millions de personnes, via les aménagements hydroélectriques d’EDF installés sur les cours d’eau du Verdon, de la Durance, du Buëch et de la Bléone.
C’est aussi en cela que les barrages hydroélectriques sont de formidables instruments de lutte contre le changement climatique et de facilitateur de la transition énergétique. Et leur rôle est amené à devenir de plus en plus important dans l’adaptation au changement climatique.
Face aux défis croissants de la ressource en eau, EDF Hydro sera au cœur de la gestion, aux côtés de l’ensemble des acteurs des territoires, qui se sentent de plus en plus concernés par le sujet. Nous devons trouver le bon équilibre dans les différents usages tout en continuant à développer la première des énergies renouvelables dont les atouts, vous l’aurez compris, sont indispensables pour préparer notre futur énergétique.