L’hydrolien fluvial, une composante méconnue du mix énergétique renouvelable français
À partir d’une expérience familiale, Arnaud Chalret du Rieu a remis à l’ordre du jour l’hydrolien fluvial, une technique utilisée en France au XVIIe siècle qui permet de produire une énergie renouvelable pilotable et continue. Dans un contexte marqué par la transition énergétique et le réchauffement climatique, cette technologie développée par sa start-up Hymago Energie a vocation à devenir une composante essentielle du mix énergétique national. Le point avec son cofondateur.
Comment est née l’idée de Hymago Energie ?
Ma famille a une propriété familiale en Aveyron qui est traversée par un cours d’eau. Mon père s’y est installé pour profiter de sa retraite. À la sortie de son premier hiver dans cette résidence de villégiature, durant lequel il a conservé un confort thermique équivalent à celui qu’il avait en ville, il a vu le montant de ses factures d’électricité augmenter drastiquement. C’est cette mésaventure qui m’a donné l’idée d’exploiter le cours d’eau avoisinant pour générer de l’hydroélectricité. Je me suis alors lancé des recherches pour explorer et identifier les différentes pistes et solutions hydrauliques fluviales. Dans le cadre de ces recherches préliminaires, les structures flottantes ont plus particulièrement retenu mon attention. À partir d’un vieux catamaran, j’ai commencé à travailler sur un premier prototype artisanal. En parallèle, j’avais soumis mon idée à un groupe d’amis qui a très vite adhéré au projet et ensemble nous avons créé Hymago Energie en juin 2019.
Hymago Energie développe donc une solution pour produire une énergie renouvelable disponible 24/24 grâce à l’écoulement gravitaire fluvial. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette solution et la technologie à laquelle elle est adossée ?
L’ambition de Hymago Energie est d’atteindre une autonomie énergétique en utilisant des ressources naturelles et tout en préservant l’environnement. Dans le cadre de mes recherches, j’ai évalué de nombreux projets et technologies pour affiner la proposition de valeur de Hymago Energie. Parmi ceux-ci, on retrouve notamment l’hydrolien marin qui consiste en quelque sorte à faire de l’« éolien immergé », une technique qui apportait peu, voire pas de résultats. En poursuivant mes recherches, j’ai découvert qu’auXVIIe siècle dans les grandes métropoles, des moulins flottants étaient installés sur les fleuves.
J’ai repris ce concept afin de l’adapter au contexte actuel et d’apporter une alternative innovante basée la production d’hydroélectricité pour faire face aux problématiques d’urgence climatique et de transition énergétique.
Notre technologie permet d’avoir une capacité de production au plus proche du consommateur final. D’ailleurs, 80 % des villages en France et dans le monde sont généralement implantés à proximité de cours d’eau. Au-delà, ces installations flottantes peuvent facilement être déployées en série et raccordées au réseau public. En cas de baisse d’écoulement à un endroit donné, il est donc possible de les déplacer contrairement à une centrale hydraulique conventionnelle.
Concrètement, il s’agit d’une roue à aubes qui tourne comme un moulin. Elle transforme une partie de l’énergie cinétique de l’eau en énergie mécanique, puis électrique, et les volumes d’eau reprennent tout naturellement leur écoulement gravitaire par la suite. L’installation est réalisée sur un faible tirant d’eau et les moulins sont simplement amarrés sur les berges des cours d’eau, rivières, fleuves ou canaux. L’installation peut être faite dans la journée et l’exploitation peut commencer immédiatement.
Nous proposons ainsi une technologie qui permet d’avoir une production d’énergie renouvelable aussi soutenue que le solaire et l’éolien, mais qui a l’avantage d’être maîtrisée contrairement à ces deux énergies renouvelables qui sont intermittentes. L’INPI nous a, par ailleurs, délivré l’autorisation d’un dépôt de brevet et d’exploitation.
En quoi votre démarche est-elle différenciante ?
Cette technologie du XVIIe siècle avait été délaissée au profit du charbon, du pétrole et de l’industrialisation des processus. Dans un contexte, où nous entendons parler de sobriété et de transition énergétique, la solution peut venir de notre Histoire et ne nécessite pas forcément des investissements colossaux dans de nouvelles technologies.
En remettant à jour cette solution héritée de notre passé, Hymago Energie est un des rares acteurs 100% Made-In-France du domaine de la production et de l’exploitation d’énergies renouvelables. Au-delà, dans un pays au très fort potentiel hydraulique, nous apportons une alternative complémentaire à la production hydraulique d’EDF. Actuellement, l’enjeu est donc de valoriser cette nouvelle filière de production d’énergie renouvelable.
Pour passer à l’échelle, quels sont les principaux freins auxquels vous êtes confrontés ?
Si elle s’inspire d’une technique passée, notre technologie reste largement méconnue. Nous avons donc un important travail de pédagogie à mener auprès de l’ensemble des parties prenantes pour la vulgariser et mettre en avant ses avantages sur le plan énergétique et environnemental.
Sur le volet technologique, nous avons développé notre premier démonstrateur afin de certifier auprès des organismes publics habilités notre capacité à produire de l’électricité.
Notre second enjeu est relatif au marché. Il s’agit, en effet, de trouver des acteurs gestionnaires ou des exploitants fluviaux pour utiliser notre technologie. Nous avons notamment signé des conventions avec la Compagnie d’Aménagement des Côteaux de Gascogne (CACG) en Occitanie, qui est le gestionnaire du canal de Neste, où suite à l’obtention des autorisations nécessaires, nous avons pu installer notre premier site pilote. Nous avons aussi signé une convention d’exploitation sur un canal intermédiaire entre deux barrages d’EDF. Nous explorons, en parallèle, diverses pistes dans d’autres régions.
Nous avons présenté le projet à différents gestionnaires de structures fluviales comme VNF et la Société du Canal de Provence qui nous ont notifié leur intérêt pour le projet et qui attendent les résultats de notre projet pilote.
Enfin, pour lever le verrou du raccordement de nos installations avec le réseau existant, nous avons obtenu l’autorisation de raccordement par ENEDIS. Les travaux de raccordement au réseau public vont débuter cet été afin que nous puissions produire de l’énergie hydraulique, la réinjecter dans le réseau et la commercialiser auprès de fournisseurs d’énergies alternatives.
Aujourd’hui, où en est Hymago Energie ? Quelles sont les prochaines étapes pour votre start-up ?
Ma principale priorité est de créer une activité économique afin de financer notre développement. Notre objectif est d’être en mesure de proposer aux gestionnaires de réseau, aux particuliers qui sont à proximité de cours d’eau, ainsi qu’aux collectivités locales qui maîtrisent leur gestion foncière une solution complémentaire aux autres énergies renouvelables pour construire un mix énergétique qui s’appuie sur l’ensemble des ressources naturelles : le vent, le soleil et l’eau !
Dans cette continuité, la nouvelle loi sur l’accélération des énergies renouvelables a vocation à vous ouvrir de nouvelles perspectives de développement. Qu’en est-il ?
Avant cette loi, le potentiel et l’intérêt des ressources hydrauliques fluviales pour produire de l’énergie renouvelable n’avaient pas été étudiés au niveau national. Ce constat explique notamment pourquoi nous avons cet important travail de pédagogie à mener auprès des investisseurs, des entreprises…, mais aussi la mission de démontrer la pertinence de cette énergie et l’existence d’un marché pour son développement.
Actuellement, nous attendons la finalisation du raccordement de notre premier site projet pour pouvoir mettre ce parc en exploitation et démontrer la maturité de notre solution, sa viabilité économique et ses avantages sur le plan environnemental. Enfin, le déploiement à une plus grande échelle de notre solution soulèvera, sur le moyen et le long terme, une problématique de financement afin de pérenniser cette filière émergente et la production d’une énergie renouvelable vertueuse capable de venir renforcer notre mix énergétique national.