Libérer la croissance française

Dossier : Politiques publiques: la RGPPMagazine N°647 Septembre 2009
Par Didier MENUSIER

La moder­ni­sa­tion du sec­teur public connaît une forte accé­lé­ra­tion. Le point com­mun de la révi­sion géné­rale des poli­tiques publiques (RGPP) se trouve dans la recherche d’une meilleure uti­li­sa­tion de l’argent public qui doit se tra­duire concrè­te­ment par une amé­lio­ra­tion du ser­vice ren­du au citoyen accom­pa­gnée d’é­co­no­mies bud­gé­taires significatives.

Ce n’est pas un hasard si le rap­port remis par la Com­mis­sion » Atta­li » en 2008 fait de la réforme de l’É­tat le qua­trième levier de la » libé­ra­tion de la crois­sance fran­çaise « . Car, pour lui impri­mer davan­tage d’ef­fi­ca­ci­té et à un meilleur coût, la com­mis­sion ne pré­co­nise pas seule­ment de moder­ni­ser les pro­cé­dures et les outils, mais bien de recon­si­dé­rer l’or­ga­ni­sa­tion et le mana­ge­ment. Il serait réduc­teur, en effet, d’es­ti­mer que la France renoue­rait avec la crois­sance sans agir sur l’ad­mi­nis­tra­tion publique éga­le­ment. Une pre­mière vague est der­rière nous. Et une seconde vague de réformes voit le jour. Elle devrait entraî­ner de nom­breux pro­jets de trans­for­ma­tions en décli­nai­son opé­ra­tion­nelle des audits de la Révi­sion géné­rale des poli­tiques publiques.

Les rap­ports pré­sen­tant les actions rete­nues dans le cadre de la RGPP montrent de façon évi­dente que la recherche d’é­co­no­mies est for­te­ment pré­sente. À ce titre, la crise finan­cière ne fait qu’ac­cen­tuer le besoin et l’ur­gence de la mise en oeuvre des actions issues de la RGPP. Tou­te­fois, les ten­sions sociales et l’ur­gence de l’ob­ten­tion de résul­tats néces­sitent d’être prises en compte dans la redé­fi­ni­tion des priorités.

La RGPP
Ce dis­po­si­tif, mis en place fin 2007, a per­mis d’au­di­ter les minis­tères et d’i­den­ti­fier un ensemble d’ac­tions à mener pour en moder­ni­ser le fonc­tion­ne­ment avec l’ob­jec­tif clai­re­ment affi­ché d’ob­te­nir des gains quan­ti­ta­tifs et qua­li­ta­tifs. Cer­taines actions, comme la fusion de la DGCP et de la DGI au sein de la DGFIP, la réa­li­sa­tion et le déploie­ment du nou­veau sys­tème finan­cier de l’É­tat Cho­rus ou la refonte du sys­tème d’in­for­ma­tion de paye des fonc­tion­naires ont été inté­grées à ce dis­po­si­tif et mises en oeuvre sans attendre.

Équilibrer économies et qualité de service

Quels sont les leviers qui doivent être pri­vi­lé­giés dans ce contexte pour ten­ter d’op­ti­mi­ser l’é­qui­libre entre » éco­no­mies » et » qua­li­té de service » ?

L’op­ti­mi­sa­tion des achats, la ges­tion pré­vi­sion­nelle des effec­tifs et des com­pé­tences pour rendre réel­le­ment réa­li­sable dans la durée le non-rem­pla­ce­ment des départs, une uti­li­sa­tion rai­son­née de l’ex­ter­na­li­sa­tion des acti­vi­tés » hors cœur de métier « , le pilo­tage de la per­for­mance accom­pa­gné de véri­tables dis­po­si­tifs de contrôle de gestion.

La crise finan­cière ne fait qu’accentuer le besoin et l’urgence de la mise en œuvre de la RGPP

Aurait-on pu aller plus loin ? Cinq volets ont été peu déve­lop­pés : la remise en cause de l’exer­cice par l’É­tat de cer­taines mis­sions qui peuvent paraître secon­daires et être confiées à d’autres opé­ra­teurs ; une poli­tique de » rela­tion citoyen » qui cla­ri­fie les prio­ri­tés dans l’a­mé­lio­ra­tion des échanges citoyen-admi­nis­tra­tion (sim­pli­fi­ca­tion admi­nis­tra­tive, sécu­ri­té, lutte contre la fraude) ; les réformes struc­tu­relles prio­ri­taires pou­vant décou­ler du pre­mier volet ou être intrin­sè­que­ment néces­saires (édu­ca­tion, recherche, san­té, régimes spé­ciaux, Défense, police-gen­dar­me­rie) ; la réforme des autres acteurs du sec­teur public (éta­blis­se­ments publics, col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales et leurs regrou­pe­ments, socié­tés publiques) ; l’in­té­gra­tion des dis­po­si­tifs euro­péens et internationaux.

En fait, ces volets ont été pris en charge par d’autres dis­po­si­tifs plus ou moins avan­cés (Gre­nelle de l’En­vi­ron­ne­ment, loi sur la recherche, tra­vaux de la DGME sur la rela­tion citoyen, etc.).

Conduire le changement


Les nou­velles imma­tri­cu­la­tions sim­pli­fient les démarches admi­nis­tra­tives et ren­forcent la lutte contre la fraude.

Comme pour toute démarche de chan­ge­ment, les actions à mener ont leurs sup­por­ters et leurs détrac­teurs et tant qu’elles se situaient dans la phase de réflexion il était rela­ti­ve­ment dif­fi­cile de faire évo­luer les posi­tions de cha­cun. À ce titre, l’an­née 2009 sera une année déter­mi­nante pour le suc­cès de la RGPP, même si de nom­breuses actions s’ins­crivent dans un cycle plus long.

La mise en œuvre de grands pro­jets de trans­for­ma­tion comme le pro­jet RH Concer­to pour le minis­tère de la Défense et le pro­jet du nou­veau sys­tème d’im­ma­tri­cu­la­tion des véhi­cules pour le minis­tère de l’In­té­rieur néces­site de bien défi­nir le conte­nu et la cible à atteindre et sur­tout que les dif­fé­rentes par­ties pre­nantes soient accom­pa­gnées dans la com­pré­hen­sion du pro­jet, les évo­lu­tions de leur métier et le rôle qu’elles ont à jouer dans les chan­ge­ments à mener. Cette dimen­sion à l’é­chelle des admi­nis­tra­tions de l’É­tat est com­plexe du fait du poids des effec­tifs concer­nés, de la dis­pa­ri­té géo­gra­phique et des inté­rêts par­fois diver­gents entre les dif­fé­rentes par­ties pre­nantes. Don­ner une vision glo­bale sur l’é­vo­lu­tion de chaque minis­tère et de la cohé­rence aux dif­fé­rentes actions de moder­ni­sa­tion (RGPP, Livre blanc, Gre­nelle de l’En­vi­ron­ne­ment, SMR, LOLF) devient alors essentiel.

Garder le cap

Amé­lio­rer la rela­tion avec le citoyen
Dès à pré­sent, de nom­breux pro­jets de refonte de sys­tèmes d’in­for­ma­tion intègrent et la pre­mière phase des RGPP et les nou­veaux ser­vices offerts par les NTIC. C’est le cas du sys­tème Ariane qui rem­pla­ce­ra les deux anciens sys­tèmes de la Police natio­nale et de la Gen­dar­me­rie natio­nale ; ou le nou­veau sys­tème d’im­ma­tri­cu­la­tion des véhi­cules (SIV) : l’É­tat ne s’est pas conten­té de moder­ni­ser la déli­vrance des cartes grises, en l’au­to­ma­ti­sant et en l’a­dap­tant aux nou­velles règles d’im­ma­tri­cu­la­tion, il a éga­le­ment veillé à l’as­sor­tir d’une refonte des pra­tiques actuelles : le SIV sim­pli­fie les démarches admi­nis­tra­tives pour tous, auto­mo­bi­listes, pro­fes­sion­nels et agents de l’É­tat, et il ren­force la lutte contre la fraude et la délinquance.

Aujourd’­hui, les prio­ri­tés pour les minis­tères sont de défi­nir et de mettre en oeuvre les actions de conduite du chan­ge­ment adap­tées à cha­cune des actions de moder­ni­sa­tion des admi­nis­tra­tions les concer­nant. Au-delà de la mise en place d’é­quipes ad hoc, un sui­vi des actions par objec­tif doit être bâti et pilo­té par la direc­tion géné­rale de chaque minis­tère. Cela repré­sente un enjeu impor­tant d’au­tant plus que la mise en œuvre de ces pro­jets de trans­for­ma­tion passe par des périodes dif­fi­ciles où l’on quitte le » monde connu » pour » abor­der de nou­veaux rivages » sans béné­fi­cier immé­dia­te­ment des amé­lio­ra­tions : ain­si, l’at­teinte de l’ob­jec­tif final repose sur la déter­mi­na­tion d’une équipe à gar­der le cap pour faire avan­cer le pro­jet et fran­chir l’i­né­vi­table » fos­sé du changement « .

La moder­ni­sa­tion de l’É­tat se concré­tise pro­gres­si­ve­ment par de vraies réformes de struc­tures. Tou­te­fois, pour de nom­breux pro­jets il reste main­te­nant à pas­ser à une mise en œuvre glo­bale et cohé­rente pour qu’elle ait un réel impact. Au titre des prio­ri­tés de contri­bu­tion des sys­tèmes d’in­for­ma­tion à ces réformes, et au-delà des évo­lu­tions orga­ni­sa­tion­nelles incon­tour­nables, j’i­den­ti­fie la déma­té­ria­li­sa­tion des pro­ces­sus admi­nis­tra­tifs, la ges­tion de la connais­sance, la ges­tion pré­vi­sion­nelle des effec­tifs (mobi­li­té, com­pé­tence), l’op­ti­mi­sa­tion des par­cours des citoyens (impôts, emploi, aide sociale), le main­tien de l’ef­fort pour la mise en oeuvre de vrais dis­po­si­tifs de pilo­tage de la per­for­mance et le déve­lop­pe­ment de l’ex­ter­na­li­sa­tion de fonc­tions secon­daires. Compte tenu des capa­ci­tés finan­cières de l’É­tat, le recours à la pro­cé­dure de Par­te­na­riat public-pri­vé (PPP) peut consti­tuer un accé­lé­ra­teur de l’en­ga­ge­ment de ces actions de réformes.

Piloter par les objectifs

Les actions de la RGPP sont plus que jamais d’ac­tua­li­té mais les prio­ri­tés ini­tia­le­ment défi­nies néces­sitent d’être véri­fiées en pre­nant en compte les autres pro­jets de réformes.

Il faut mettre en oeuvre de vrais dis­po­si­tifs de pilo­tage de la performance

L’im­por­tance de ces chan­ge­ments et les nom­breux » fronts » ouverts dans un contexte social et éco­no­mique dif­fi­cile rendent néces­saires un pilo­tage par les objec­tifs, ce qui manque géné­ra­le­ment, et une coor­di­na­tion forte appuyée par une conduite du chan­ge­ment proche du ter­rain. Ce sont les leviers incon­tour­nables pour non seule­ment mettre en oeuvre les actions de réformes mais sur­tout faire qu’elles pro­duisent les résul­tats atten­dus. Cela ne sau­rait être com­plet tou­te­fois, sans l’exis­tence de dis­po­si­tifs indé­pen­dants d’é­va­lua­tion des poli­tiques publiques.

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