CD Opéra de Gluck Orphée et Eurydice avec Philippe Jaroussky

Liberté

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°736 Juin 2018Rédacteur : Jean SALMONA (56)

Tota­le­ment libre, sans normes à res­pec­ter, sans mode ni école à suivre, le créa­teur peut être para­ly­sé et fina­le­ment sté­rile. Au fond, les car­cans de la tra­gé­die clas­sique ont don­né au XVIIe siècle plus de chefs‑d’œuvre que le drame roman­tique libre de toute règle ; les sym­pho­nies, les sonates et les fugues sont en géné­ral plus belles et plus fortes que les poèmes sym­pho­niques et les « fantaisies ». 

Et cepen­dant, la liber­té du créa­teur comme celle de l’interprète, rai­son­na­ble­ment dosées, peuvent don­ner des résul­tats heureux. 

GLUCK – ORPHÉE ET EURYDICE

Tout le monde connaît cet opé­ra, dont la ver­sion d’origine, en ita­lien, fut créée à Vienne en 1762 avec un cas­trat-contral­to en Orphée. 

Il y eut plu­sieurs ver­sions en fran­çais, dont une de Ber­lioz avec une mez­zo-sopra­no tra­ves­tie. Plu­tôt que d’utiliser une de ces ver­sions « clas­siques », il a été fait choix dans ce nou­vel enre­gis­tre­ment, avec Phi­lippe Jarouss­ky, Aman­da For­sythe dans le rôle d’Eurydice et l’ensemble I Bar­roc­chis­ti, de la ver­sion des­ti­née par Gluck à la cour de Naples en 1774 . 

Choix qui témoigne d’une liber­té intel­li­gente : l’œuvre est concen­trée (moins de 80 minutes), les réci­ta­tifs allé­gés. Mais ce qui fait le prix de cet enre­gis­tre­ment, c’est l’interprétation excep­tion­nelle de Jarouss­ky : nul, homme ou femme, contre­té­nor ou contral­to, ne pos­sède cette capa­ci­té de trai­ter chaque mot, et même chaque syl­labe, avec une inflexion propre qui colle à la note. 

Un chef‑d’œuvre d’interprétation qui renou­velle une œuvre bien connue.
1 CD ERATO

QUATUORS FRANÇAIS : SAINT-SAËNS, LEKEU, DEBUSSY

CD Quatuors français - EllipseCom­pa­rés aux qua­tuors des époques pré­cé­dentes, les qua­tuors fran­çais de la période fin XIXe-début XXe siècle se sin­gu­la­risent par une extra­or­di­naire liber­té. Trois œuvres que vient d’enregistrer le Qua­tuor Ellipse en témoignent : le Qua­tuor n°2 de Saint-Saëns, le mou­ve­ment Mol­to ada­gio sempre can­tante dolo­ro­so de Lekeu, le Qua­tuor de Debussy . 

Du Qua­tuor de Debus­sy, tout a été dit : il a révo­lu­tion­né en 1893 la musique de chambre, par sa forme (thème unique) et par ses har­mo­nies inouïes au sens propre. 

Vingt-cinq ans plus tard, Saint-Saëns, à 83 ans, choi­sit – incroyable liber­té – de reve­nir, pour son second et der­nier Qua­tuor, à une forme et des har­mo­nies clas­siques et c’est un délice d’écoute, avec un Ada­gio d’anthologie.

Quant à Lekeu, il écrit à 17 ans, tel Rim­baud, une pièce intense et mys­tique, à 5 temps, bou­le­ver­sante. Il mour­ra à 24 ans en 1894.
1 CD AD VITAM

DEUX VIOLONISTES LIBRES

CD : Le Concerto pour violon de John Adams avec Leila JosefowiczLe Concer­to pour vio­lon de John Adams est com­pa­rable au Concer­to à la mémoire d’un ange d’Alban Berg : il est pra­ti­que­ment ato­nal, sauf dans son second mou­ve­ment, et pro­fon­dé­ment émouvant. 

Adams n’appartient à aucune école, mais il pos­sède un talent d’orchestration com­pa­rable à celui de Tchaï­kovs­ki, une inven­tion mélo­dique et une capa­ci­té d’émouvoir uniques dans la musique contemporaine. 

Lei­la Jose­fo­wicz est l’interprète idéale de cette œuvre qu’elle a jouée plus de cent fois, et qu’elle a enre­gis­trée avec le St. Louis Sym­pho­ny diri­gé par David Robertson.
1 CD NONESUCH

CD : Kennedy meets GershwinOn connaît Nigel Ken­ne­dy, l’élève de Menu­hin, enfant ter­rible de la musique. Sous le titre Ken­ne­dy meets Ger­sh­win, il vient d’enregistrer avec quelques musi­ciens (gui­tares, basse, vio­lon­celle, vio­lons, flûte) des arran­ge­ments de pièces de Ger­sh­win dont Our love is here to stay, They can’t take that away from me

Ken­ne­dy s’inspire de Sté­phane Grap­pel­li et navigue libre­ment dans les har­mo­nies com­plexes et délec­tables de Ger­sh­win. Ken­ne­dy et Lei­la Jose­fo­wicz ont une sin­gu­la­ri­té en com­mun : leur tenue, vague­ment punk, ce qui n’est pas le trait le plus libre de leurs personnalités. 

Mais si cela per­met de conver­tir des jeunes, a prio­ri méfiants devant la « grande » musique, on ne sau­rait le regretter.
1 CD WARNER

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