L’idolâtrie de la vie
Dans L’idolâtrie de la vie, Olivier Rey, mathématicien et philosophe, dévoile les multiples paradoxes présents dans nos comportements révélés par l’épidémie de coronavirus.
Il commence par se demander pourquoi la famine de 1789 a mené à la Révolution alors que depuis le Moyen Âge les famines régulières ne suscitaient pas de révolte contre l’autorité royale. Selon lui, les initiatives de l’administration royale au XVIIIe siècle pour atténuer les effets des pénuries alimentaires ont conduit la population à considérer qu’un défaut de subsistance était imputable au gouvernement. Un autre paradoxe est lié aux politiques de prévention.
Dès 2004, le gouvernement français s’était préparé à faire face à une pandémie. Mais « dans l’hypothèse où, avant l’épidémie, des stocks de milliards de masques eussent été entretenus, les mêmes (ou si ce n’est eux, leurs frères), qui se scandalisent de leur absence quand la maladie se déclare, se seraient scandalisés, si elle n’avait pas eu lieu, de leur existence ». Le champ de l’intervention du gouvernement dans la vie des citoyens s’est élargi. L’Éducation nationale fournit un premier exemple : elle a la responsabilité de procurer non seulement des savoirs mais aussi des savoir-être, des compétences pour vivre ensemble, etc., « la liste est infinie ». Le domaine de la santé est un autre exemple, plus sensible, dans la mesure où c’est « celui où la modernité a remporté certains de ses plus immenses et incontestables succès, et s’avère donc l’un des plus mal choisis pour la mettre en cause ». Le système de santé est ainsi considéré comme « un guérisseur universel ».
La vie elle-même est venue prendre la place du sacré, d’où le titre L’Idolâtrie de la vie. En fin de compte, Oliver Rey plaide pour un retour à l’autonomie. « Il nous faudrait réapprendre, collectivement et individuellement, à compter sur nous-mêmes. »
Ce petit opuscule illustre l’exigence de la collection Tracts chez Gallimard : « Notre liberté de penser ne peut s’exercer en dehors de notre volonté de comprendre. »