Lieutenant-colonel Deuwel : “ ni autoritarisme, ni démagogie ”
Dans vos précédentes fonctions, vous commandiez des parachutistes. La transition est-elle facile à gérer ?
Je suis, depuis l’été dernier, commandant d’une promotion de polytechniciens et à ce titre plus particulièrement chargé de la formation humaine de ces élèves. Évidemment, le métier change complètement.
Mais un officier parachutiste cultive au cours de sa carrière une certaine adaptabilité : personnellement, mes différentes affectations m’ont amené à faire aussi bien de la logistique que de l’entraînement à la chute opérationnelle (une technique spécifique et très exigeante qui permet de s’affranchir de certaines contraintes d’environnement avant de pouvoir s’investir au sol dans des “ actions en amont ” ou des missions de renseignement).
Les nombreuses interventions auxquelles j’ai participé (Comores, Irak, Balkans, Afrique noire) m’ont conduit à m’adapter à des situations délicates et périlleuses. Polytechnique est une nouvelle et autre forme d’aventure.
Quelles relations avez-vous eues pour le moment avec les élèves de la promotion 2001 ?
J’ai assuré leur encadrement pendant un mois dès leur arrivée à l’École, d’abord à Palaiseau puis à Barcelonnette. Depuis, j’ai réalisé le suivi de ces élèves en stage en étant pour eux leur point de contact pour tous les problèmes qu’ils pouvaient rencontrer. J’ai rendu visite à tous les élèves dans les écoles de formation d’armées dans lesquelles ils ont été affectés après le stage de Barcelonnette et je suis allé voir la plupart d’entre eux après, qu’ils aient été dans une unité militaire ou dans un organisme civil.
J’ai réalisé un stage d’accueil de quinze jours au profit des EV1 avant de les affecter dans un stage de formation humaine comme leurs camarades français, ce qui est une première pour l’X. J’ai aussi participé tout récemment avec 65 élèves de la promotion au séminaire interarmées des grandes écoles militaires.
Comment s’est déroulé leur stage de formation humaine ?
Certains stages, heureusement très rares, n’ont pas répondu correctement aux objectifs de formation humaine que se fixe l’École. Ce fut le cas de certaines unités très spécialisées où nos élèves ont des lacunes techniques excessives ou d’autres engagées en opérations extérieures auxquelles nos élèves ne pouvaient pas participer. Dans certains organismes aussi l’absence de responsabilités ou de contrôle des actions menées rendait le stage moins intéressant. Mais la plupart d’entre eux ont fait un stage très formateur.
Un des meilleurs, selon moi, est celui de la Brigade des Sapeurs Pompiers de Paris : c’est loin d’être un des plus faciles mais c’est là que la prise de responsabilité que l’on cherche à leur inculquer prend tout son sens.
Quels sont les traits que vos élèves ont en commun, selon vous ?
Ce sont des jeunes gens sachant travailler et s’organiser et qui montrent le plus souvent une grande vivacité d’esprit. Ils font aussi preuve d’exigence et d’impatience, ce que je ne peux pas leur reprocher : d’abord parce que cela tient à leur jeunesse, ensuite parce que je suis moi-même un grand impatient.
En outre (et c’est important) la grande majorité d’entre eux est très sympathique. Mais à part ça, ils sont très différents les uns des autres.
Par exemple, j’ai pu constater des différences énormes dans le domaine de la communication, dans leur capacité à exprimer une question ou un problème et à argumenter leurs propositions. Dans les mois et années à venir, ces considérations vont forcément prendre de l’importance dans leur vie puisque leurs contacts vers l’extérieur vont croître. Il importe donc qu’ils aient conscience de leurs qualités mais aussi de leurs lacunes.
Je ne veux pas réduire mon rôle à la surveillance. Mon rôle n’est pas de surveiller leurs horaires et leurs coupes de cheveux. Il consiste, tout en faisant l’effort de comprendre leurs schémas intellectuels, à les guider dans les domaines qu’ils n’ont pas encore appréhendés. Ni autoritarisme, ni démagogie.
Que vous inspire la grande proportion d’étrangers de cette promotion ?
Il n’y aura finalement que quatre fois plus de Français que d’étrangers dans cette promotion (pour la 2000, le rapport est de 10 : cela change les choses).
Dans les précédentes promotions, on pouvait peut-être les considérer comme des cas particuliers : ce n’est plus possible aujourd’hui. Ma principale tâche, en ce moment, est de faire connaissance avec les EV2 qui constituent les deux tiers d’entre eux et qui arrivent sur le Plateau sans avoir participé au stage de formation humaine.
Je suis à l’écoute des problèmes que les différences de langues et de cultures peuvent leur causer pour leur intégration.
Là encore, la confrontation à des situations particulières dans les missions auxquelles j’ai participé dans des univers différents de nos habitudes confortables m’a préparé à prendre en compte les spécificités de chacun.