L’image du capital investissement a changé

Dossier : Capital InvestissementMagazine N°627 Septembre 2007
Par Patrick SAYER (77)

Inter­view de Patrick Sayer, pré­sident de l’AFIC
Pre­mier mar­ché du Capi­tal Inves­tis­se­ment en Europe conti­nen­tale et troi­sième au monde, l’in­dus­trie fran­çaise du Pri­vate Equi­ty se porte bien. L’As­so­cia­tion Fran­çaise des Inves­tis­seurs en Capi­tal – AFIC – se féli­cite de ce nou­veau contexte. Son pré­sident sor­tant, Patrick Sayer, fait le point et brise les tabous…

Gaëlle Atlan : Le capital investissement se développe significativement ces dernières années. Le cadre réglementaire est-il suffisant ?

Patrick Sayer : Nous n’a­vons pas atten­du que le Pri­vate Equi­ty se déve­loppe pour ins­tau­rer des règles. En France on a long­temps oeu­vré pour mettre en place un cadre régle­men­taire impo­sé par une loi et que nous ren­for­çons avec un code déon­to­lo­gique auquel chaque membre est sou­mis. J’ai per­son­nel­le­ment œuvré sous ma pré­si­dence pour appli­quer des accords avec les par­te­naires sociaux pour évi­ter la dia­bo­li­sa­tion de nos acti­vi­tés, notam­ment celles liées au LBO. J’ai vou­lu ain­si ins­tau­rer un véri­table dia­logue pour bri­ser les tabous.

Cette mis­sion auprès des par­te­naires sociaux est à l’i­mage des mis­sions de l’A­FIC : fédé­rer et repré­sen­ter l’en­semble des opé­ra­teurs fran­çais du capi­tal inves­tis­se­ment. Porte-parole du sec­teur, nous sommes à l’é­coute de 240 membres, soit 3 000 per­sonnes auprès des­quelles nous avons aus­si une mis­sion de régu­la­tion et de for­ma­tion ; c’est d’ailleurs dans ce cadre que nous orga­ni­sons des jour­nées spé­ciales rela­tives au capi­tal inves­tis­se­ment telles que » la jour­née du LBO « , » la jour­née du capi­tal investissement « .

G.A : On accuse souvent le capital investissement de » tuer les emplois « . Est-ce un des principaux tabous qu’il faut briser ?

Patrick Sayer : En mars 2007 une étude sur l’im­pact social des LBO en France, affir­mait qu’elles avaient créé 60 000 emplois. Ces chiffres repré­sentent une crois­sance moyenne des effec­tifs de 4,1 % contre une moyenne natio­nale de 0,6 %. De plus, l’é­tude constate une pro­gres­sion moyenne des salaires de 3,3 % par an dans les entre­prises sous LBO, alors que la moyenne natio­nale s’é­ta­blit à 2,9 %. L’en­ga­ge­ment des inves­tis­seurs en matière d’emploi est donc signi­fi­ca­tif et révèle que l’emploi est aus­si notre priorité.

G.A : Diplômé de Polytechnique, vous êtes aujourd’hui président du Directoire d’Eurazeo après une longue étape chez Lazzard Frères et Cie à Paris et à New York. Pourquoi avez-vous voulu militer au sein de l’AFIC jusqu’à en prendre la présidence en 2006 ?

Patrick Sayer : L’af­faire Viven­di en 2002 a été une étape déci­sive dans ma déci­sion. Jean-Marie Mes­sier avait créé un édi­teur sco­laire mul­ti­cul­tu­rel, pré­sent aux États-Unis, en Grande-Bre­tagne, en France, en Espagne. Extra­or­di­naire aven­ture. Elle m’in­té­res­sait. Je m’é­tais donc mis sur ce dos­sier pour deve­nir majo­ri­taire. On a eu droit alors à une grande tar­tuf­fe­rie : sous pré­texte de pré­ser­ver quelques mai­sons d’é­di­tion fran­çaises de lit­té­ra­ture, on a décré­té que les socié­tés d’in­ves­tis­se­ment devaient être tenues à l’é­cart. On nous a diabolisés.

Un ministre du pré­cé­dent gou­ver­ne­ment m’a même qua­li­fié de dépe­ceur alors que nous avions le sou­tien des édi­teurs ! À l’o­ri­gine, il y avait une stra­té­gie d’un grand groupe qui sou­hai­tait acqué­rir cet ensemble. On a sépa­ré la par­tie amé­ri­caine de la par­tie pure­ment fran­çaise avant de redé­cou­per cette der­nière en deux. J’ai trou­vé que c’é­tait une monu­men­tale absur­di­té que la Répu­blique casse cet ensemble. Cela m’a encou­ra­gé à faire du lobbying.

G.A : Pensez-vous qu’aujourd’hui l’image du capital investissement à évolué ?

Patrick Sayer : Oui et d’ailleurs la table ronde consa­crée au sujet orga­ni­sée à l’É­ly­sée en juin der­nier sou­ligne ce chan­ge­ment de per­cep­tion. L’in­té­rêt du capi­tal inves­tis­se­ment est désor­mais recon­nu et son uti­li­té éco­no­mique est un fait. Le Pri­vate Equi­ty a su mon­trer son effi­ca­ci­té en inven­tant un nou­veau mode de gou­ver­nance. Son prin­cipe, en impli­quant les diri­geants mais aus­si les cadres, voire même une frac­tion plus large des sala­riés, au capi­tal évite les pres­sions liées à la cota­tion en bourse et per­met d’ins­tau­rer des rela­tions durables avec les actionnaires.

G.A : Le secteur offre-t-il des perspectives de carrières ?

Patrick Sayer : Le sec­teur est en plein déve­lop­pe­ment et ouvre ain­si de vraies pers­pec­tives de car­rières en rai­son de la diver­si­té des métiers qu’il pro­pose. Par ailleurs, notons que le capi­tal inves­tis­se­ment per­met un niveau de res­pon­sa­bi­li­sa­tion qui se prête par­fai­te­ment aux ingé­nieurs de Polytechnique.

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