L’image du plateau
Le plateau
Imaginons une personne qui transporte un plateau, par exemple avec des tasses à café. Ces tasses sont visibles, mais non pas les mains du porteur si elles sont placées bien en dessous.
Imaginons, sur le plateau, non pas des tasses, mais des petits santons jouant une comédie.
Imaginons que ces petits santons soient innombrables, qu’un planétarium soit au-dessus de leur tête avec les astres et les galaxies.
C’est ainsi que l’on peut voir la création comme soutenue par un plateau : avec le cosmos et la voûte étoilée, et avec l’humanité qui vit sur la terre.
Le Créateur
Le Créateur soutient le plateau1. Il soutient la création. Celle-ci s’effondrerait dans le néant sans la force divine, mais celle-ci maintient en action la créativité de la nature.
Sur le plateau, nous voyons le cosmos évoluer en un mouvement horizontal, celui de l’Histoire. Nous pouvons connaître ce mouvement grâce à l’observation et l’expérimentation. Mais la connaissance scientifique n’a pas accès à la relation qui existe, hors du temps, entre l’univers et son Créateur. Celui-ci fait émerger la vie, Il la fait s’organiser selon les lois qu’Il lui confère. Il dote chaque être humain de ses facultés intellectuelles et spirituelles, du » pouvoir penser et choisir « .
Cependant l’action divine qui s’exerce ainsi dans un sens vertical et dans l’éternel instant demeure invisible.
Cette distinction entre mouvement horizontal et relation verticale permet de mieux réaliser la différence entre les phénomènes sensibles et les réalités révélées.
Le cosmos évolue, l’humanité vit son histoire sans que Dieu intervienne de façon visible, sans qu’Il montre sa main, mais en laissant la nature se construire selon ses propres lois. Et Il n’intervient pas pour corriger les déficiences.
C’est l’observation seule qui permet de découvrir COMMENT les choses se passent. À Napoléon qui le questionnait sur la place de Dieu dans les lois de la nature, le marquis de Laplace pouvait répondre : » Je n’ai pas besoin de cette hypothèse. »
En effet, Dieu laisse agir les causes secondes. Il appartient à la raison d’organiser ses connaissances, de comprendre, à partir des données expérimentales, comment fonctionne l’univers en vertu de ses forces internes.
Mais Dieu est Cause Première. Il est la cause d’existence de ce qui est contingent, de ce qui pourrait ne pas exister. Il est une cause ontologique et non pas une cause cosmologique, ni un premier moteur qui se situerait et agirait dans le mouvement horizontal.
Des domaines différents
Les penseurs et les chercheurs, les scientifiques et les philosophes insistent de plus en plus souvent sur la nécessité de séparer bien clairement ce qui est l’objet de la science et ce qui est l’objet de la métaphysique, aucune des deux approches ne devant faire obstacle à l’autre2.
En son temps, l’énoncé par Newton de la loi de gravitation universelle a jeté le trouble dans les esprits, tant cette nouvelle formulation était en contradiction avec les idées reçues.
Il n’était plus besoin de faire intervenir des puissances célestes pour expliquer le mouvement des astres. Celui-ci résulte seulement de l’attraction des masses.
À tort, on avait voulu faire dire à la Bible ce qu’elle ne dit en aucune manière.
Les lois physiques ne sont nullement en opposition avec les données de la Foi.
L’astronomie étudie les mouvements du cosmos que le Créateur soutient sans le modifier.
L’intervention de la Cause Première n’est pas à rechercher dans le big-bang. Dieu laisse faire la nature en lui conférant une créativité.
Inversement, on ne s’appuiera pas sur les connaissances scientifiques pour résoudre les grands problèmes métaphysiques. Jamais un Gagarine ne verra Dieu au milieu des étoiles. Jamais un chirurgien ne détectera une âme sous son scalpel. Et la science qui pense » déterminisme « , qui voit seulement le hasard ou la nécessité, n’est pas en mesure de dire aux hommes d’où vient leur liberté ni ce en quoi elle consiste.
Chaque discipline a son domaine. La théologie n’a pas à prendre position en matière scientifique, pas plus que la connaissance expérimentale ne peut dire son mot lorsqu’il s’agit de l’invisible.Ainsi devrait se dissiper le vieil antagonisme entre science et foi. Si l’on distingue convenablement le domaine de chacune, cet antagonisme devient fort artificiel. Il n’y a plus aucune raison de voir se contredire les découvertes scientifiques et les écrits imagés de la Bible.
» L’alpha et l’oméga « 3 ne sont pas commencement ni fin dans une histoire. Mais Dieu est fondement et finalité. » Arke Kai Telos « , dans une relation avec l’univers.
C’est dans cette relation avec le Créateur qu’on peut découvrir le dessein de Dieu, la réponse à l’interrogation sur le POURQUOI des choses. La destinée de l’homme ne se lit pas dans le cosmos, mais dans les signes d’origine divine que découvre la pensée, dans le message révélé qui s’adresse, lui aussi, à la raison humaine.
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1. Cela ne signifie pas que le Créateur se situe » sous le plateau « . En fait, Il n’est nulle part. Dieu est en dehors de l’espace et du temps. Mais il soutient la Création de l’intérieur, car Sa relation avec cette Création est à la fois transcendante et immanente.
2. On citera en particulier :
– le professeur Dominique Lecourt de l’université de Paris VII (Science et Avenir, juin 1991, p. 45) ;
– Hubert Reeves, dans Malicorne, Seuil, p. 169 et 170.
3. Apocalypse, chapitre 21, verset 6.