L’immunothérapie cellulaire : une nouvelle approche contre le cancer

Dossier : BiotechnologiesMagazine N°590 Décembre 2003
Par Jean-Pierre ABASTADO (75)

On soigne aujourd’­hui un can­cer sur deux contre un sur quatre en 1980. Mal­gré cette amé­lio­ra­tion, le can­cer demeure la prin­ci­pale cause de mor­ta­li­té pré­ma­tu­rée dans les pays déve­lop­pés et selon un récent rap­port de l’OMS (Orga­ni­sa­tion mon­diale de la san­té), la pré­va­lence des can­cers pour­rait aug­men­ter de 50 % d’i­ci 2020. On appelle thé­ra­pie cel­lu­laire toute approche thé­ra­peu­tique uti­li­sant des cel­lules et visant à rem­pla­cer, répa­rer, aug­men­ter ou modi­fier l’ac­ti­vi­té bio­lo­gique d’un tis­su ou d’un organe endom­ma­gé. L’im­mu­no­thé­ra­pie cel­lu­laire est une forme de thé­ra­pie cel­lu­laire uti­li­sant les cel­lules du sys­tème immunitaire.

Chaque jour, notre sys­tème immu­ni­taire éli­mine des cel­lules can­cé­reuses, pré­ve­nant ain­si l’ap­pa­ri­tion de tumeurs. Mais dans des situa­tions de stress ou de défi­cience, il ne rem­plit pas cette mis­sion et laisse les cel­lules can­cé­reuses se mul­ti­plier. L’i­dée d’u­ti­li­ser le sys­tème immu­ni­taire pour lut­ter contre le can­cer a été for­mu­lée il y a plus de trente ans par le bio­lo­giste aus­tra­lien F. M. Bur­net. Les recherches menées actuel­le­ment par IDM reposent sur cette idée et visent à res­tau­rer les défenses immu­ni­taires des patients atteints de can­cers. IDM est une socié­té de bio­phar­ma­cie créée par un méde­cin fran­çais, le Dr Jean-Loup Romet-Lemonne, en 1993. Elle est aujourd’­hui le lea­der euro­péen de l’im­mu­no­thé­ra­pie cellulaire.

Lutter avec les propres cellules du patient

Nos recherches portent sur l’é­la­bo­ra­tion de pro­duits per­son­na­li­sés, éla­bo­rés à par­tir des propres cel­lules du patient. Notre approche consiste à pré­le­ver, à par­tir du sang du malade, des glo­bules blancs, à les acti­ver en labo­ra­toire, puis à les réin­jec­ter pour sti­mu­ler son sys­tème immu­ni­taire ou détruire les cel­lules cancéreuses.

Nous déve­lop­pons deux gammes de pro­duits : des agents cyto­thé­ra­peu­tiques à base de macro­phages et des vac­cins thé­ra­peu­tiques à base de cel­lules dendritiques.

Les macro­phages1 sont des cel­lules déri­vées de cer­tains glo­bules blancs, dont une des fonc­tions consiste à net­toyer l’or­ga­nisme des bac­té­ries, cel­lules mortes et autres « intrus », y com­pris des cel­lules tumo­rales. Notre tra­vail consiste à culti­ver en labo­ra­toire les macro­phages du patient, puis à leur asso­cier un anti­corps spé­ci­fique de la tumeur ciblée avant de les réin­jec­ter au patient. L’an­ti­corps per­met au macro­phage de se fixer à la sur­face des cel­lules can­cé­reuses et de les détruire.

Les cel­lules den­dri­tiques2 sont, elles aus­si, des cel­lules pré­sentes dans l’or­ga­nisme et déri­vées de glo­bules blancs pré­sents dans le sang. Leur rôle consiste à orches­trer la réponse immu­ni­taire. Lors­qu’une réponse immu­ni­taire est ini­tiée, des bataillons de cel­lules guer­rières (lym­pho­cytes notam­ment) sont envoyés contre les « agres­seurs » (tumeurs ou agent patho­gène infec­tieux). On cultive en labo­ra­toire les cel­lules den­dri­tiques du patient, on leur asso­cie un anti­gène de la tumeur à com­battre et on les réin­jecte aux patients dans l’es­poir d’in­duire une réponse de défense de l’or­ga­nisme. On parle ici de vac­cin thé­ra­peu­tique dans le sens où cette réponse va être mémo­ri­sée par le sys­tème immu­ni­taire et réac­ti­vée en cas de réap­pa­ri­tion des cel­lules cancéreuses.

La spé­ci­fi­ci­té est une carac­té­ris­tique essen­tielle du sys­tème immu­ni­taire qu’il par­tage avec les deux autres sys­tèmes de trai­te­ment de l’in­for­ma­tion (le sys­tème ner­veux et le sys­tème endo­cri­nien). Aus­si, les médi­ca­ments basés sur l’im­mu­no­thé­ra­pie cel­lu­laire devraient être extrê­me­ment ciblés et exempts d’ef­fets toxiques secondaires.

Notre pro­duit dont le déve­lop­pe­ment cli­nique est le plus avan­cé est un agent cyto­thé­ra­peu­tique, à base de macro­phages, pour le can­cer de l’o­vaire. Il est actuel­le­ment tes­té en phase III (la der­nière étape avant une com­mer­cia­li­sa­tion éven­tuelle) chez une soixan­taine de patientes.

Nous avons éga­le­ment quatre pro­duits en étude de phase II chez des patients atteints de can­cers de la pros­tate, de la ves­sie, du méla­nome, de la leu­cé­mie lym­phoïde chro­nique et nous démar­re­rons dans le cou­rant de l’an­née 2003 un essai dans le can­cer colo­rec­tal. Les pre­miers résul­tats dont nous dis­po­sons confirment l’ab­sence de toxi­ci­té de ces pro­duits (contrai­re­ment à la chi­mio­thé­ra­pie clas­sique), et sont encou­ra­geants sur le plan de l’efficacité.

Nous espé­rons pou­voir mettre notre pre­mier pro­duit à la dis­po­si­tion des patients d’i­ci trois à quatre ans.

Depuis quelques années, les dif­fé­rentes équipes de cher­cheurs et de cli­ni­ciens enga­gées dans l’im­mu­no­thé­ra­pie contre le can­cer ont accom­pli d’im­por­tants pro­grès et les pre­miers résul­tats posi­tifs com­mencent à paraître. Cette nou­velle approche per­son­na­li­sée est por­teuse d’un réel espoir pour les dix mil­lions de per­sonnes qui déve­loppent un can­cer chaque année.

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1.
Les macro­phages ont été iden­ti­fiés par Élie Metch­ni­kov à la fin du XIXe siècle.
2. La pre­mière des­crip­tion des cel­lules den­dri­tiques remonte à 1868 par Paul Lan­ge­rhans, méde­cin à Ber­lin qui étu­diait l’a­na­to­mie de la peau.

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