L’inconnue du Lancastria
Philippe Bonnamy est le président du groupe X‑Auteurs, qui vient de se constituer. Est-ce pour célébrer l’événement ? En tout cas, il nous livre un nouveau roman : L’inconnue du Lancastria.
L’action se déroule essentiellement sur le littoral atlantique, dans la région nantaise, entre le printemps 1941 et le printemps 1942 ; elle met aux prises le couple, inattendu, d’un commissaire de police parisien en semi-disgrâce et d’une jeune anthropologue, à une certaine France occupée, sous l’œil au mieux méfiant de l’autorité allemande.
Encore un roman policier sur fond d’occupation, direz-vous ? Oui, et un bon policier même, mais ce n’est pas que cela. À côté d’une intrigue à tiroirs et à rebondissements, qui ne se dénoue que dans les dernières pages, L’inconnue du Lancastria est aussi une étude de mœurs, toute en nuances, de la France occupée, à une période marquée par le basculement de l’opinion publique à l’égard de Vichy et de l’occupant. Une période où, comme au gré du vent, tous les germes des horreurs qui vont suivre ont été dispersés et où sont déjà semés ceux des excès de la Libération.
Bonnamy utilise également, pour nourrir l’intrigue, deux événements, l’un encore à peu près totalement ignoré et l’autre presque oublié, mais tous les deux parfaitement authentiques, qui se sont déroulés à l’époque dans l’estuaire de la Loire. Leur description par images successives, comme si l’auteur y était, ne fait qu’ajouter à l’intérêt de la lecture.
Le premier est le naufrage du Lancastria, un transport de troupes anglais coulé par la Luftwaffe au large de Saint-Nazaire le 17 juin 1940, quelques jours après Dunkerque, alors qu’il participait au rembarquement des unités non combattantes du corps expéditionnaire britannique. Le nombre des victimes ensevelies dans l’épave reste encore incertain mais il est établi qu’il est de l’ordre de cinq à six mille : en comparaison, cinq fois le Titanic, quatre fois Pearl Harbor, autant de fois Mers el-Kébir, etc., et le triste privilège d’être encore la plus grande, ou l’une des deux plus grandes tragédies maritimes de l’Histoire.
Suprême horreur : pour des raisons historiques, dont parle Bonnamy, elle a été immédiatement et délibérément, sur ordre de Winston Churchill lui-même, recouverte d’une chape de silence qui ne s’est fendue que des dizaines d’années plus tard. Et il faudra attendre 2040 pour avoir accès aux archives officielles.
Le second est le raid anglais sur Saint- Nazaire en mars 1942, destiné à rendre inutilisable par les gros cuirassés allemands le seul port atlantique où ils auraient pu être abrités et entretenus. Rappelons-nous que la Bataille de l’Atlantique battait son plein et que le renfort de ces mastodontes était de nature à peser lourdement dans la balance. Un raid d’une audace inouïe, probablement encore un modèle du genre, et dont le souvenir des braves qui l’ont réalisé, et dont beaucoup ne sont pas rentrés, a, lui, du mal à survivre à l’usure du temps.
En définitive, un livre prenant que, une fois ouvert, le lecteur l’abandonne qu’à la dernière page.