L’industrie de la défense : un pilier indispensable de la souveraineté des démocraties européennes

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°797 Septembre 2024
Par Étienne GALAN (X85)

Le retour de la guerre en Europe, avec le conflit en Ukraine, et les ten­sions géo­po­li­tiques au Moyen-Orient sou­lignent l’importance pour l’Europe de déve­lop­per son indus­trie de défense afin de garan­tir sa sou­ve­rai­ne­té. Dans ce contexte, l’ETI fran­co-bri­tan­nique, Roxel, spé­cia­li­sée dans la pro­pul­sion des mis­siles, connaît une très forte crois­sance et accé­lère son déve­lop­pe­ment en misant notam­ment sur la R&D. Son pré­sident, Étienne Galan (X85) nous en dit plus.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours et les étapes les plus structurantes de votre carrière ? 

Après l’X où j’avais appris à pilo­ter, j’ai inté­gré Supaé­ro qui est sous la tutelle de la DGA pour son côté tech­nique de la for­ma­tion et la pos­si­bi­li­té de ser­vir la France. À par­tir de là, j’ai débu­té ma car­rière pro­fes­sion­nelle dans le monde de l’aéronautique à l’A­te­lier Indus­triel de l’Aé­ro­nau­tique (AIA) de Cuers-Pier­re­feu, dans la région tou­lon­naise, où j’ai notam­ment tra­vaillé sur la répa­ra­tion des avions de la Marine natio­nale. C’est, d’ailleurs, un des rares sites de la DGA où il y a une impor­tante acti­vi­té indus­trielle. J’ai eu la chance d’avoir un pre­mier chef excep­tion­nel qui m’a fait confiance et m’a très vite don­né d’importantes res­pon­sa­bi­li­tés, dont l’encadrement de près de 450 per­sonnes. Cette expé­rience a été par­ti­cu­liè­re­ment struc­tu­rante dans mon par­cours et a confir­mé ma pas­sion pour le monde de l’industrie.

Après une année, dans les bureaux cen­traux de la DGA à Paris, je suis repar­ti dans l’industrie en quête de contact et d’interactions avec les ouvriers et les tech­ni­ciens au cœur des ate­liers. J’ai, d’abord, rejoint, en 1996, Lieb­herr Aeros­pace suc­ces­si­ve­ment aux postes de direc­teur qua­li­té puis indus­triel. Quatre ans plus tard, j’ai inté­gré Snec­ma, aujourd’hui Safran Air­craft Engines, où j’ai notam­ment par­ti­ci­pé à la mise en place des nou­veaux sys­tèmes d’information avant de prendre en charge l’unité inté­grée de pro­duc­tion forge. En 2006, j’ai été nom­mé adjoint du direc­teur indus­triel en charge de la stra­té­gie et du pro­grès conti­nu. Deux ans plus tard, j’ai repris la direc­tion du centre d’excellence indus­trielle dédié aux pièces tour­nantes. Après ces fonc­tions très opé­ra­tion­nelles, j’ai été nom­mé direc­teur de la qua­li­té en 2011 puis des achats en 2013.

« J’ai alterné des postes opérationnels et fonctionnels, ce qui m’a permis d’avoir une vision globale du monde de l’industrie. »

À par­tir de 2015, j’ai occu­pé les fonc­tions de direc­teur de la qua­li­té et amé­lio­ra­tion conti­nue de Safran. Dans ce cadre, avec mes équipes, nous avons mis en place l’initiative One Safran dont l’un des objec­tifs était de dif­fu­ser une culture de l’excellence dans l’entreprise. Ce pro­jet fai­sait, par ailleurs, écho à une convic­tion très per­son­nelle : notre indus­trie natio­nale peut être com­pé­ti­tive ! Dans cette conti­nui­té, nous avons mis en place un sys­tème de pro­duc­tion ins­pi­ré de Toyo­ta et de Valeo et adap­té au sec­teur de l’aéronautique. Cette ini­tia­tive se pour­suit aujourd’hui. Une école One Safran a même été mise en place pour for­mer les mana­gers. Le GIFAS, le Grou­pe­ment des indus­tries fran­çaises aéro­nau­tiques et spa­tiales, s’est notam­ment appuyé sur One Safran pour défi­nir son sys­tème d’ex­cel­lence opérationnelle.

Tout au long de ma car­rière, j’ai eu la chance d’être enca­dré et de tra­vailler avec des per­sonnes qui m’ont per­mis de gran­dir et d’apprendre. J’ai aus­si alter­né des postes opé­ra­tion­nels et fonc­tion­nels, ce qui m’a per­mis d’avoir une vision glo­bale du monde de l’industrie.

Depuis 2020, vous êtes à la tête de Roxel. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette entreprise et votre feuille de route ? 

Joint-ven­ture Safran et MBDA (50÷50), Roxel est une ETI qui contri­bue à la sou­ve­rai­ne­té natio­nale. D’ailleurs, depuis 2023, notre nou­velle devise est « Moteur de la Sou­ve­rai­ne­té ». Entre­prise fran­co-bri­tan­nique, Roxel moto­rise la qua­si-tota­li­té des mis­siles euro­péens à pro­pul­sion solide. Son acti­vi­té en fait un acteur indis­pen­sable à la défense fran­çaise, bri­tan­nique et européenne.

Roxel est avant tout une entre­prise de pas­sion­nés où on retrouve des talents aux com­pé­tences et aux exper­tises diverses et variées. En effet, pour construire un moteur de mis­sile, il faut des connais­sances en méca­nique, en chi­mie, en ther­mo­dy­na­mique, en balis­tique, en résis­tance des maté­riaux… Cela demande d’avoir recours à dif­fé­rentes et nom­breuses tech­no­lo­gies de pointe pour déve­lop­per ces moteurs, qui sont extrê­me­ment com­plexes, et qui doivent pou­voir fonc­tion­ner pen­dant des décen­nies et sans main­te­nance, dans des envi­ron­ne­ments très sol­li­ci­tant, comme les porte-avions où il y a des enjeux de sécu­ri­té et de très fortes exi­gences de fiabilité.

Dans ce cadre, mon prin­ci­pal enjeu est de main­te­nir une cer­taine excel­lence opé­ra­tion­nelle afin de conci­lier un cer­tain « arti­sa­nat tech­no­lo­gique » propre au sec­teur de la défense et les stan­dards de per­for­mance indus­trielle avec tout ce qui tourne autour du pilo­tage des pro­grammes et des pro­jets, l’industrialisation, la culture de la qua­li­té, la confor­mi­té, mais aus­si la pré­pa­ra­tion des pro­chaines géné­ra­tions de missiles.

Au cœur de votre activité, on retrouve l’innovation et la R&D. Comment cela se traduit-il ?

Roxel est en pleine crois­sance. Elle emploie plus de 800 per­sonnes et a voca­tion à dou­bler son chiffre d’affaires d’ici 2027. Depuis tou­jours, Roxel inves­tit signi­fi­ca­ti­ve­ment dans sa R&D. Aujourd’hui, grâce au sou­tien de la DGA et du minis­tère de la défense bri­tan­nique, nous tri­plons ce volume afin d’accélérer le déve­lop­pe­ment de briques et de démons­tra­teurs tech­no­lo­giques qui nous per­mettent d’avancer sur le déve­lop­pe­ment des moteurs du futur qui seront en ser­vice dès 2050. En effet, la matu­ra­tion d’une nou­velle tech­no­lo­gie demande au moins 10 ans aux­quels s’ajoutent 5 ans pour la phase de développement.

En paral­lèle, nous nous ins­cri­vons dans une démarche de veille tech­no­lo­gique conti­nue pour iden­ti­fier toute nou­velle tech­no­lo­gie ou éven­tuel dis­rup­ter qui pour­raient révo­lu­tion­ner notre sec­teur d’activité, comme les armes laser à haute éner­gie ou encore la pro­pul­sion hybride. Ce sont de nou­velles pistes que Roxel explore et qui vont don­ner lieu à des inves­tis­se­ments en matière de R&D. Enfin, dans le cadre de nos tra­vaux de recherche, nous réflé­chis­sons aus­si à tout ce qui tourne autour de la neu­tra­li­té car­bone et de la décarbonation.

© Laurent Guichardon/MBDA.

Quel est le profil de vos ingénieurs ? Quelles sont les perspectives de carrière qu’un acteur comme Roxel peut leur offrir ?

Roxel compte dans ses équipes des ingé­nieurs issus d’écoles très variées, aux for­ma­tions diverses et com­plé­men­taires. Une ETI à la pointe de l’innovation dans le domaine de la défense per­met aux jeunes talents de décou­vrir l’en­semble des facettes d’une entre­prise, de déve­lop­per une bonne com­pré­hen­sion des métiers, des exper­tises et des pro­duits. Contrai­re­ment à de grands groupes, il est plus facile pour un ingé­nieur d’apprécier l’impact de son tra­vail et de sa contri­bu­tion dans une ETI comme Roxel. Il est aus­si pos­sible d’y déve­lop­per une exper­tise poin­tue, d’être très vite auto­nome et d’avoir accès rapi­de­ment à des postes à forte res­pon­sa­bi­li­té. Enfin, Roxel reste une entre­prise à taille humaine où le mana­ge­ment est faci­le­ment acces­sible. Il y a une ambiance bien­veillante et une réelle atten­tion qui est por­tée au bien-être des collaborateurs.

Dans un contexte géopolitique tendu, l’industrie de la défense connaît un fort développement. Dans ce cadre, comment vous positionnez-vous et quelles sont vos ambitions pour Roxel ? 

En effet ! Et comme il ne peut pas y avoir de mis­siles sans moteur, nous connais­sons une acti­vi­té en forte crois­sance qui va, par ailleurs, tri­pler entre 2015 et 2027. En Europe, nous vivons une forme de rat­tra­page suite à la chute du mur de Ber­lin et les fameux divi­dendes de la paix. Nous sommes face à une impor­tante mon­tée en cadence aus­si bien en termes d’investissement que de déve­lop­pe­ment de nou­veaux pro­duits pour répondre notam­ment aux demandes de nos prin­ci­paux clients que sont MBDA, Safran, Thales, Saab…

La guerre en Ukraine a contri­bué à remettre notre rôle et notre mis­sion au cœur des pré­oc­cu­pa­tions. Aujourd’hui, nos objec­tifs de crois­sance et de per­for­mance ne sont plus uni­que­ment un enjeu d’ordre busi­ness, mais doivent aus­si contri­buer à la défense des démo­cra­ties occidentales.

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