L’industrie de la défense : un pilier indispensable de la souveraineté des démocraties européennes
Le retour de la guerre en Europe, avec le conflit en Ukraine, et les tensions géopolitiques au Moyen-Orient soulignent l’importance pour l’Europe de développer son industrie de défense afin de garantir sa souveraineté. Dans ce contexte, l’ETI franco-britannique, Roxel, spécialisée dans la propulsion des missiles, connaît une très forte croissance et accélère son développement en misant notamment sur la R&D. Son président, Étienne Galan (X85) nous en dit plus.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours et les étapes les plus structurantes de votre carrière ?
Après l’X où j’avais appris à piloter, j’ai intégré Supaéro qui est sous la tutelle de la DGA pour son côté technique de la formation et la possibilité de servir la France. À partir de là, j’ai débuté ma carrière professionnelle dans le monde de l’aéronautique à l’Atelier Industriel de l’Aéronautique (AIA) de Cuers-Pierrefeu, dans la région toulonnaise, où j’ai notamment travaillé sur la réparation des avions de la Marine nationale. C’est, d’ailleurs, un des rares sites de la DGA où il y a une importante activité industrielle. J’ai eu la chance d’avoir un premier chef exceptionnel qui m’a fait confiance et m’a très vite donné d’importantes responsabilités, dont l’encadrement de près de 450 personnes. Cette expérience a été particulièrement structurante dans mon parcours et a confirmé ma passion pour le monde de l’industrie.
Après une année, dans les bureaux centraux de la DGA à Paris, je suis reparti dans l’industrie en quête de contact et d’interactions avec les ouvriers et les techniciens au cœur des ateliers. J’ai, d’abord, rejoint, en 1996, Liebherr Aerospace successivement aux postes de directeur qualité puis industriel. Quatre ans plus tard, j’ai intégré Snecma, aujourd’hui Safran Aircraft Engines, où j’ai notamment participé à la mise en place des nouveaux systèmes d’information avant de prendre en charge l’unité intégrée de production forge. En 2006, j’ai été nommé adjoint du directeur industriel en charge de la stratégie et du progrès continu. Deux ans plus tard, j’ai repris la direction du centre d’excellence industrielle dédié aux pièces tournantes. Après ces fonctions très opérationnelles, j’ai été nommé directeur de la qualité en 2011 puis des achats en 2013.
« J’ai alterné des postes opérationnels et fonctionnels, ce qui m’a permis d’avoir une vision globale du monde de l’industrie. »
À partir de 2015, j’ai occupé les fonctions de directeur de la qualité et amélioration continue de Safran. Dans ce cadre, avec mes équipes, nous avons mis en place l’initiative One Safran dont l’un des objectifs était de diffuser une culture de l’excellence dans l’entreprise. Ce projet faisait, par ailleurs, écho à une conviction très personnelle : notre industrie nationale peut être compétitive ! Dans cette continuité, nous avons mis en place un système de production inspiré de Toyota et de Valeo et adapté au secteur de l’aéronautique. Cette initiative se poursuit aujourd’hui. Une école One Safran a même été mise en place pour former les managers. Le GIFAS, le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales, s’est notamment appuyé sur One Safran pour définir son système d’excellence opérationnelle.
Tout au long de ma carrière, j’ai eu la chance d’être encadré et de travailler avec des personnes qui m’ont permis de grandir et d’apprendre. J’ai aussi alterné des postes opérationnels et fonctionnels, ce qui m’a permis d’avoir une vision globale du monde de l’industrie.
Depuis 2020, vous êtes à la tête de Roxel. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette entreprise et votre feuille de route ?
Joint-venture Safran et MBDA (50÷50), Roxel est une ETI qui contribue à la souveraineté nationale. D’ailleurs, depuis 2023, notre nouvelle devise est « Moteur de la Souveraineté ». Entreprise franco-britannique, Roxel motorise la quasi-totalité des missiles européens à propulsion solide. Son activité en fait un acteur indispensable à la défense française, britannique et européenne.
Roxel est avant tout une entreprise de passionnés où on retrouve des talents aux compétences et aux expertises diverses et variées. En effet, pour construire un moteur de missile, il faut des connaissances en mécanique, en chimie, en thermodynamique, en balistique, en résistance des matériaux… Cela demande d’avoir recours à différentes et nombreuses technologies de pointe pour développer ces moteurs, qui sont extrêmement complexes, et qui doivent pouvoir fonctionner pendant des décennies et sans maintenance, dans des environnements très sollicitant, comme les porte-avions où il y a des enjeux de sécurité et de très fortes exigences de fiabilité.
Dans ce cadre, mon principal enjeu est de maintenir une certaine excellence opérationnelle afin de concilier un certain « artisanat technologique » propre au secteur de la défense et les standards de performance industrielle avec tout ce qui tourne autour du pilotage des programmes et des projets, l’industrialisation, la culture de la qualité, la conformité, mais aussi la préparation des prochaines générations de missiles.
Au cœur de votre activité, on retrouve l’innovation et la R&D. Comment cela se traduit-il ?
Roxel est en pleine croissance. Elle emploie plus de 800 personnes et a vocation à doubler son chiffre d’affaires d’ici 2027. Depuis toujours, Roxel investit significativement dans sa R&D. Aujourd’hui, grâce au soutien de la DGA et du ministère de la défense britannique, nous triplons ce volume afin d’accélérer le développement de briques et de démonstrateurs technologiques qui nous permettent d’avancer sur le développement des moteurs du futur qui seront en service dès 2050. En effet, la maturation d’une nouvelle technologie demande au moins 10 ans auxquels s’ajoutent 5 ans pour la phase de développement.
En parallèle, nous nous inscrivons dans une démarche de veille technologique continue pour identifier toute nouvelle technologie ou éventuel disrupter qui pourraient révolutionner notre secteur d’activité, comme les armes laser à haute énergie ou encore la propulsion hybride. Ce sont de nouvelles pistes que Roxel explore et qui vont donner lieu à des investissements en matière de R&D. Enfin, dans le cadre de nos travaux de recherche, nous réfléchissons aussi à tout ce qui tourne autour de la neutralité carbone et de la décarbonation.
Quel est le profil de vos ingénieurs ? Quelles sont les perspectives de carrière qu’un acteur comme Roxel peut leur offrir ?
Roxel compte dans ses équipes des ingénieurs issus d’écoles très variées, aux formations diverses et complémentaires. Une ETI à la pointe de l’innovation dans le domaine de la défense permet aux jeunes talents de découvrir l’ensemble des facettes d’une entreprise, de développer une bonne compréhension des métiers, des expertises et des produits. Contrairement à de grands groupes, il est plus facile pour un ingénieur d’apprécier l’impact de son travail et de sa contribution dans une ETI comme Roxel. Il est aussi possible d’y développer une expertise pointue, d’être très vite autonome et d’avoir accès rapidement à des postes à forte responsabilité. Enfin, Roxel reste une entreprise à taille humaine où le management est facilement accessible. Il y a une ambiance bienveillante et une réelle attention qui est portée au bien-être des collaborateurs.
Dans un contexte géopolitique tendu, l’industrie de la défense connaît un fort développement. Dans ce cadre, comment vous positionnez-vous et quelles sont vos ambitions pour Roxel ?
En effet ! Et comme il ne peut pas y avoir de missiles sans moteur, nous connaissons une activité en forte croissance qui va, par ailleurs, tripler entre 2015 et 2027. En Europe, nous vivons une forme de rattrapage suite à la chute du mur de Berlin et les fameux dividendes de la paix. Nous sommes face à une importante montée en cadence aussi bien en termes d’investissement que de développement de nouveaux produits pour répondre notamment aux demandes de nos principaux clients que sont MBDA, Safran, Thales, Saab…
La guerre en Ukraine a contribué à remettre notre rôle et notre mission au cœur des préoccupations. Aujourd’hui, nos objectifs de croissance et de performance ne sont plus uniquement un enjeu d’ordre business, mais doivent aussi contribuer à la défense des démocraties occidentales.