L’industrie du froid : un univers méconnu aux multiples opportunités !

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°797 Septembre 2024
Par Gérald CAVALIER (X90)

Mécon­nu du grand public et des ingé­nieurs, le monde du froid a un rôle stra­té­gique à jouer dans la tran­si­tion envi­ron­ne­men­tale et éner­gé­tique, mais aus­si la lutte contre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique. Gérald Cava­lier (X90), Pré­sident du groupe Tec­nea-Cema­froid, nous pré­sente cet uni­vers qu’il a rejoint il y a déjà plus de décen­nies ain­si que ses métiers et son impor­tance pour nos socié­tés et nos indus­tries. Rencontre.

Diplômé de l’X et des Ponts et Chaussées, quel a été votre parcours ?

Après avoir com­plé­té ma for­ma­tion à l’ENGREF, inté­grée depuis dans Agro­Pa­ris­Tech, où je me suis spé­cia­li­sé dans l’en­vi­ron­ne­ment, l’eau, les déchets, j’ai com­men­cé ma car­rière en ser­vice décon­cen­tré du minis­tère de l’a­gri­cul­ture et de l’en­vi­ron­ne­ment à Col­mar (68). Pen­dant quatre ans, j’ai occu­pé les fonc­tions de char­gé de mis­sion du pré­fet et de direc­teur adjoint de l’a­gri­cul­ture et de la forêt. Après cette pre­mière expé­rience, j’ai sou­hai­té don­ner une dimen­sion un peu plus inter­na­tio­nale à ma car­rière et j’ai ain­si rejoint le Cema­gref, orga­nisme de recherche public, où j’ai repris la direc­tion des rela­tions euro­péennes et internationales. 

Au bout de trois années, j’ai fait le choix de rejoindre le monde de l’entreprise en inté­grant le groupe Ruas, une PME fami­liale, spé­cia­li­sée dans la dis­tri­bu­tion d’eau, l’as­sai­nis­se­ment et le trai­te­ment des déchets, en qua­li­té de direc­teur géné­ral. Je me suis alors décou­vert une véri­table pas­sion pour l’entrepreneuriat et les PME. J’ai quit­té l’entreprise et pris pour six mois la direc­tion du Cema­froid, un GIE éma­nant du Cema­gref. J’ai alors décou­vert une belle endor­mie que j’ai contri­bué à déve­lop­per et que nous avons fina­le­ment rache­tée avec les col­la­bo­ra­teurs. Ensemble, nous avons trans­for­mé ce labo­ra­toire en un centre tech­nique indé­pen­dant, connu et recon­nu dans le monde entier sous le nom de Tec­nea-Cema­froid, une PME mul­ti­na­tio­nale qui pour­suit son déve­lop­pe­ment dans le sec­teur de la chaîne du froid, de la cli­ma­ti­sa­tion et de la réfrigération.

« Tecnea-Cemafroid, une PME multinationale qui poursuit son développement dans le secteur de la chaîne du froid, de la climatisation et de la réfrigération. »

Je dirige main­te­nant Cema­froid depuis près de 20 ans alors que je ne devais y res­ter que quelques mois ! Une vie, un par­cours, c’est avant tout des ren­contres et des oppor­tu­ni­tés à sai­sir, mais très rare­ment un plan de car­rière linéaire et figé. Lors de mes études, je n’aurais jamais ima­gi­né deve­nir un serial entre­pre­neur avec plus d’une qua­ran­taine d’entreprises créées ou reprises à mon actif. J’ai une cer­taine recon­nais­sance pour les per­sonnes qui m’ont aidé à avan­cer et qui ont mar­qué mon par­cours. Il y a notam­ment mon pro­fes­seur d’architecture à l’X Jean Doul­cier (X48) ; Michel Lafond (X67), mon pre­mier patron ; et bien sûr Michel Ruas, fon­da­teur du groupe Ruas, qui m’a trans­mis le « virus » de l’entrepreneuriat et de la PME. 

Vous évoluez donc dans le monde du froid depuis près de deux décennies. Quelles sont les caractéristiques de cet univers peu connu des ingénieurs ? 

Ce domaine est pour­tant indis­pen­sable et omni­pré­sent dans nos socié­tés ! Le monde du froid a la par­ti­cu­la­ri­té d’être très tech­nique et a des impacts majeurs sur notre éco­no­mie, notre envi­ron­ne­ment, notre mode de vie… Aujourd’hui le froid, les sys­tèmes de réfri­gé­ra­tion, de cli­ma­ti­sa­tion et de trai­te­ment d’air, entre autres, consomment 20 % de l’élec­tri­ci­té mon­diale et sont res­pon­sables de près de 8 % des émis­sions de gaz à effet de serre. Néan­moins, dans les grandes écoles d’ingénieurs, on va plu­tôt entendre par­ler de l’au­to­mo­bile, de l’aé­ro­nau­tique, des télé­com­mu­ni­ca­tions, du bâti­ment et du génie civil, et rare­ment, voire jamais, des tech­no­lo­gies du froid, de la cli­ma­ti­sa­tion, de la réfrigération.

« Le froid est un secteur en forte croissance. »

Le froid est un sec­teur en forte crois­sance et cri­tique dans un contexte mar­qué par l’accélération de la tran­si­tion éco­lo­gique et éner­gé­tique et qui a besoin de gagner en visi­bi­li­té dans notre socié­té pour atti­rer des com­pé­tences et des talents divers et variés à tous les niveaux y com­pris dans les for­ma­tions supé­rieures. En effet, le sec­teur du froid couvre un large panel de métiers, de la construc­tion des équi­pe­ments à leur ins­tal­la­tion, en pas­sant par leur exploi­ta­tion et leur main­te­nance. Au-delà de la tech­ni­ci­té de ses métiers, c’est aus­si un sec­teur à la pointe de l’innovation et de la tech­no­lo­gie avec de nom­breux défis struc­tu­rants à rele­ver en matière de consom­ma­tion éner­gé­tique et d’émission de gaz à effet de serre. 

À ce niveau, le sec­teur a déjà réa­li­sé des pro­grès signi­fi­ca­tifs et pour­suit ses efforts, alors que le froid est indis­pen­sable pour notre san­té, notre ali­men­ta­tion, notre bien-être, mais aus­si le sto­ckage de l’énergie. Dans un contexte de réchauf­fe­ment cli­ma­tique, la cli­ma­ti­sa­tion est deve­nue incon­tour­nable dans les voi­tures ou les bâti­ments mais elle doit être durable. Au-delà, la réfri­gé­ra­tion est aus­si indis­pen­sable à l’industrie ou aux télé­com­mu­ni­ca­tions, par exemple pour le bon fonc­tion­ne­ment des data centers.

Les fluides frigorigènes sont aujourd’hui pointés du doigt dans un contexte où la course à neutralité s’accélère. Comment votre secteur appréhende-t-il cette dimension ? 

Les fluides fri­go­ri­gènes ont vu le jour avec les pre­mières machines de pro­duc­tion de froid arti­fi­ciel il y a déjà près de deux siècles. Mais des fluides natu­rels uti­li­sés au départ comme l’eau et l’air, le CO2 ou l’ammoniac, nous sommes pas­sés à des fluides de syn­thèse, dont les plus connus sont les CFC, les HCFC désor­mais inter­dits ou encore les HFC en cours d’interdiction à cause de leur impact signi­fi­ca­tif sur la couche d’ozone et l’effet de serre. 

Depuis les années 80, nous avons vécu quatre révo­lu­tions en matière de fluides fri­go­ri­gènes et, aujourd’hui, nous entrons dans la 5e révo­lu­tion qui va nous rame­ner à plus de ver­tu avec le retour des fluides naturels.

“Depuis les années 80, nous avons vécu quatre révolutions en matière de fluides frigorigènes et, aujourd’hui, nous entrons dans la 5e révolution qui va nous ramener à plus de vertu avec le retour des fluides naturels.”

Au cours des décen­nies, les pro­fes­sion­nels du froid ont fait d’é­normes pro­grès en matière de réduc­tion des émis­sions directes de gaz à effet de serre. Mais des efforts encore plus mar­qués doivent encore être réa­li­sés alors qu’un tiers des émis­sions de gaz à effet de serre du sec­teur sont le fruit des fluides fri­go­ri­gènes et les deux tiers res­tants sont dus à la consom­ma­tion énergétique. 

Les fluides fri­go­ri­gènes vont donc res­ter au cœur des pré­oc­cu­pa­tions stra­té­giques du sec­teur qui doit conti­nuer à inno­ver et à déve­lop­per sa R&D pour trou­ver des alter­na­tives ver­tueuses, durables et moins émet­trices de gaz à effet de serre. 

Comment votre entreprise se positionne-t-elle sur ce secteur et vis-à-vis de ces transitions majeures ? 

En notre qua­li­té de centre tech­nique de réfé­rence, notre mis­sion est d’ap­por­ter la garan­tie de la per­for­mance de la réfri­gé­ra­tion, de la cli­ma­ti­sa­tion, de la chaîne du froid, du condi­tion­ne­ment d’air que ce soit en matière de san­té, d’alimentation, de bien-être des popu­la­tions, et de manière géné­rale pour toutes les uti­li­sa­tions du froid. Pour ce faire, nous met­tons à la dis­po­si­tion des entre­prises du sec­teur de l’accompagnement, du conseil et un large panel de solu­tions et d’expertises de manière indé­pen­dante. Dans ce cadre, nos par­ties pre­nantes sont les construc­teurs de maté­riel, les ins­tal­la­teurs, les main­te­neurs, les uti­li­sa­teurs de froid de la sphère publique et privée. 

Sur un plan plus opé­ra­tion­nel, notre exper­tise se décline en six grands métiers : les essais, véri­fi­ca­tions et éta­lon­nages ; la cer­ti­fi­ca­tion de pro­duits, de ser­vices, d’entreprises, de per­sonnes ; l’inspection notam­ment sur le plan sécu­ri­taire ; la for­ma­tion ; l’expertise ter­rain ; l’intelligence éco­no­mique et l’analyse de données. 

Chaque année, nous consa­crons près de 10 % de notre chiffre d’affaires à des tra­vaux de recherche, déve­lop­pe­ment et inno­va­tion pour mettre au point de nou­velles solu­tions pour notre usage en interne, mais aus­si pour nos clients. Avec nos ins­tal­la­tions et nos experts nous sommes pré­sents sur trois conti­nents et dans trois pays mais tra­vaillons dans plus de 40 pays dans le monde pour près de 10 000 clients. Notre ambi­tion est de pour­suivre notre déve­lop­pe­ment en nous concen­trant sur quatre axes stra­té­giques : déve­lop­per nos pres­ta­tions et notre exper­tise dans la tran­si­tion éner­gé­tique et envi­ron­ne­men­tale, nous déve­lop­per à l’in­ter­na­tio­nal, pour­suivre notre digi­ta­li­sa­tion et péren­ni­ser notre orga­ni­sa­tion et notre croissance. 

Qu’en est-il des opportunités de carrière que votre secteur peut offrir à des ingénieurs ? 

La France est un pays qui a déve­lop­pé une très forte exper­tise dans l’industrie du froid et son excel­lence dans ce domaine rayonne dans le monde entier. Comme pré­cé­dem­ment men­tion­né, le monde du froid offre de très belles car­rières et de mul­tiples oppor­tu­ni­tés dans la R&D, la concep­tion en bureau d’études, l’utilisation du froid avec des appli­ca­tions dans des domaines aus­si pas­sion­nants que la phar­ma­cie, l’alimentaire, l’automobile, le spa­tial, les télé­com­mu­ni­ca­tions ou encore la construction.

“La France est un pays qui a développé une très forte expertise dans l’industrie du froid et son excellence dans ce domaine rayonne dans le monde entier.”

Plus par­ti­cu­liè­re­ment, au sein de notre entre­prise, nous don­nons la pos­si­bi­li­té aux ingé­nieurs qui ont une cer­taine appé­tence pour les sujets poin­tus et tech­niques de déve­lop­per une réelle exper­tise tech­nique. Nous offrons aus­si des car­rières inté­res­santes dans le mana­ge­ment, la direc­tion de pro­jets dans l’ensemble des zones géo­gra­phiques où nous opérons. 

Sur un plan plus personnel, avec du recul, que retenez-vous de votre passage sur les bancs de l’école ?

La for­ma­tion à l’X m’a appris à tra­vailler vite et bien, avec rigueur et qua­li­té, afin d’appréhender des pro­blèmes com­plexes, divers et variés et les résoudre. En effet, le rôle de l’ingénieur, qui est au cœur même de toutes les tran­si­tions majeures qui redes­sinent nos socié­tés, est de faire preuve d’innovation et de créa­ti­vi­té pour créer ces solutions. 

Et pour conclure, un mot à nos lecteurs ? 

Enga­gez-vous et pas­sion­nez-vous pour ce que vous faites au quo­ti­dien ! Enfin, Tech­nea-Cema­froid recrute des pas­sion­nés pour conti­nuer à contri­buer à la réus­site de la tran­si­tion envi­ron­ne­men­tale, éco­lo­gique et éner­gé­tique, mais aus­si pour lut­ter contre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique. Avis aux intéressés ! 

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