L’ingénierie d’exploitation au service de la performance
L’exploitation des systèmes complexes
L’activité industrielle conduit à mettre en œuvre des systèmes complexes dont les performances doivent être assurées.
Qu’il s’agisse de plates-formes pétrolières ou de centrales nucléaires, la continuité du fonctionnement caractérisée par la disponibilité des systèmes de production normaux, la sûreté qui implique le maintien de l’installation dans des situations définies et le confinement de produits nocifs à l’intérieur de barrières étanches constituent des enjeux permanents de l’exploitation.
Bien entendu, l’économie et d’autres performances sont également importantes pour maintenir la compétitivité de la production. Pour atteindre ces performances :
- l’installation doit être maintenue en bonne condition matérielle,
- et l’intervention humaine est nécessaire selon des modes opératoires codifiés, reposant sur une information précise des opérateurs concernant l’état de l’installation et sur leur connaissance de son fonctionnement mise en œuvre selon un comportement respectant la culture de sûreté.
L’ingénierie d’exploitation
Cette maîtrise de l’état de l’installation, des modalités de son exploitation et, en fin de compte, de ses performances est rendue possible par la mise à disposition d’un vaste ensemble de connaissances, de documents, de prestations intellectuelles et d’explications fournies aux exploitants à titre d’accompagnement. Un tel arrière-plan de soutien, constitué de façon méthodique, peut être appelé ingénierie d’exploitation.
L’ingénierie d’exploitation des installations nucléaires
Dans cet article, nous présentons quelques remarques sur l’ingénierie d’exploitation des installations nucléaires : tranches de production d’électricité nucléaire et usines du cycle de combustible.
Les effectifs de l’ingénierie représentent 15 à 20 % des effectifs d’exploitation : 20 000 agents pour exploiter (conduire et entretenir) les tranches nucléaires d’EDF, 3 500 agents dans l’usine de traitement de combustibles usés de La Hague. Des équipes très nombreuses d’ingénierie doivent donc interagir efficacement avec des groupes encore plus volumineux d’exploitants. Nos propres services se situent dans l’assistance à l’ajustement de l’ingénierie au service des performances des installations au cours de leur exploitation.
L’exploitation des installations nucléaires
Les enjeux de l’exploitation nucléaire concernent la sûreté, l’économie et l’environnement. Sur ces différents plans, les résultats montrent en moyenne une amélioration importante depuis dix ans. Sur le plan économique, la disponibilité des installations et le taux de combustion du combustible augmentent. Les volumes de déchets produits et les doses d’irradiation reçues par les exploitants diminuent. La disponibilité des systèmes de sauvegarde s’accroît et le retour d’expérience permet de sans cesse amoindrir la fréquence et la sévérité des incidents opérationnels.
Ces résultats sont le fruit de méthodes strictes employées avec détermination :
- pour l’exploitation : la bonne application des règles et des procédures, la surveillance, le contrôle, la culture de sûreté, le management par la qualité, l’optimisation de la maintenance par la fiabilité,
- pour les évolutions des installations : la maîtrise de la conception et de la réalisation par un bon management de projet, la qualité des processus d’étude et de réalisation, la supervision des portefeuilles de dossiers et de projets, la préparation des interventions en commun entre l’exploitant et l’ingénierie, l’accompagnement des dossiers auprès des exploitants par l’ingénierie.
Les conditions de réussite de l’ingénierie d’exploitation nucléaire
L’ingénierie est habituellement occupée par la réalisation des installations neuves. Elle prend en charge assez naturellement les opérations importantes de maintenance et les modifications des installations.
Cependant, l’ingénierie d’exploitation nucléaire doit aussi se préoccuper de fournir les documents de mise à jour de la configuration de l’installation, les documents d’exploitation correspondants et les changements du référentiel d’exploitation tenant compte de l’évolution des exigences des autorités de sûreté ainsi que l’accompagnement d’explications et de formation des exploitants, y compris sur simulateur, qui leur correspondent. Il est clair que de telles prestations exigent une adaptation des méthodes de travail de l’ingénierie et surtout une mobilisation au service de l’exploitation.
Cette mobilisation demande une volonté, affirmée et transmise aux acteurs, de rassembler toutes les compétences qui travaillent, dans les deux exemples choisis, pour le parc nucléaire ou pour l’établissement de La Hague, au service d’une cause commune : mieux réussir l’exploitation.
La première condition concerne la transversalité. À cet effet, il faut faire partager à tous les enjeux de l’exploitation : sûreté, disponibilité, économie, écologie. Pour être efficace, ce partage doit commencer, dès l’apparition des menaces ou opportunités d’amélioration des performances, au début de la phase d’instruction des projets qui permettent de traiter les évolutions. L’ingénierie est donc associée dès la définition des besoins des projets.
La phase d’instruction, avant la décision de réaliser, qui est critique pour la réussite, appelle le concours de toutes les compétences pertinentes afin de déceler les besoins et les contraintes. De même cette transversalité est indispensable dans d’autres phases et, notamment :
- pour préparer en commun les interventions sur les installations qui sont déjà en cours d’exploitation,
- en vue de définir, préparer et délivrer les services d’accompagnement à l’exploitant.
La deuxième condition est de conduire les projets selon un référentiel de management par projets qui soit partagé par tous les acteurs, exploitants et ingénierie, et qui définisse clairement les rôles dans les projets :
- maître d’ouvrage ou commanditaire (émanation de l’exploitant) qui décide du lancement du projet et de la mise à disposition des moyens d’étude et de réalisation,
- maître d’ouvrage délégué ou pilote stratégique qui vérifie l’opportunité, précise les besoins en fonction du contexte et des enjeux stratégiques pour l’entreprise et établit l’organisation pour réaliser le projet,
- le maître d’œuvre ou pilote opérationnel (appartenant souvent à l’ingénierie) qui dirige la réalisation dans les conditions contractuelles prévues.
La troisième condition, dans des installations complexes, appelle un management des portefeuilles de dossiers en cours de traitement afin de maîtriser les évolutions, de réguler l’appel aux ressources d’ingénierie et aux autres ressources rares et de hiérarchiser les priorités.
Ces principes d’organisation peuvent paraître évidents mais lorsqu’il s’agit de les mettre en application dans de grands organismes afin qu’y participent leurs grandes directions de R & D, d’ingénierie, de métiers spécialisés et d’exploitation, cela requiert un changement des comportements et donc de la culture. Là se situe la rupture !
L’ingénierie d’exploitation est donc un métier qui se constitue. Les acteurs peuvent déjà être fiers des résultats qu’ils ont pu obtenir.