L’ingénierie tissulaire : une révolution très proche pour de nombreux traitements
L’ingénierie tissulaire a pour but la régénération partielle ou complète de parties déficientes du corps. Cette tâche est accomplie par le développement de technologies qui créent ou manipulent des biomolécules, des matériaux biologiques, des cellules et des tissus, dans le but de synthétiser un nouveau tissu, un organe, ou un appareil qui seront implantés au niveau de la blessure. Cette forme de thérapie diffère de celle des traitements classiques qui reposent sur le remplacement définitif du tissu ou de l’organe défectif par une prothèse et propose une solution durable à une multitude de problèmes cliniques.
Un des principaux challenges dans la création d’un nouveau tissu vient du fait que les cellules qui sont mises en culture en dehors du corps ne s’assemblent pas nécessairement en un organe tridimensionnel. En effet, les conditions de culture in vitro ne reproduisent pas complètement l’environnement in vivo beaucoup plus complexe : à l’intérieur du corps, des signaux sont transmis aux cellules par leur environnement extérieur. Ces signaux peuvent être chimiques, mécaniques et électriques et stimulent l’assemblage des cellules en organes.
Co-culture de cellules musculaires et nerveuses d’embryon de rat. Les cellules s’organisent et forment des synapses neuromusculaires. © INSERM, PHOTO ROUCHE A.
Les scientifiques ont essayé de reproduire les conditions naturelles de différentes manières : bioréacteurs pour réguler le flux nutritif, compression ou tension des cellules, utilisation de facteurs de croissance, etc. Ainsi, pour fabriquer un tissu, de nombreuses disciplines sont requises : science des matériaux, biologie moléculaire et cellulaire, ingénierie chimique et mécanique, biochimie, robotique, bio-informatique, médecine et chirurgie.
Les ingénieurs tissulaires ont comme projet ambitieux de synthétiser pratiquement tous les types de tissus humains, y compris le foie, les os, le cartilage, les vaisseaux sanguins, les muscles cardiaques, les nerfs, etc.
Deux exemples de produits déjà disponibles aux États-Unis et fréquemment utilisés sont la peau avec Apligraf par Organogenesis et Integra par Integra Life Sciences qui traitent les patients atteints de brûlures ou d’ulcères diabétiques et l’injection de chondrocytes avec Carticel par Genzyme dans le but de réparer le cartilage articulaire. Les produits de l’ingénierie tissulaire peuvent grandement améliorer les thérapies actuelles tout en réduisant les coûts du traitement. Citons en exemple le cas de la transplantation d’organes : un organe synthétisé éliminera les problèmes de rejet, donc le besoin de médicaments immunosuppresseurs qui les préviennent ainsi que les complications qui en découlent.
Deux approches utilisées pour la création de nouveaux tissus consistent en :
- conception et synthèse d’un tissu à l’extérieur du corps pour une implantation future : les greffes de peau utilisent cette méthode et sont utilisées en routine depuis plus de dix ans ;
- implantation d’appareils qui induiront la régénération du tissu in vivo. Ces appareils sont souvent désignés par le terme générique de « scaffolds » (échafaudages) et peuvent ou non contenir des cellules au moment de leur implantation. Les cellules proviennent souvent du patient lui-même. Elles peuvent être des cellules souches ou d’autres types de cellules en fonction du tissu à réparer. Les scaffolds sont composés d’un matériau biologique ou d’un polymère non toxique pour l’organisme. Ils sont assemblés et sont implantés à l’intérieur du corps où ils se dégradent peu à peu laissant la place à un nouveau tissu. Le choix du matériau est critique et est souvent fait afin de simuler au mieux l’environnement cellulaire naturel. Un exemple de matériau est le collagène-glucosaminoglycan utilisé entre autres pour aider à la réparation du cartilage. Certaines molécules régulatrices telles les facteurs de croissance peuvent être ajoutées afin d’assister à la régénération.
L’ingénierie tissulaire est un domaine qui s’est étendu très rapidement et attire l’intérêt de très nombreux scientifiques dans le monde. Même si la perfection est encore loin, on peut déjà se voir imaginer la construction future d’une machine capable de synthétiser n’importe quel tissu ou organe et qui résoudrait tous les problèmes liés à la transplantation.