LinkedIn, le monde du travail à votre porte
Trois expériences vécues des réseaux sociaux professionnels , qui ont conduit des camarades à obtenir les postes désirés, à l’autre bout du monde. Malgré l’apparente simplicité du système, une préparation méticuleuse s’impose pour convaincre les futurs employeurs via les canaux numériques, puisque les entretiens réels ne se font qu’au final.
Comme de nombreux cadres supérieurs ou dirigeants que je connais, vous êtes peut-être hostile à ces réseaux sociaux virtuels, qui après tout ne sont rien d’autre qu’un passe-temps (envahissant !) pour adolescents…Eh bien, vous allez changer d’avis, tout au moins en ce qui concerne les réseaux sociaux professionnels !
REPÈRES
Microsoft a déboursé 26 milliards de dollars pour acquérir LinkedIn. La raison en est simple : avec l’avènement de LinkedIn, champion incontesté du genre, la recherche d’emploi ou de talents ne sera plus jamais la même.
Le monde entier vous voit – pour peu que vous y soyez visible – et vous voyez le monde entier – pour peu que vous vous en donniez la peine.
DE PARIS À LA CALIFORNIE EN RÉPONDANT À UNE ANNONCE
Pierre a 27 ans, diplômé de l’X, il travaille pour un centre de recherche spécialisée dans les techniques d’amélioration du traitement de l’image dans le domaine médical.
En septembre 2016, par son réseau, il découvre sur LinkedIn une offre d’emploi qui l’intéresse tout particulièrement, à Irvine (Californie) :
Fancy being employee number two in a multi-award winning start-up ? Are you interested in solving complex problems in Computer Vision using Deep Learning ? Want to work for a company that’s already having a hugely positive impact on society ?
Vous êtes tenté par la vie au bord du Pacifique ? L’offre correspond à vos attentes et à vos compétences ? Faites comme Pierre, analysez l’annonce et définissez votre stratégie d’approche.
ANALYSER L’OFFRE
Compétences requises, mots clés, recherche d’information sur l’entreprise, connexions possibles avec son réseau… Toutes ces informations lui permettent d’adapter précisément son profil LinkedIn à la situation spécifique.
“ Se positionner pour montrer ses avantages concurrentiels ”
L’annonce est rédigée de façon à donner envie de faire partie d’une équipe gagnante, qui a pour ambition de changer le quotidien de beaucoup de personnes.
Le côté challenge et relax de l’annonce décrit surtout un état d’esprit, une façon de travailler, mais avant tout la mission est technique. Ils cherchent le meilleur et ils l’écrivent :
They have further exciting products close to launch and as a result are looking for the best Computer Vision, Data Science and Machine Learning talent they can find.
Les compétences requises, Pierre les possède toutes, encore faut-il le dire, et pour cela rédiger un profil LinkedIn qui les mette en exergue :
You’ll get experiment, research and develop new AI architectures and Deep Learning algorithms.
- A Computer Science or Mathematics background
- Well-rounded Data Science experience
- Computer Vision experience
- Deep Learning experience, specifically building and training Convolutional Neural Networks for object recognition.
Pierre vit désormais en Californie. © MACIEJBLEDOWSKI / Fotolia.com
Autre point clé de l’annonce, la personnalité du candidat :
This is one of those opportunities that doesn’t come around that often so if you’re smart, ambitious and passionate about making a real-world difference using Deep Learning, please get in touch.
Comment valoriser votre expérience de telle sorte que soient mises en exergue vos qualités personnelles telles qu’éthique, respect, ambition, passion ? En rendant humaine et unique votre propre histoire professionnelle.
Dans les nouvelles formes de management (et dans ce cas précis clairement il s’agit de management participatif), il sera essentiel de valoriser votre adaptabilité et votre capacité à travailler avec les autres, dans le respect des valeurs de l’entreprise.
Les mots clés : votre profil LinkedIn devra contenir les mots clés présents dans l’annonce (par exemple Computer Science, Computer Vision, Mathematics, Data Science Experience, Deep Learning experience…) afin que le moteur de recherche vous sélectionne à coup sûr.
Ces mots clés doivent apparaître dans les textes et dans la partie compétence. Mieux encore pour valoriser votre savoir-faire : la reconnaissance de vos compétences par des tiers (collègues, clients…) sera un plus sous la forme de recommandations et de soutiens.
OPTIMISER SON PROFIL LINKEDIN
Suite à l’analyse de l’annonce, voici l’introduction écrite par Pierre :
Passionate about mathematics, physics and computers, I’m working on automation architecture for virtual reality with health focus wearable and smart wearable in the healthcare industry. Team player, learning fast and working hard, I would like to join a dynamic and challenging team in a startup.
Engineer from Polytechnique School from Paris, I already studied and worked one year at the MIT on Computer Vision, Color Science, Deep Learning and Digital Signal.
Specialties : Computer vision, Machine Learning, Deep Learning, Color Science, Digital Image Processing, Networking, Processing Lighting / Software : C/C++, C#, MatLab, Image Processing Toolbox, Firmware, Automation.
N’hésitez pas à décrire vos projets de recherche, avec un style simple et direct, n’oubliez pas d’écrire votre profil en anglais, ajoutez vos coordonnées pour que l’on puisse vous joindre facilement…
IDENTIFIER SES AVANTAGES
Se positionner par rapport aux autres candidats potentiels – employés de l’entreprise qui recrute, ingénieurs américains qui pourraient prétendre au poste –, est important pour montrer ses avantages concurrentiels.
ADAPTER SA COMMUNICATION VIRTUELLE ET RÉELLE
Après avoir construit son profil LinkedIn en racontant son histoire professionnelle avec pertinence et modifié sa photo au profit d’une photo faite par un professionnel, plus dynamique et qui lui ressemble, Pierre enrichira son profil par deux publications très ciblées : Computer Vision et Deep Learning and applications.
Dans ce cas particulier, il n’aura pas été possible faute de temps de mettre en oeuvre une de nos stratégies de réseau physique pour approcher les fondateurs de l’entreprise.
ACTIVER SON RÉSEAU
Pierre contactera de nombreux anciens élèves de l’X déjà en Californie. Aucun d’entre eux ne travaille dans le même secteur, mais il obtiendra des conseils au sujet des différences interculturelles, des possibilités de logement, des pratiques en matière de recrutement et de contrat de travail…
Il s’en servira pour préparer et gérer ses entretiens.
RÉPONDRE À L’ANNONCE
Pierre veillera à scrupuleusement en respecter les consignes de recrutement.
SE PRÉPARER AUX ENTRETIENS DE RECRUTEMENT
Les entretiens seront en anglais bien sûr, tout d’abord par Skype ou Facetime, puis sur place aux États-Unis.
Pierre sera sélectionné, il recevra un appel cinq jours après avoir répondu à l’annonce (ce qui lui a laissé peu de temps pour préparer ses entretiens) et aura trois entretiens sur Skype, suivis de quatre autres lors d’un voyage aux États-Unis.
Trois mois plus tard, il sera en poste à Irvine comme Senior Engineer.
DE SHANGHAI À SINGAPOUR EN NEUF MOIS
Basé à Shanghai, Étienne dirige les sites de production asiatiques de son employeur, une entreprise française leader dans le secteur de l’automobile. X et diplômé de l’Insead (MBA), il a passé quinze ans en France, puis sept en Asie qui lui ont permis de bien comprendre les enjeux de ce marché, de connaître les décideurs et aussi la condition ouvrière.
Il parle mandarin et a un vrai attachement à la culture asiatique. Son retour programmé en France ne le satisfait pas, d’autant plus qu’il n’y a pas vraiment de poste à son niveau de responsabilité au siège du groupe. Son projet : rester en Asie, quitte à devoir déménager avec sa famille.
DÉVELOPPER SON RÉSEAU
À ce niveau de responsabilités, le réseau devient essentiel pour prospecter, connaître les entreprises qui investissent en Asie (pas seulement les françaises) et pour pouvoir se faire remarquer par leurs dirigeants. Et le réseau, c’est LinkedIn qu’il connaît bien.
UN PLAN D’ACTION EN CINQ VOLETS
Au moment où Étienne décide de rester en Asie, il se donne six mois pour trouver un nouveau poste.
Grâce au réseau qu’il a développé, Étienne a trouvé à Singapour un emploi répondant à ses aspirations. © BASICZTO / FOTOLIA.COM
Son plan d’action comporte cinq volets :
- auditer et évaluer son réseau existant ;
- augmenter sa participation aux événements professionnels du monde des affaires organisés par les communautés françaises en Asie ;
- devenir acteur dans des associations et groupes professionnels (Business France, chambres de commerce française, allemande ou américaine, représentation locale des conseillers du commerce extérieur de la France, association French Founders, thinktanks régionaux) ;
- profiter de chaque événement pour faire croître son réseau dans le secteur précis qui l’intéresse ;
- et enfin se positionner comme un spécialiste du marché asiatique dans l’industrie automobile en publiant sur LinkedIn une chronique mensuelle.
GÉRER EN PERMANENCE SON IMAGE
En six mois, le réseau d’Étienne a doublé de taille, il est en particulier très développé dans l’industrie automobile allemande. Et cela fonctionne parfaitement : il sera approché par une entreprise allemande leader dans le domaine des pièces détachées, qui produit massivement en Asie suite à des rachats récents.
“ Gérer sa e‑réputation avant même d’être en recherche active ”
Trois voyages en Allemagne plus tard, un contrat est signé. Étienne vit désormais à Singapour et est vice-president Production Asie pour l’industrie automobile allemande.
Cette histoire exemplaire est encore une exception : au moment de commencer à chercher d’autres opportunités professionnelles, Étienne était déjà un utilisateur chevronné de LinkedIn.
Il y gérait sa e‑réputation depuis plusieurs années, grâce à quoi il avait déjà une image forte et positive dans son réseau. Et c’est bien ainsi désormais qu’il faut procéder : gérer sa e‑réputation très en amont, avant même d’être en recherche active, pour être prêt à faire face à toute éventualité.
SE FAIRE REPÉRER PAR UN CHASSEUR DE TÊTES
Stéphane a 49 ans. Polytechnicien, il travaille depuis toujours dans le secteur de l’énergie, d’abord dans un groupe français puis dans un groupe européen. Après des missions en Afrique, au Moyen-Orient et au Canada, il est actuellement en mission en Russie depuis trois ans, dans le cadre d’un projet d’exploitation de ressources naturelles.
Aujourd’hui, après plusieurs années d’expatriation, Stéphane cherche à rentrer en France et à y trouver un poste à dimension plus stratégique.
Stéphane vit désormais à Paris.
© ALLFORTOF / FOTOLIA.COM
Ignorant tout des réseaux sociaux professionnels, il consulte néanmoins une spécialiste du domaine sur les conseils de sa femme. La stratégie est définie en commun : créer, développer et exploiter son réseau, valoriser son image, préparer les entretiens sans rien laisser au hasard, le tout en cinq étapes.
CRÉER SON PROFIL LINKEDIN
Il s’agit de valoriser les aspects clés de son parcours : expertise dans le domaine de l’énergie, expérience réussie de management de projets complexes multinationaux, adaptabilité à des cultures professionnelles aussi différentes qu’Afrique, Moyen-Orient, Canada et Russie, vision stratégique.
CRÉER ET DÉVELOPPER SON RÉSEAU
Il va prendre contact avec d’anciens élèves de l’École, d’anciens collègues de travail, d’anciens clients et fournisseurs, des expatriés rencontrés, des conseillers du commerce extérieur des différents pays, club d’experts… Sans oublier à chaque fois de demander des soutiens et des recommandations.
En cinq mois, Stéphane se sera constitué un réseau de plus de 1 200 membres dont 80 % sont dans son secteur de compétences et 40 % en Europe hors France.
RENCONTRER DES PROFESSIONNELS DU SECTEUR
L’objectif est de connaître le marché local, d’obtenir des informations actualisées et d’enrichir son réseau. La prise de rendez- vous a duré un bon mois, puis une semaine de congés pour pouvoir assurer tous les rendez-vous.
La règle est bien connue : ne jamais demander directement un emploi, seulement des recommandations !
CONTACTER DES CHASSEURS DE TÊTES PAR LINKEDIN
Stéphane étend les contacts au-delà de Paris car il est prêt à vivre dans un autre pays d’Europe si l’opportunité est belle. Il fait appel si possible à des recommandations de membres de son réseau, ou du réseau de son réseau, ce qui décuple les chances d’obtenir un rendez-vous.
Stéphane décrochera cinq entretiens de recrutement à Paris et sept autres dans le reste de l’Europe.
PRÉPARER SES ENTRETIENS DE RECRUTEMENT
Ces entretiens se déroulent sur Skype, puis en face-à-face, entre autres avec des jeux de rôle. L’un des chasseurs de têtes à Paris présentera Stéphane et l’accompagnera en finale pour un poste de responsable du business development worldwide, toujours dans le domaine de l’énergie.
Le contrat sera signé au bout de deux mois.
CHANGER D‘APPROCHE
La démarche traditionnelle, consistant à contacter les chasseurs de têtes du pays de destination souhaité, est désormais obsolète.
D’abord, parce que cela limite forcément la recherche : il n’est guère envisageable de contacter tous les chasseurs de têtes de tous les pays cibles, alors qu’avec LinkedIn, c’est possible.
Ensuite parce que LinkedIn est désormais la première source d’approvisionnement en candidats pour les chasseurs de têtes eux-mêmes ; c’est donc sur LinkedIn qu’il faut être, et surtout qu’il faut être vu.
L’IMPORTANCE DE L’HUMAIN ET DU CULTUREL
Si ces démarches ont été couronnées de succès, c’est que deux aspects ont été particulièrement bien soignés. C’est en premier le facteur humain. Au-delà des diplômes (c’est la moindre des choses), de la liste de vos employeurs et de l’énoncé de vos résultats, c’est la façon dont vous allez en parler, « l’histoire » que vous allez raconter, qui va faire la différence, qui vous positionnera au-dessus des autres.
“ C’est l’histoire que vous allez raconter qui vous positionnera au-dessus des autres ”
Sans fausse pudeur, adonnez-vous au storytelling et racontez la belle histoire de vos expériences et de votre personnalité.
Et en second, c’est la prise en compte des différences interculturelles. N’oubliez pas que le virtuel n’est qu’un vecteur, un facilitateur qui abolit les frontières et supprime les distances, mais qui peut aussi vous donner l’illusion d’une fausse proximité.
Faire du réseau à l’international signifie communiquer avec des personnes que vous ne rencontrez pas, à qui vous n’allez pas serrer la main pour vous présenter. Mexico, Londres ou Shanghai n’ont pas la même culture que vous.
Les réseaux sociaux professionnels sont une formidable opportunité, mais ne sont pas la panacée. En tirer profit requiert méthode, sérieux et travail… comme toujours.