L’innovation dans la chimie de spécialités
Alimentation
Alimentation
Lorsque le consommateur déguste une glace, il n’imagine pas immédiatement que ce produit, si agréable au palais, est en fait un mélange complexe, redevable de son goût et de sa texture à une organisation particulière de la matière. On y trouve de l’eau sous forme de cristaux de glace, de l’air sous forme de mousse, des matières grasses où sont partiellement solubilisés certains arômes et des polymères naturels qui se mélangent aux différents ingrédients et les lient ensemble…
Les mêmes constituants répartis différemment dans l’espace conduiraient à un produit d’une tout autre nature. La formulation est tout à la fois le choix des constituants et leur mise en forme (via un procédé de fabrication). C’est cet ensemble qu’il faut maîtriser pour préparer de façon reproductible un produit procurant du plaisir au consommateur. La glace, qu’elle soit fabriquée artisanalement ou industriellement, est un des nombreux produits formulés auxquels le consommateur est habitué.
Photo en microscopie optique polarisante d’une glace à la pomme. On voit une bulle d’air entourée de cristaux de différents types.
Au cœur de la chimie de performance, la formulation a pour fonction principale de mélanger des produits en général incompatibles et de les organiser dans l’espace afin que la propriété d’application, ici le goût et la texture, soit optimale.
La chimie en développant de nouveaux additifs de texturation et des arômes rend possible la multiplication de produits toujours plus élaborés sur les rayons alimentaires de nos supermarchés.
Bricolage
Il y a quelques années, lorsqu’un particulier décidait de repeindre sa chambre à coucher, il ne trouvait sur le marché que des peintures à base de solvants organiques. À cause de l’odeur et de la toxicité liée à l’évaporation de ce solvant, il ne pouvait pas dormir dans sa chambre pendant plusieurs jours. Désormais, l’utilisation de peintures sans solvant (c’est-à-dire » à l’eau ») permet de dormir sans problème le soir même dans la pièce juste repeinte.
Une peinture est, de façon extrêmement simplifiée, un mélange de particules minérales ou organiques amenant la couleur et un polymère permettant de lier ces particules minérales entre elles en assurant l’adhésion sur le support où la peinture est appliquée. La formulation traditionnelle consiste à disperser les particules minérales ou organiques dans un solvant contenant le polymère. Une fois le produit appliqué, le solvant s’évapore et le polymère enrobe le minéral pour conduire à un revêtement sec.
Le remplacement du solvant organique par de l’eau dans les peintures a été une étape-clé vers un produit foncièrement différent, apportant des avantages écologiques indéniables. Pour ce faire, il a fallu disperser le polymère insoluble dans l’eau sous la forme de petites particules (appelées particules de latex). La peinture contenant alors à la fois des particules solides et liquides en suspension doit cependant garder toutes ses propriétés, que ce soit au moment de l’application ou dans le temps. Cela n’aurait pas été possible sans des progrès très importants dans la science des colloïdes qui étudie la matière finement divisée dans des organisations fluides complexes (problématique d’ailleurs commune à l’alimentaire).
Automobile
La chimie contribue très sensiblement à diminuer la consommation et les rejets de nos voitures modernes. L’utilisation de nouvelles silices précipitées à haute dispersibilité en remplacement du noir de carbone a permis d’abaisser significativement la résistance au roulement des pneumatiques. Ceci a conduit au développement d’une nouvelle génération de pneumatiques qui permet soit de réduire la consommation de carburant de plusieurs % (gamme Energy de Michelin par exemple), soit d’adhérer mieux sur la neige.
Par ailleurs, associé avec un filtre à particules, l’additif Eolys à bases d’oxydes de terres rares de Rhodia permet d’éliminer plus de 99,9 % des particules rejetées par les moteurs Diesel. Ce système unique équipe aujourd’hui les derniers modèles Diesel du groupe PSA (607, 406, 307 et C5).
Ces quelques exemples ne sont qu’une infime partie de l’innovation dans laquelle la chimie est impliquée. Néanmoins on voit clairement que l’innovation dans la chimie de spécialités ne peut se faire qu’en combinant souvent plusieurs technologies avancées, et une bonne connaissance des attentes du marché.
La chimie de spécialités, perspective d’ensemble
Très schématiquement, elle comporte deux catégories :
- la chimie fine, qui produit des molécules complexes assujetties à des spécifications rigoureuses (matière active pour un médicament par exemple),
- la chimie de performance, qui véhicule une propriété d’usage (par exemple goût, parfum, texture, protection aux UV, hydrofugation, adhésion…) et où la composition chimique en soi est moins importante pour l’utilisateur que la performance apportée.
La chimie, souvent mal comprise du public, est présente pratiquement dans tous les produits de notre vie courante, sans que nous nous en rendions compte. En effet, le marketing de ces produits, qui ne pourraient exister sans la chimie, s’accommode mal de l’image qu’a le grand public de cette industrie.
Beaucoup d’entre nous ont comme seul souvenir de la chimie celui de leurs cours de lycées ou de classes préparatoires. C’est-à-dire celui d’une science expérimentale un peu statique, peu sympathique car souvent dangereuse, où la mémoire était essentielle et où les manipulations fastidieuses – car convenues à l’avance – laissaient peu de place à l’imagination et à la créativité.
La réalité de la chimie de spécialités est bien différente. C’est une science diversifiée à évolution rapide en symbiose avec les métiers les plus avancés comme l’électronique, la pharmacie, l’agroalimentaire, la cosmétique, les transports. Cette industrie va bien au-delà de la simple fabrication de composés. Grâce à des compétences comme la physicochimie qui permet de combiner plusieurs produits ou systèmes non compatibles a priori, la chimie de spécialités fournit à ses clients des formulations complexes qui combinent souvent plusieurs propriétés d’usage.
Notre exigence accrue d’aujourd’hui quant à la santé, la sécurité des produits et la performance dans leurs applications n’est satisfaite que parce que la chimie permet de réaliser des produits nouveaux plus performants, plus sélectifs, plus stables et moins agressifs envers l’homme et son environnement.
Les facteurs favorables au développement de la chimie de spécialités
L’innovation dans la chimie de spécialités est favorisée par une convergence entre les nouveaux besoins du marché et de la société moderne, d’une part, et l’apparition de nouvelles techniques et outils, d’autre part.
Sans prétendre être exhaustif, plusieurs tendances lourdes de notre société favorisent le développement de la chimie de spécialités.
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L’exigence accrue en matière de qualité de la vie et de santé, qui se traduit par une demande plus sophistiquée en matière de qualité des produits, par exemple la recherche de nouveaux médicaments sans effets secondaires significatifs, de produits alimentaires plus sûrs, de nouveaux cosmétiques encore plus protecteurs pour la peau, de nouveaux produits plus écologiques (peintures sans solvants, nouvelles lessives, réduction des quantités de matières actives dans les produits agrochimiques, véhicules moins polluants…).
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La nécessité de produits aux propriétés ou aux performances nouvelles répondant à des besoins nouveaux, on peut citer le développement de l’électronique et de toute la chimie associée mais aussi l’industrie aéronautique et spatiale. Cela se traduit aussi dans la plupart des industries plus traditionnelles (nouveaux textiles, nouvelles peintures, nouveaux parfums, matériaux de construction plus résistants, pneumatiques plus performants…). Le souci accru de différenciation des grands clients sur leurs marchés s’est traduit au cours de ces dix dernières années par le développement de partenariats avec les chimistes de spécialités qui ont adapté leurs méthodes et leurs moyens à cette évolution.
- La recherche de procédés de fabrication plus performants en termes de coûts et de respect de l’environnement est un souci permanent des chimistes, d’autant plus que les deux concepts sont souvent liés. Entre 1980 et 2000, la production française a doublé alors que les rejets dans l’eau ont été divisés par 4, les émissions de SO2 par 5 et des oxydes d’azote NOx par plus de 2.
Face à cette demande, la chimie de spécialités, qui investit entre 3 et 6 % de son chiffre d’affaires en recherche et développement, a pu innover grâce à l’évolution d’outils et de techniques. On peut citer entre autres :
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les progrès considérables des outils d’analyses (microscopie électronique, résonance magnétique nucléaire, chromatographies…), dans l’approche des systèmes réactionnels complexes et la détermination précise de la structure moléculaire ou cristalline de produits ou mélanges complexes ;
- la disposition d’outils nouveaux d’expérimentation et d’analyse des résultats. Les tests hauts débits extrapolés de ceux utilisés en pharmacie permettent de tester expérimentalement un nombre très important de solutions. Depuis cinq ans, pour étudier une réaction nouvelle, on peut multiplier le nombre de catalyseurs testés par 100 ou par 1 000 selon les cas. Une telle capacité d’exploration permet de rechercher des solutions originales voire exotiques que l’on ne pouvait pas envisager d’étudier avec des moyens plus limités ;
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le développement des moyens de calcul et d’outils de modélisation, qui ont significativement amélioré l’efficacité et la sécurité des installations industrielles et permis de mettre au point de nouveaux procédés ;
- des nouvelles méthodes de gestion de l’innovation facilitées par les méthodes modernes de communication, qui facilitent la fertilisation croisée entre spécialistes de disciplines ou technologies différentes pouvant être géographiquement éloignés. Ceci permet de mettre au point des innovations plus complexes, véritables solutions élaborées répondant aux problèmes des clients. Aujourd’hui, la majorité des innovations de Rhodia provient de la fertilisation croisée entre plusieurs technologies du groupe. Le quart des projets est conduit au sein d’équipes dont les membres sont éloignés les uns des autres de centaines voire milliers de kilomètres.
L’avenir de la chimie de spécialités
Même si sa perception par le grand public est décalée par rapport à la réalité, la chimie de spécialités innovante devrait rester au cœur de notre développement économique, car elle est, comme nous l’avons vu dans les exemples précédents, un partenaire essentiel pour permettre aux autres industries de progresser. Rien qu’en France, la chimie est le deuxième secteur manufacturier avec un chiffre d’affaires de l’ordre de 80 milliards d’euros.
Alors que certaines productions banalisées se déplaceront vers des pays à main-d’œuvre bon marché comme la Chine ou certains pays de l’est de l’Europe, la chimie de spécialités, pour se maintenir en Europe occidentale et contribuer de manière efficace au développement du tissu industriel de haute valeur ajoutée, doit gagner deux défis : l’innovation et l’amélioration de son image auprès du public.
Si dans l’avenir, nous disposons de médicaments plus performants, de voitures plus économiques dont la peinture s’autocicatrise lorsqu’elles sont rayées, de maisons qui se nettoient toutes seules sous l’effet de la lumière ou de vêtements qui nous assurent un confort égal malgré de fortes variations de températures ambiantes, il est certain que la chimie aura joué un rôle essentiel dans l’amélioration de notre vie de tous les jours.
© RHODIA COMMUNICATION POUR LES 13 PHOTOS