L’innovation en entreprise, c’est l’affaire de tous !
Aujourd’hui, pourquoi est-il si important d’innover pour un grand groupe tel que Bouygues ?
Nous évoluons dans un monde qui se transforme extrêmement rapidement et qui apporte de nouvelles dimensions que nous devons intégrer : le paradoxe entre la globalisation et l’hyper-localisation ou encore le changement de la notion du temps qui implique une réactivité à la seconde dans le monde professionnel combinée à la capacité à raisonner sur le long terme.
À cela s’ajoute l’émergence des outils numériques qui altèrent les modes de communication dans le monde virtuel et les modes d’interaction dans le monde physique au niveau de tous nos métiers : construction, médias et télécoms.
Tous ces nouveaux paramètres nous poussent à innover et à nous réinventer. L’innovation a toujours été une valeur fondatrice et centrale au sein du groupe Bouygues. Traditionnellement, elle était reliée à la technologie et à la R&D.
Aujourd’hui, nous la retrouvons aussi au niveau des processus, de la méthodologie de travail et de l’organisation. Elle est devenue l’affaire de tous au sein des entreprises.
Qu’en est-il de l’Open Innovation ?
Citycharge. ©Frédéric Berthet
J’utilise souvent une analogie avec le monde maritime pour expliquer le rôle de l’Open Innovation dans un groupe tel que le nôtre. Comparons le groupe Bouygues à « un super tanker » évoluant dans des eaux dangereuses. Auparavant, le danger venait principalement d’autres super tankers, ce qui nous laissait le temps d’anticiper ce danger.
Aujourd’hui, ce danger peut également provenir de petites vedettes rapides et innovantes. Plus particulièrement, les start-ups qui opèrent en mode agile ont complètement bouleversé les modèles auxquels nous étions habitués. Il n’est en effet plus possible de tout explorer tout seul.
Pour réussir, il faut s’entourer d’une « flotte de bateaux ». C’est ce que l’Open Innovation nous permet de faire en nous ouvrant sur les différents écosystèmes qui nous entourent dans l’optique de servir un objectif commun.
Les entreprises sont, d’ailleurs, de plus en plus invitées à avoir recours à l’Open Innovation. Qu’en est-il pour vous ?
Le groupe Bouygues a toujours fonctionné de manière très décentralisée. Chacun de nos métiers dispose d’une grande indépendance et autonomie dans son propre secteur d’activité. Chaque entité a donc sa propre équipe dédiée à l’Open Innovation.
Bouygues SA, la holding du Groupe, s’est dotée d’une direction de l’innovation, appelée e‑Lab pour animer l’innovation pour l’ensemble du Groupe. Au sein du e‑lab, je suis en charge des sujets liés à l’Open Innovation de manière transverse.
Ainsi, chaque métier a créé sa propre relation avec les start-ups en les identifiant, en mettant en place des partenariats et en allant même jusqu’à prendre des participations à travers un fonds d’investissement qui lui est propre.
En parallèle, Bouygues SA, à travers Bouygues Développement, accompagne les entités du Groupe en intervenant, notamment, au niveau de l’évaluation technico-économique des startups qui est réalisée selon un modèle commun.
Ils pourront évaluer la pertinence de la start-up et faire un suivi de la prise de participation, par exemple.
Concrètement, quel est le rôle de la direction de l’innovation et du e‑Lab ?
Nous avons 3 missions complémentaires :
- un métier de prospective : nous sommes en veille permanente pour suivre ce qui se passe dans le monde et identifier les idées, les tendances, les innovations qui peuvent nous impacter notre Groupe.
Dans cette optique, nous nous appuyons sur deux bureaux : Winnovation, situé dans la Silicon Valley, et Bouygues Asia, à Tokyo. Nous organisons aussi régulièrement des « voyages d’études » avec notamment nos managers opérationnels pour leur permettre de se confronter à d’autres usages ; - un métier d’animation : pour innover, il faut trouver et identifier de bonnes idées, mais également apprendre de ses erreurs et les comprendre pour en tirer les leçons. Nous animons ce travail de fertilisation croisée entre innovateurs du Groupe ;
- un métier de services : nous sommes au service de nos métiers et de nos business units. Nous leur vendons des prestations d’accompagnement, comme le font des sociétés de services, de conseils, sur des sujets au plus proche de leurs besoins et de leurs clients.
Nous travaillons ainsi en permanence entre court terme et long terme
Quels sont les enjeux qui persistent dans cette démarche ?
La route solaire de la société Wattway. © Joachim Bertrand/ Colas
Aux enjeux connus par tous les grands groupes tels que Bouygues s’ajoutent les défis sectoriels connus par chacun de nos métiers. La transformation numérique qui bouleverse les modèles traditionnels reste un des principaux enjeux auquel toutes nos filiales sont confrontées. Il est primordial de capitaliser sur les nouveaux outils offerts par le numérique pour faire évoluer nos offres et réinventer notre manière de servir nos clients tout en nous adaptant au contexte de chacun de nos métiers.
En effet, les actions menées au niveau de la route, de la construction ou des télécoms ne seront pas les mêmes. Par exemple, au niveau de la route, c’est la possibilité d’utiliser différemment les infrastructures routières, jusque-là passives, pour produire de l’énergie comme le fait la société Wattway et sa route solaire.
Dans le monde de la construction, Citybox rend l’éclairage urbain intelligent avec des lampadaires connectés qui offrent une multitude de nouveaux services : accès à internet, point de recharge pour les véhicules électriques, station météo, régulation du trafic urbain…
Vos perspectives ?
Pour être en capacité de fournir ces nouveaux services et de faire évoluer nos métiers, il faut se réinventer en mettant en place cette profonde transformation qui dépasse le cadre de l’innovation technologique et qui touche toutes les composantes de l’entreprise, tous ses processus.
Il faut passer d’une approche techno-centrée à une approche centrée sur le client et l’usage. On parle alors d’innovation frugale : nous ne sommes plus dans un contexte où nous imaginons un produit, établissons un cahier des charges, lançons un appel d’offres, fabriquons puis vendons un produit.
Il faut dorénavant se focaliser sur le besoin et l’usage du service, du produit que nous imaginons en collaborant avec nos clients et en prenant en compte ses attentes. On commencera par réaliser un prototype non fonctionnel pour réfléchir avec notre client afin de co-concevoir progressivement le produit final adapté aux attentes et aux besoins du marché.
Et pour conclure ?
Cette démarche modifie considérablement la manière d’innover et de travailler au sein d’un grand groupe. Il faut donner l’opportunité aux collaborateurs de vivre ce changement. L’année dernière, nous avons lancé une initiative pour permettre à nos collaborateurs d’innover en mode « start-up » autour de la question du bâtiment à économie positive.
Parce que le bâtiment reste un centre de coût élevé, l’enjeu est de faire en sorte qu’il soit plus rentable en valeur : financièrement, mais aussi en apportant une contribution positive au niveau sociétal. Ce défi a été présenté à une trentaine de collaborateurs représentant tous les métiers et la diversité du Groupe.
Au bout de 6 mois, nous avons obtenu 6 projets de start-ups. Nous allons accompagner le développement de plusieurs d’entre elles afin qu’elles participent concrètement à notre transformation, à notre réinvention.