« L’innovation et la créativité n’ont pas de limites »
Les nouvelles technologies et le digital révolutionnent le monde du BTP et ouvrent de nouvelles perspectives. Benoît Lecrioux, Responsable BIM au sein de la Direction Scientifique & Technique et Paul Sancey, Directeur Innovation chez NGE, nous en disent plus.
Le monde de la construction, à l’instar des autres secteurs d’activité, vit aussi sa révolution numérique. Qu’en est-il ? Qu’avez-vous pu observer à ce niveau ? Quelles sont les tendances qui se démarquent ?
Cette révolution a commencé il y a une quinzaine d’années avec le recours aux solutions logicielles pour archiver les documents, faire les plannings et piloter les projets. Au cours des dernières années, nous avons vécu une véritable accélération du déploiement de ces outils digitaux qui sont aujourd’hui largement utilisés sur le terrain. D’ailleurs, les acteurs du secteur utilisent de plus en plus d’applications et de logiciels différents. Mais parce que le digital est devenu une partie intégrante de notre quotidien, leur adoption dans le cadre professionnel se fait très naturellement. Cela se traduit également par une exigence plus forte des utilisateurs. Au-delà de la dimension ergonomique, ils s’attendent à plus de simplicité, de performance et d’intelligibilité. Dans le monde du bâtiment plus particulièrement, une des principales illustrations de cette évolution est le Building Information Modeling (BIM). Si son utilisation a tendance à se généraliser sur les chantiers, son adoption par les professionnels du métier reste hétérogène. Nous constatons que dans le bâtiment, la démarche BIM apporte toute sa plus-value quand tous les acteurs sont impliqués. En parallèle, sur les chantiers de travaux publics, grâce d’une part au retour d’expérience du BIM dans le bâtiment et d’autre part au plus faible nombre d’intervenants, le déploiement du digital nous semble plus rapide.
Aujourd’hui, comment intégrez-vous et appréhendez-vous l’innovation digitale dans vos métiers ? Quels sont les principaux enjeux auxquels vous êtes confrontés dans ce cadre ?
Dans un monde en perpétuelle mutation où les choses évoluent à très grande vitesse, l’utilisation des nouveaux outils technologiques devient indispensable pour monter en compétitivité. Le vrai challenge concerne l’adoption de ces outils au sein de l’entreprise.
En effet, alors que le nombre de solutions et d’innovations proposées a considérablement augmenté, l’enjeu est d’accompagner nos collaborateurs dans leur appréhension et maîtrise.
Aujourd’hui, près de 10 % de nos collaborateurs sont des promoteurs du digital, 80 % sont des suiveurs et le reste sont réticents à cette transformation. Nous considérons que quand on dépasse le seuil de 10 % de promoteurs d’une solution digitale, les autres finiront par suivre le mouvement et on pourra in fine embarquer tous les acteurs de l’entreprise dans le projet de digitalisation. Dans cette population de promoteurs, il faut aussi noter que les femmes sont surreprésentées. Nous nous appuyons ainsi beaucoup sur cette population qui accepte plus facilement le changement et perçoit plus rapidement l’intérêt du recours à ces solutions digitales. En parallèle, pour réussir sa transition digitale, il faut se doter d’une double compétence à la fois en termes de développement et en termes de construction. Cela permet de filtrer les innovations les plus pertinentes et appréhender la difficulté que cela pourrait entraîner sur les chantiers. Il faut aussi que ces dispositifs soient ergonomiques et qu’ils puissent apporter une réelle valeur ajoutée sur le terrain. Quand nous identifions un outil pertinent, nous recentrons nos ressources et nos efforts sur cette solution. C’est un processus long qui demande du temps et un investissement financier. En effet, il faut parfois savoir challenger nos processus en interne pour que le produit soit efficace.
Comment cela se traduit-il ? Pouvez-vous nous donner des exemples concrets ou des cas d’usages ?
Nous avons initié le BIM en 2013 pour fluidifier les échanges et synchroniser les différents usages. Il apporte une meilleure coordination, un échange plus facile, et permet aux professionnels de visualiser les maquettes sur des plateformes cloud et donc d’accroître l’accessibilité des informations au plus grand nombre. En parallèle, les outils du marché ne répondent pas toujours à toutes nos attentes. Nous sommes donc amenés à les optimiser avec des applications complémentaires que nous développons en interne à travers la programmation visuelle (low-code). Pour ce faire, nous capitalisons sur des solutions, comme Microsoft PowerApps, qui permettent de réaliser les développements nécessaires en une journée et de répondre à des besoins spécifiques très rapidement. Par exemple, pour le redémarrage des chantiers dans le contexte exceptionnel du Covid-19, nous avons mis au point une application afin de prioriser les projets à relancer selon l’accessibilité aux différents acteurs : fournisseurs, sous-traitants, exploitants… Autre illustration : pour digitaliser les formulaires et les comptes rendus, nous utilisons la plateforme Kizeo. L’objectif est de dématérialiser ces rapports d’une façon rapide et sécurisée. Cette numérisation des documents génère un volume important de données que nous pouvons analyser et valoriser pour en tirer le meilleur profit.
Quels sont les sujets qui vous mobilisent dans ce contexte ? Les perspectives que le digital peut ouvrir ?
Nous nous focalisons actuellement sur le déploiement de l’intelligence artificielle. Par exemple, l’IA est actuellement utilisée pour améliorer le tri des déchets du Grand Paris Express avec un apprentissage automatique des mesures faites par spectrométrie de fluorescence des rayons X. Nous explorerons de nouvelles pistes autour de l’utilisation de l’intelligence artificielle avec l’école de programmation de Marseille « La Plateforme » dont NGE est partenaire. De belles perspectives de développement sont à l’horizon !
Nous collaborons aussi avec des start-ups qui ont la capacité de coder rapidement les applications pour détecter les défaillances, identifier le niveau de sécurité, faire le suivi et les prédictions…
Nous sommes aussi mobilisés sur tout ce qui a trait à la smart city.
Concrètement, NGE étudie les opportunités et teste en interne les types de capteurs que nous pouvons proposer aux collectivités et aux mairies. Nous souhaitons participer à la construction de la ville de demain qui sera plus digitale, plus verte et plus harmonieuse. Pour cela, il faut vraiment casser les stéréotypes et instaurer de nouvelles bonnes pratiques et la culture du numérique. L’innovation et la créativité n’ont pas de limites et il faut explorer minutieusement chaque piste d’amélioration.
Quel est l’impact du numérique sur la relation client et votre proposition de valeur ?
Grâce au digital, nous sommes plus réactifs vis-à-vis de nos clients qui sont de plus en plus demandeurs. Ils peuvent ainsi visualiser le projet en 3D et mieux comprendre les propositions de valeur et les variantes que nous pouvons leur offrir. Nous misons, d’ailleurs, beaucoup sur la réalité augmentée pour superposer une maquette 3D virtuelle à la réalité. Le jumeau numérique apporte non seulement un meilleur suivi du projet, mais il permet aussi d’optimiser l’exploitation et la maintenance du bâtiment et des ouvrages.
Sur un plan plus opérationnel, la modélisation 3D apporte une meilleure cohérence entre les différents plans du projet.
L’avantage est aussi de pouvoir réutiliser les informations introduites dans ces maquettes pour faire du calcul et anticiper les éventuelles problématiques en amont de la construction. Couplée à la détection visuelle, la détection automatique permet de gagner en performance.
Le mot de la fin ?
Le monde du BTP se digitalise à très grande vitesse et sera beaucoup plus numérisé demain. Pour accompagner cette profonde mutation, la formation des collaborateurs est l’enjeu primordial.