L’innovation, moteur du développement du marché de la défense
Rappelez-nous le positionnement de Roxel dans le secteur de la défense.
Roxel est un groupe franco-britannique, le leader européen de la propulsion tactique et le troisième acteur mondial. Roxel est une filiale de MBDA et de Safran qui conçoit, développe, industrialise et commercialise des moteurs solides pour les systèmes d’armes tactiques, les missiles de croisière et d’autres applications, comme les cibles aériennes, par exemple. Notre coeur de métier tourne notamment autour de la conception de moteur anaérobie, qui a la capacité de fonctionner sans utiliser d’air. Le moteur emporte ses propres combustible et carburant, que nous appelons dans notre jargon le propergol solide. Notre activité est essentiellement orientée vers le marché de la défense. Notre principal client est le missilier MBDA pour ces quatre marchés domestiques : la France, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Allemagne. Nous exportons aussi en propre notamment vers les anciens pays de l’Est, le Moyen-Orient et l’Asie du Sud-Est. Roxel regroupe 650 collaborateurs et réalise un chiffre d’affaires annuel de 120 millions d’euros, qui tend rapidement vers 150 millions.
Corps d’allumeur en fabrication additive
Sur le marché de la défense, quelles sont vos ambitions ?
Nous faisons face à une forte concurrence des pays développés et en voie de développement. Pour conserver notre avantage compétitif et avoir un levier de différenciation, nous misons sur l’innovation. Notre ambition est de pouvoir proposer de nouveaux produits toujours plus performants, mais aussi plus économiques. Chez Roxel, l’innovation est double. Elle est dans notre ADN et est issue de la recherche financée dans le cadre de la défense. Par exemple, nous réfléchissons aux nouveaux propergols en travaillant notamment pour leurs éléments sur l’utilisation des molécules nitrées, qui sont plus énergétiques, mais aussi beaucoup plus instables. Elle est aussi inspirée des technologies et des procédés utilisés dans l’ensemble des industries, comme la fabrication additive, un procédé qui correspond bien à la taille de nos pièces et de leur complexité. Notre métier est à la confluence entre la chimie et la mécanique. Nous avons besoin d’excellents chimistes pour élaborer les formulations de nos propergols et de très bons mécaniciens pour réaliser les calculs et le dimensionnement pour les insérer dans nos moteurs afin de faire en sorte qu’ils génèrent de la propulsion. Cela nécessite aussi une large palette de compétences afin de rendre nos moteurs plus compacts pour gagner en performance, et plus aisés à fabriquer pour être plus compétitifs. Dans cette optique, nous développons des technologies de rupture comme le malaxage par résonance acoustique, un procédé emprunté à l’industrie pharmaceutique, qui remplacera à terme le malaxage mécanique classique et permettra ainsi de réduire considérablement les cycles de fabrication en passant d’un mois à quelques heures.
Qu’en est-il des principales tendances qui caractérisent le marché de la défense actuellement ?
Après des dizaines d’années de décroissance, les budgets de défense repartent à la hausse aussi bien en Europe que dans le reste du monde notamment en réponse à la multiplication des tensions. De plus en plus de pays en voie de développement veulent acheter du matériel et bâtir une industrie de la défense. Pour cela, ils sont demandeurs de transferts de technologies et nous sollicitent très régulièrement sur ce volet. Dans ce cadre, l’innovation est centrale, elle nous permet de garder une longueur d’avance, alors que ces transferts ne concernent bien évidemment pas les technologies récentes ou en cours de développement. La concurrence est d’abord européenne avec la Turquie par exemple, américaine et vient aussi des pays d’Asie et de l’Amérique du Sud. Elle est notamment économique, car ces pays bénéficient d’une main d’oeuvre à moindre coût. Il est donc essentiel de continuer à progresser et innover pour réduire nos coûts de production, mais aussi pour gagner des nouvelles parts de marché ou nouer des partenariats stratégiques, alors que Roxel est plus que jamais un acteur incontournable et reconnu dans le domaine.
Cloison de séparation par fusion laser (SLM)
Sur un plan plus humain, attirer et fidéliser les talents est un véritable enjeu pour les industriels de tous bords. Quel est votre positionnement à ce niveau ?
Sur les deux dernières années, Roxel a recruté 25 % de nouveaux collaborateurs pour remplacer des départs naturels et assurer les ressources nécessaires pour tenir une croissance prévue fixée à 30 %. Pour attirer et fidéliser les talents, notre meilleur argument reste le développement continu de notre entreprise en misant sur l’innovation et des investissements massifs. Dans cette optique, nous sommes en train de rénover et d’adapter notre outil industriel, soit l’ensemble de nos établissements (3 usines en France et 1 au Royaume-Uni). Nous rénovons et modernisons nos installations pour des usines au minimum 3.0. Nous implémentons des logiciels de MES (Manufacturing Execution System) avec différents outils pour relever les paramètres de tous nos procédés. C’est un aspect fondamental, car nous sommes sur des produits que nous ne pouvons pas tester alors que nous devons garantir à nos clients leur conformité. Avec ces systèmes modernes de relevé de paramètres de procédés, nous pouvons garantir la conformité et ainsi éviter des tests inutiles. Cela passe aussi par la robotisation et l’adaptation de la taille de notre outil industriel pour gagner un maximum de compétitivité. En parallèle, nous restons vigilants sur la montée en compétence et la polyvalence de nos collaborateurs. En effet, dans une ETI comme Roxel, il n’y a pas d’hyperspécialisation comme cela pourrait être le cas dans des groupes plus grands.
Vos enjeux ? Vos perspectives ?
Continuer à évoluer vers l’usine du futur, c’est une démarche inéluctable à laquelle nous ne pouvons pas échapper. En parallèle, nous restons focalisés sur la sécurité, un enjeu fort pour une société qui travaille sur des systèmes pyrotechniques. Pour éviter les accidents, la rigueur et le respect des procédures sont indispensables. Enfin, parce que nos systèmes restent assez complexes, nous devons faire appel à de nombreux métiers et technologies. Nous sommes donc ouverts aux collaborations avec des laboratoires extérieurs pour permettre notamment à nos experts de développer leurs compétences par le contact avec des scientifiques de haut niveau.