L’innovation ouverte est morte, vivent les organisations ouvertes !
Pour Albert MEIGE l’innovation ouverte est déjà une étape intégrée dans les entreprises, c’est pourquoi il passe déjà à l’étape suivante, celle de l’organisation ouverte. Ensuite s’enchaîne les éléments d’un futur plus radieux pour tous, la fin du travail que nous connaissons avec la mobilisation des talents à la demande pour chaque projet.
Comme toujours, quelques entreprises pionnières inventent de nouvelles pratiques managériales pour s’adapter à leur environnement – pour survivre. Ces pratiques sont ensuite diffusées, notamment par les grands cabinets de conseil aux autres entreprises. Enfin, ces pratiques sont théorisées par des professeurs brillants du monde académique, parachevant la diffusion de ces pratiques.
Il y a quinze ans, le terme open innovation – innovation ouverte – était proposé par le professeur Henry Chesbrough, de Berkeley, pour décrire un ensemble de pratiques inventées par quelques entreprises américaines vingt ans avant.
En 2017, où en sommes-nous quant à l’innovation ouverte ? Mode ? Réalité ? Tautologie ? Germe d’autres évolutions ?
REPÈRES
Selon Henry Chesbrough : « L’innovation ouverte prétend que le futur appartient à ceux qui seront les meilleurs pour intégrer le meilleur de leurs idées et capacités internes avec le meilleur des idées et capacités de l’extérieur.
Concevoir et orchestrer un réseau global de capacités est la base d’un futur plus radieux pour nous tous. »
Henry Chesbrough à Berkeley
INNOVATION OUVERTE : CONDITION SINE QUA NON POUR SURVIVRE
Depuis une quinzaine d’années, les chaînes de valeur ont été complètement reconfigurées à une vitesse fulgurante. Or, dans un monde extrêmement mouvant, l’organisation traditionnelle des entreprises n’est plus adaptée.
Non seulement l’innovation ouverte est la réponse darwinienne à un changement rapide de l’environnement, mais elle est le germe de bouleversements bien plus profonds des organisations.
“ L’open innovation est le germe de bouleversements profonds des organisations ”
Trois tendances disruptives bousculent nos entreprises. Tout d’abord, on assiste à une inflation exponentielle du volume des connaissances. Cette année, la quantité de publications scientifiques dans le monde dépassera les 5 millions et le nombre de brevets avoisinera le million.
Ces connaissances sont par ailleurs de plus en plus fragmentées : elles sont générées par des entités dont la taille moyenne diminue.
Ensuite, le rythme auquel un nouveau produit devient une commodité s’accélère. En quelques années, le délai de conception d’un avion est passé de dix à sept ans. Pour continuer à se différencier, préserver leurs marges et conserver leurs clients, la tendance est d’associer aux produits des services.
LES FONDS D’INVESTISSEMENT COMME ENTREPRISES OUVERTES
Certains fonds d’investissement figurent assez bien cette entreprise du futur : chacune des start-ups qui composent leur portefeuille est autonome et relativement fragile mais, au niveau macroscopique, l’ensemble est robuste et progresse symbiotiquement dans une perspective stratégique globale.
Michelin, sur son segment professionnel, ne vend plus des pneus, mais des kilomètres d’atterrissage. Cette tendance à la « servicisation » se généralise à tous les secteurs industriels.
Enfin, la numérisation précipite la reconfiguration des chaînes de valeur traditionnelles. Il y a quinze ans, l’industrie de la musique était complètement transformée par un acteur du numérique, Apple. Aujourd’hui, il s’agit du transport, du logement, de la banque, de l’assurance, etc. ; des secteurs essentiellement B2C – c’est la première vague.
Mais la seconde vague arrive : les mêmes stratégies dites « de plateforme » sont en train de voir le jour dans les secteurs B2B industriels. GE est en train de déployer la même stratégie qu’Apple avec l’AppStore, mais pour des applications industrielles.
Conséquence directe de ces trois tendances : pour tirer parti de connaissances exogènes pour innover plus vite dans un contexte numérique, l’open innovation apparaît comme un impératif absolu. Et comme un pléonasme. En effet, comment l’innovation pourrait-elle ne pas être ouverte ? En réalité, c’est même d’organisation ouverte qu’il faudrait parler.
DE L’INNOVATION OUVERTE À L’ORGANISATION OUVERTE
Pour innover mieux, plus et plus vite, toute l’organisation doit changer. De spatiale – aller chercher l’expertise là où elle se trouve –, la frontière devient temporelle : faire perdurer cette capacité. C’est pourquoi toutes les grandes entreprises, hantées par le spectre Kodak, se demandent comment atteindre l’agilité d’une start-up malgré leurs dizaines ou centaines de milliers de collaborateurs.
Michelin ne vend plus de pneus, mais des kilomètres d’atterrissage. © ALEXANDRE / FOTOLIA.COM
La réponse est une nouvelle forme d’organisation. Une entreprise ouverte et décentralisée, dynamique et numérisée. Les précurseurs en sont déjà visibles.
Tout d’abord, les précurseurs sont visibles localement au sein d’entreprises traditionnelles, souvent par le biais de nouveaux venus dans l’organigramme – le directeur innovation, le directeur de la transformation numérique, etc. Mais aussi par de nouveaux outils – incubateurs, accélérateurs, innovation labs, etc.
Autant d’initiatives locales dont l’objectif, au fond, est d’injecter de l’agilité au sein de l’entreprise.
Ensuite, ces précurseurs sont aussi visibles à l’échelle d’entreprises dans leur globalité. Des entreprises dans lesquelles le système pyramidal, jugé inefficace dans un contexte mouvant, est abandonné. Certaines entreprises dites « libérées » témoignent avec succès de ce type d’organisation.
LES START-UPS CHANGENT LE MONDE DES ORGANISATIONS
Parallèlement, de nombreuses start-ups innovent dans le domaine du recrutement, des ressources humaines et de l’organisation afin de répondre à ce nouveau besoin de flexibilité des entreprises. Des start-ups visionnaires imaginent déjà les entreprises décentralisées de demain, dont la gouvernance s’appuiera sur la blockchain.
D’autres start-ups se positionnent tout le long de la chaîne de valeur du recrutement : l’identification, la qualification, la contractualisation, la rémunération, etc. Grâce au numérique, toutes les sources d’inefficience de cette chaîne sont réduites.
Nous entrons dans un monde dans lequel le numérique permet d’identifier, de qualifier et de mobiliser des talents à la demande. Même de créer des équipes multidisciplinaires à la demande. Le temps d’un projet. C’est Uber, mais pour les métiers de l’entreprise.
EN MARCHE VERS UN NOUVEL ORDRE ?
Ainsi, le numérique est à la fois une des tendances disruptives qui bousculent nos entreprises, mais aussi l’outil qui permet la mutation de celles-ci, l’ouverture et la décentralisation – pour survivre.
“ C’est la fin de l’entreprise née de la révolution industrielle ”
Un pharmakon de l’agilité. C’est la fin du travail que nous connaissons. La fin du salariat. La fin de l’entreprise née de la révolution industrielle. C’est inévitable. Il est vain de chercher à freiner cette transformation.
Bien au contraire, il est temps que nos hommes et nos femmes politiques se mettent en marche pour accompagner nos entreprises, afin que cette révolution ne soit pas synonyme de régression sociale, mais bien de progrès.