Sarah Lamaison (X12), fondatrice de Dioxycle, lauréate du prix Jeunes Talents France 2020 de la fondation L’Oréal et de l’Unesco.

L’innovation technologique, passion indéfectible des polytechniciennes

Dossier : 50 ans de féminisation de l'XMagazine N°777 Septembre 2022
Par Cécile THARAUD (X84)
Par Sarah LAMAISON (X12)
Par Anne-Sophie CARRESE (X95)
Par Chloé CLAIR (X97)

Et si les poly­tech­ni­ciennes avaient un rôle par­ti­cu­lier à jouer pour rele­ver les défis de l’innovation tech­no­lo­gique ? Quatre témoi­gnages ; une réflexion par­ta­gée autour de notre pas­sion pour l’innovation, de nos par­cours com­po­sites et de notre res­pon­sa­bi­li­té socié­tale ; enfin une cer­taine vision de notre rôle envers les jeunes géné­ra­tions de poly­tech­ni­ciennes et de futures femmes ingénieures.

En cin­quante ans, les femmes poly­techniciennes ont mon­tré leur pré­sence pas­sion­née dans l’innovation tech­no­lo­gique : recherche ou inno­va­tion pro­duit, grand groupe ou start-up, struc­ture publique ou pri­vée, finan­ce­ment public ou capi­tal-risque, elles se sont notam­ment illus­trées par leur capa­ci­té créa­tive, mana­gé­riale, et un cer­tain goût pour les évo­lu­tions fer­tiles d’un côté à l’autre de l’écosystème d’innovation. Com­bien de fois avons-nous enten­du : « Votre par­cours n’est pas clas­sique ! » Pour­quoi « pas clas­sique » ? Eh bien, maman et « quand même » diri­geante, femme et « même » poly­tech­ni­cienne, tech­no­phile et « pour­tant » femme, « en même temps » scien­ti­fique et créa­trice d’entreprise ; pro­fes­sion­nelle « non seule­ment » du sec­teur public « mais aus­si » du sec­teur pri­vé, des grands groupes ou des start-up… bref, aventurières… ! 

Pour ce numé­ro anni­ver­saire, nous avons sou­hai­té vous livrer nos réflexions et inter­ro­ga­tions autour de ce qui nous rap­proche : une pas­sion indé­fec­tible pour l’innovation tech­no­lo­gique et des par­cours pro­fes­sion­nels com­po­sites. Un signe de fabrique des poly­tech­ni­ciennes serait-il la facul­té de créer, non seule­ment aux inter­faces dis­ci­pli­naires, mais aus­si aux inter­faces sec­to­rielles, struc­tu­relles et fonctionnelles ? 

Quatre parcours ponctués de « traversées »

Sarah Lamaison (X12)

Dioxycle a pris son essor début 2021, s’inspirant des méca­nismes de la pho­to­syn­thèse : la conver­sion, sous l’action de la lumière et à tem­pé­ra­ture ambiante, du CO2 en sucres, ces « car­bu­rants du vivant ». Nous déve­lop­pons des élec­tro­ly­seurs per­met­tant de conver­tir le CO2 issu des pro­cé­dés indus­triels en car­bu­rants et pro­duits chi­miques valo­ri­sables. Notre but est donc double : aider les indus­triels à réduire leur empreinte car­bone de manière éco­no­mi­que­ment viable, en valo­ri­sant le CO2 au lieu de le séques­trer, et pro­po­ser des pro­duits de com­mo­di­té issus du CO2 plu­tôt que du pétrole.

Si je retrace le par­cours qui m’a ame­née à me trans­for­mer de cher­cheuse en entre­pre­neuse, je dois dire que j’ai été gui­dée par la néces­si­té d’agir en urgence pour l’environnement, à une échelle signi­fi­ca­tive. Après un mas­ter en éco­no­mie de l’environnement, de l’énergie et des trans­ports, et un bref pas­sage par le corps des Ipef, je suis par­tie à Cam­bridge faire un second mas­ter, par la recherche, dans le domaine de la pho­to­syn­thèse arti­fi­cielle, avant d’effectuer une thèse – Col­lège de France et Stan­ford. J’ai eu la chance de tra­vailler avec des scien­ti­fiques qui m’ont beau­coup ins­pi­rée, et de croi­ser la route d’entrepreneurs tout aus­si ins­pi­rants qui m’ont mon­tré la voie pour trans­for­mer une inno­va­tion scien­ti­fique en amorce de tech­no­lo­gie com­mer­ciale. C’est ain­si que, après ma sou­te­nance de thèse en sep­tembre 2020 et un post-doc­to­rat à Stan­ford, j’ai cofon­dé Dioxycle, en France. Nous avons eu la chance d’être sou­te­nus par Bpi­france avec le prix i‑Lab en 2020, puis par le pro­gramme Break­through Ener­gy Fel­lows, fon­dé par Bill Gates, qui sou­tient des inno­va­tions de rup­ture dans les sec­teurs dif­fi­ciles à décar­bo­ner – un pro­gramme dans lequel nous sommes très heu­reux d’apporter une touche européenne !

Anne-Sophie Carrese (X95)

Je suis mana­ging part­ner chez Elaia, socié­té de capi­tal inves­tis­se­ment euro­péenne de pre­mier plan, dotée d’un fort ADN tech­no­lo­gique. Nous sou­te­nons des entrepre­neurs tech­no­lo­giques dis­rup­tifs aux ambi­tions glo­bales, de la créa­tion de la start-up aux phases de forte crois­sance. Depuis vingt ans, notre enga­ge­ment est de déli­vrer de la per­for­mance dans le res­pect de nos valeurs, notam­ment la diver­si­té : pari­té hommes-femmes dans l’équipe, diver­si­té d’âges, de par­cours. Elaia est elle-même une socié­té en crois­sance : depuis mon arri­vée il y a cinq ans, nous avons presque tri­plé, avec cinq nou­veaux fonds sous ges­tion et une pré­sence dans trois pays.

J’ai pré­cé­dem­ment contri­bué au démar­rage de quatre acti­vi­tés d’investissement en dix ans chez Bpi­france, après un début de car­rière au minis­tère de la Défense, comme ingé­nieure d’essai sur le moteur de l’avion Rafale. C’est ma pas­sion pour l’innovation qui a conduit mes évo­lu­tions de car­rière et, sur­tout, la chance de ren­con­trer des per­sonnes ins­pi­rantes qui m’ont fait confiance. Être une femme X ouvre beau­coup de portes ; pour moi il faut avoir la curio­si­té et l’audace d’essayer.

Chloé Clair (X97)

Je dirige namR, une start-up inno­vante dans l’intelligence des don­nées au ser­vice de la tran­si­tion éco­lo­gique, depuis novembre 2020. Concrè­te­ment, namR pro­duit des don­nées pre­mium qui carac­té­risent les bâti­ments, les ter­ri­toires et l’environnement, afin que toutes les par­ties pre­nantes autour des bâti­ments et des villes puissent avoir accès à des infor­ma­tions fiables et com­plètes pour mener leurs pro­jets de tran­si­tion éner­gé­tique et éco­lo­gique, à grande échelle. Pour pro­duire ces don­nées géo­lo­ca­li­sées, nous uti­li­sons aus­si bien des tech­niques de machine lear­ning que des savoir-faire experts : ther­mi­ciens, cli­ma­to­logues, éner­gé­ti­ciens, géomaticiens.

Avant de faire récem­ment ce « grand saut dans la tech », j’ai pas­sé quinze ans dans les métiers du BTP, à l’international, en direc­tion tech­nique, sur chan­tier pour Bouygues Construc­tion, puis dans le comex de Vin­ci Construc­tion. Cela en ayant sui­vi des études assez longues après l’X, qui m’ont menée à deve­nir à la fois ingé­nieure civil et envi­ron­ne­ment et archi­tecte DPLG. Ce qui m’a tou­jours gui­dée dans mes choix de car­rière ? La curio­si­té pour de nou­veaux champs d’applications tech­niques : simu­la­tions aérau­liques au sein d’espaces de vie, concep­tion envi­ron­ne­men­tale des bâti­ments, effi­ca­ci­té éner­gé­tique, intel­li­gence arti­fi­cielle, big data, etc. Et l’atout pour y aller en toute confiance ? La convic­tion qu’il est tou­jours pos­sible d’explorer de nou­veaux domaines tech­niques et tech­no­lo­giques grâce à une solide base de maths et de science !

Cécile Tharaud (X84)

De mon côté, je vou­lais soi­gner. Ayant fait l’X et non méde­cine, je « soi­gne­rais » au tra­vers de l’innovation tech­no­lo­gique. Or, à l’époque, presque pas de bio­lo­gie à l’X : je fais donc une thèse en géné­tique. Le MBA de l’Insead me donne une idée de ce qui se passe entre la recherche et le mar­ché, puis je vais « appli­quer » ces trois for­ma­tions si dif­fé­rentes dans l’industrie phar­ma­ceu­tique – trois ans. Oui, mais le patient à l’époque est bien loin du quo­ti­dien des indus­triels, et la recherche bien loin du mar­ke­ting ! Alors j’entre dans le tout jeune sec­teur de la bio­tech­no­lo­gie ; dans une fonc­tion stra­té­gique, la pro­prié­té intel­lec­tuelle ; puis pen­dant dix ans de mana­ge­ment dans les bio­tech­no­lo­gies, je me confronte à la rugo­si­té de l’interface entre recherche publique et recherche pri­vée, inter­face pour­tant si féconde, et tout juste incon­tour­nable en matière d’innovation tech­no­lo­gique. Alors, à 40 ans, je « change de côté » et je décide de contri­buer à gui­der vers les patients les décou­vertes des cher­cheurs : pen­dant une dizaine d’années, je trans­forme et je déve­loppe le trans­fert de tech­no­lo­gie (Inserm Trans­fert) et le fonds d’amorçage (Inserm Trans­fert Ini­tia­tive) de l’Inserm (Ins­ti­tut natio­nal de la san­té et de la recherche médi­cale). J’ai alors réa­li­sé que j’avais trou­vé ma place : l’interface ! Où il m’était deman­dé de mettre en mou­ve­ment la syn­thèse de mes études et de mon début de car­rière, très com­po­sites. Pro­mou­voir l’innovation pour trans­for­mer le monde, aux inter­faces cultu­relles, sec­to­rielles, tech­no­lo­giques ou géné­ra­tion­nelles, est deve­nu mon métier ; ceux qui me connaissent m’ont sou­vent enten­due dire que « la vie est un pro­blème aux limites », asser­tion pseu­do-phi­lo­so­phi­co-mathé­ma­tique dont j’ai fait ma bous­sole… Aujourd’hui, dans la même logique, je codi­rige Poly­tech­nique Ven­tures, fonds d’amorçage ins­ti­gué par les alum­ni pour sou­te­nir et accom­pa­gner les start-up issues de l’écosystème de l’École.


Un message aux jeunes polytechniciennes et aux lycéennes ? Pourquoi pas vous ? 

L’innovation tech­no­lo­gique est une terre d’ambition, de connais­sance, de joie pro­fonde et d’humanisme. En admet­tant que les femmes ins­pi­rées par les sciences dures aient fait par le pas­sé figure d’exception, une bonne nou­velle : le XXIe siècle est un siècle de conver­gence entre les sciences dures, la bio­lo­gie et les sciences humaines. L’innovation tech­no­lo­gique n’est pas une terre d’aridité, mais bien une terre de civi­li­sa­tion. Et un creu­set d’émotions aus­si pro­fondes qu’incroyables ! Fon­cez, vous avez tout pour y réus­sir, et y être heureuses ! 


Pourquoi l’innovation technologique ?

Sarah Lamaison

Mon prin­ci­pal moteur a tou­jours été de pour­suivre une mis­sion. J’ai choi­si de tra­vailler dans l’innovation tech­no­lo­gique, pour ser­vir la tran­si­tion éco­lo­gique, au vu de la dis­po­ni­bi­li­té des capi­taux pour les deep­techs et en fonc­tion de mes rêves scien­ti­fiques au sor­tir de ma thèse. On voit sou­vent des serial entre­pre­neurs qui entre­prennent dans de nom­breux domaines, je crois, pour la dyna­mique, le for­mat créa­tif de l’entrepreneuriat. Dans mon cas, c’est vrai­ment la tech­no­lo­gie, les per­cées scien­ti­fiques dans le domaine de la tran­si­tion éner­gé­tique, en par­ti­cu­lier le CCUS (car­bon cap­ture uti­li­za­tion and sto­rage), qui m’intéressent.

J’aime l’idée d’alterner entre le monde pri­vé des start-up et le sec­teur aca­dé­mique, pour res­ter à la fron­tière de la science, et pous­ser ce qui a un niveau de matu­ri­té tech­no­lo­gique suf­fi­sant vers le mar­ché ; tout en creu­sant ce qui a encore besoin de décou­vertes fon­da­men­tales, en milieu aca­dé­mique. Chez Dioxycle, j’adore le fait que nous tra­vaillons avec des tech­no­lo­gies qui ont déjà fait leur preuve dans la recherche publique, mais aux­quelles il faut venir ajou­ter des briques nou­velles pour éla­bo­rer un pro­duit indus­triel robuste et ultra-per­for­mant éner­gé­ti­que­ment. Le monde du CCUS (et de l’hydrogène) est fas­ci­nant ; la filière indus­trielle est en train d’être inven­tée, comme l’a été celle des fer­ti­li­sants au siècle der­nier avec l’avènement du pro­cé­dé Haber-Bosch, pour lequel il a fal­lu non seule­ment des per­cées scien­ti­fiques mais aus­si le per­fec­tion­ne­ment d’autres domaines comme la métal­lur­gie (pour réa­li­ser des réac­teurs qui puissent sup­por­ter les pres­sions d’hydrogène néces­saires). Bref, c’est un moment his­to­rique qui a besoin d’innovations tech­no­lo­giques – le choix était facile !

“L’anthropologie, la biologie, la chimie, les maths, la physique, la spiritualité sont inséparables.”

Cécile Tharaud

L’X m’a mon­tré la fécon­di­té des approches mul­ti­dis­ci­pli­naires et la puis­sance des conver­gences tech­no­lo­giques. Jusque-là émer­veillée par la vie, j’ai été fas­ci­née par la tech­no­lo­gie lors d’un stage d’option au CEA, en réso­nance magné­tique nucléaire. Et, comme je vou­lais « com­prendre la vie », j’ai écrit mon mémoire en SHS… sur la mort, et décou­vert les dia­logues entre culture et bio­lo­gie, entre ordre et désordre, entre vie et chaos, entre la Terre, le cos­mos et l’humain… J’ai pleu­ré en lisant Pri­go­gine, Morin, Jac­quard et Monod ; j’ai com­pris que l’anthropologie, la bio­lo­gie, la chi­mie, les maths, la phy­sique, la spi­ri­tua­li­té étaient insé­pa­rables. J’ai acquis la convic­tion que la connais­sance et la tech­no­lo­gie étaient sœurs jumelles. Et je me suis pas­sion­née pour le dia­logue entre tech­no­lo­gie et civi­li­sa­tion. La lec­ture de Brau­del m’a éclai­rée sur le lien étroit entre tech­no­lo­gie, éco­no­mie et civi­li­sa­tion… Mon fil d’Ariane est né à l’École et je le suis tou­jours, avec peut-être un peu moins de naï­ve­té, mais tou­jours autant d’enthousiasme : Poly­tech­nique Ven­tures a jusqu’ici finan­cé une tech­no­lo­gie de recy­clage pour notam­ment l’une des indus­tries les plus pol­luantes, le BTP ; une tech­no­lo­gie bio­mé­di­cale à base de micro­flui­dique pour soi­gner le can­cer de manière per­son­na­li­sée ; un pro­cé­dé de micro­élec­tro­nique au ser­vice de l’imagerie de demain ; le déve­lop­pe­ment de micro­réac­teurs nucléaires de 4e géné­ra­tion pour décar­bo­ner la cha­leur indus­trielle ; une nou­velle métho­do­lo­gie de cyber­sé­cu­ri­té au ser­vice de l’intelligence arti­fi­cielle ; une robo­tique tri­dimensionnelle inno­vante pour opti­mi­ser la logis­tique en smart city ; un ser­vice de numé­ri­sa­tion et décar­bo­na­tion du tra­fic maritime… 

Anne-Sophie Carrese

Mon équipe et moi ren­con­trons des inven­teurs, et les accom­pa­gnons pour struc­tu­rer une équipe qui sau­ra créer une start-up avec spin-off des bre­vets, dans laquelle nous inves­tis­sons ; le par­cours de Sarah en est un par­fait exemple !

Je suis convain­cue que tech is the new gold : la deep­tech est indis­pen­sable pour construire le monde de demain et il est stra­té­gique d’y inves­tir pour sur­vivre. En finan­çant tôt ces socié­tés tech­no­lo­giques, nous accé­dons à des pro­jets qui dis­posent de plus de temps pour atteindre leur matu­ri­té ; et sur­tout nous contri­buons à ce que les inven­tions ne res­tent pas lettre morte. La décou­verte aca­dé­mique a besoin d’être trans­for­mée en inno­va­tion pour, au-delà de la connais­sance, appor­ter son uti­li­té. Les tech­no­lo­gies numé­riques sortent ren­for­cées de la crise sani­taire, avec une adop­tion accé­lé­rée et d’importants mon­tants de liqui­di­té dis­po­nibles. Elaia a adap­té sa stra­té­gie d’investissement en se posi­tion­nant encore plus tôt, dès la créa­tion de socié­tés qu’elle accom­pagne ensuite plu­sieurs années. Nous vivons un moment d’accélération exceptionnel ! 

Tra­vailler dans les tech­no­lo­gies inno­vantes m’a tou­jours pas­sion­née, comme ingé­nieure en début de car­rière– je garde des sou­ve­nirs émus de mes essais sur Rafale – ou comme inves­tis­seur aujourd’hui ; je vois en pri­meur le monde chan­ger… et j’y contribue ! 

Chloé Clair

Comme Anne-Sophie, tra­vailler dans l’innovation pour « vivre au cœur du réac­teur », voi­là ma vision des métiers que j’ai embras­sés. « Voir le monde chan­ger et faire chan­ger le monde. » Comme Sarah, je suis gui­dée par la néces­si­té de la tran­si­tion éco­lo­gique et éner­gé­tique. Des grands groupes du bâti­ment à la start-up numé­rique que je dirige aujourd’hui, je me suis tou­jours levée le matin avec deux idées en tête : sau­ver la pla­nète par l’innovation tech­no­lo­gique et emme­ner mes équipes dans cette pas­sion de la trans­for­ma­tion par la tech­no­lo­gie. Et aus­si une troi­sième, en réa­li­té, un ques­tion­ne­ment : où sont les femmes autour de moi ? Si rares que j’ai gar­dé des ami­tiés extra­or­di­naires avec celles que j’ai ren­con­trées dans ma car­rière d’ingénieure, certes ; mais, aujourd’hui, une des mis­sions que je me suis don­nées est bien d’encourager les jeunes filles et les jeunes femmes à entrer dans cette danse enthousiasmante !


L’innovation technologique, un creuset de valeurs et d’émotions ?

Cécile Tharaud Sarah Lamaison Anne-Sophie Carrese Chloé Clair

Cécile : ser­vice, géné­ro­si­té, créa­tion, décep­tions, rages, joie, humani­té, émerveillement…

Sarah : quête de véri­té, pas­sion, admi­ra­tion pour les créa­teurs, de concepts scien­ti­fiques, de pro­duits tech­no­lo­giques, de pro­grès humain…

Anne-Sophie : plai­sir, confiance, doute, humi­li­té, enga­ge­ment, fier­té, enthou­siasme, excellence… 

Chloé : confiance, recon­nais­sance, cou­rage, éner­gie, par­tage, urgence, agi­li­té, transmission… 


Pourquoi ces parcours composites ?

Sarah Lamaison

Je crois qu’on ne peut pas par­ler d’un sujet sans avoir tra­vaillé ses fon­da­men­taux. J’ai choi­si de faire de la recherche pour com­prendre ce qu’on peut vrai­ment deman­der à la science quand on parle d’innovation. Com­bien de temps, quels efforts sont néces­saires pour décou­vrir un nou­veau concept ? Quel effort repré­sente l’amélioration des per­for­mances d’un sys­tème ? Quelle dis­tance depuis les résul­tats de recherche jusqu’au pro­duit tech­no­lo­gique ? Quels enjeux régle­men­taires et éco­nomiques ? Dans le domaine du CCUS, nous fai­sons face à beau­coup d’enjeux régle­men­taires et éco­no­miques, d’où le besoin d’aller cher­cher d’autres connais­sances dans tous ces domaines. J’ai vou­lu créer une entre­prise pour m’imposer cette urgence de pro­duire une solu­tion qui passe à l’échelle indus­trielle, qui se vende et, se ven­dant à grande échelle, ait un réel impact. 

Chloé Clair

Maî­tri­sant l’approche tech­no­lo­gique, j’ai vou­lu apprendre à en déployer les impacts avec la puis­sance dont sont capables les grands groupes indus­triels ; je l’ai fait avec bon­heur ! Puis j’ai sou­hai­té vivre l’innovation à vitesse accé­lé­rée, avec la sen­sa­tion d’une urgence pla­né­taire à laquelle seule une col­la­bo­ra­tion entre le pro­fes­sion­na­lisme et l’expérience des grands groupes, et l’énergie créa­trice des start-up, sau­rait répondre. 

Poly­tech­ni­ciennes, nous avons très tôt appris les codes pro­fes­sion­nels, his­to­ri­que­ment – accep­tons-le serei­ne­ment – empreints d’une cer­taine logique mas­cu­line. Femmes de tech­no­lo­gie, nous avons vite appris à maî­tri­ser ces codes, dans des contextes très divers ; la mul­ti­dis­ci­pli­na­ri­té et la res­pon­sa­bi­li­té nous y ont gui­dées. Femmes dans un monde mas­cu­lin, nous avons appris à par­ler toutes les langues et déve­lop­pé un talent pour l’adaptabilité. Ce qui nous donne à notre tour un accès natu­rel à des par­cours com­po­sites : riches d’efficacité et d’expérience humaine, oui, ils sont peut-être l’une de nos spécificités ! 

Cécile Tharaud

Comme Sarah, j’ai cru com­prendre au cours de ma thèse qu’une approche effi­cace en matière d’innovation deman­dait d’apprendre à faire le tour des dif­fé­rentes dimen­sions qui struc­turent le pro­duit final. Ain­si, en une quin­zaine d’années dans le sec­teur bio­mé­di­cal, j’avais expé­ri­men­té la recherche fon­da­men­tale, la ges­tion de pro­jets, le déve­lop­pe­ment de nou­veaux pro­duits, la pro­prié­té intel­lec­tuelle, le mana­ge­ment, et appro­ché plu­sieurs faces du juri­dique, du régle­men­taire et du finan­ce­ment. Ce qui a fait pour moi une dif­fé­rence, je crois que c’est d’avoir tra­vaillé une capa­ci­té de curio­si­té, d’écoute et de col­la­bo­ra­tion ; plus géné­ra­le­ment, une cer­taine confiance dans la puis­sance des liens, des cor­res­pon­dances, de toutes sortes. Fon­da­men­ta­le­ment, je rêvais d’un nou­vel huma­nisme, j’observais la flam­boyance des périodes où sciences, arts et lettres se « par­laient », je m’inspirais du fonc­tion­ne­ment du vivant – je réflé­chis­sais à l’entreprise à tra­vers le prisme des théo­ries de l’évolution, de la bio­lo­gie cel­lu­laire et des neu­ros­ciences… Une approche peut-être fémi­nine du monde éco­no­mique et managérial !

“Nous, femmes, cultivons par essence la capacité à sortir des cadres !”

Anne-Sophie Carrese

Je crois que nous, femmes, culti­vons par essence la capa­ci­té à sor­tir des cadres et une cer­taine liber­té de parole et d’action. Cette liber­té nous pro­pulse natu­rel­le­ment dans ces tra­ver­sées que nous décri­vons : nous allons où nous sen­tons qu’il est néces­saire d’aller, pour réa­li­ser l’important, l’efficace, le ren­table. Alors notre mes­sage aux géné­ra­tions sui­vantes : lais­sez-vous gui­der par vos envies et vos convic­tions, l’École vous aura for­mées à conci­lier excel­lence et agi­li­té. Il vous reste à être vous-mêmes, à oser audace et cou­rage ! Allez vers l’inconnu, vers ce qui est dur, car c’est là que l’on apprend, que l’on pro­gresse, que l’on se dépasse… 

Et les enfants dans tout ça ? Cer­tai­ne­ment le déclen­cheur de quelques « zig­zags » pro­fes­sion­nels – soyons réa­listes. Mais aus­si : une puis­sance créa­tive, une capa­ci­té d’adaptation ; la force du prag­ma­tisme, le sens des prio­ri­tés, un entraî­ne­ment à l’organisation et à la rési­lience ; la garan­tie d’une curio­si­té et d’un émer­veille­ment renou­ve­lés ; le sens de la mis­sion, le goût de l’évolution et l’apprivoisement du risque. 

Une conclusion ?

Les car­rières non linéaires et la diver­si­té des par­cours sont deve­nues un atout ; les soft skills des femmes, dont leur sens de l’intérêt com­mun, leur capa­ci­té d’écoute et leur talent de média­tion, leur exi­gence et leur pro­fes­sion­na­lisme, leur créa­ti­vi­té et leur agi­li­té, leur adap­ta­bi­li­té, leur sens du résul­tat, sont main­te­nant recher­chées ; la puis­sance rem­place le pou­voir ; le diplôme nous a per­mis de créer les bases de la confiance en une nou­velle géné­ra­tion de pro­fes­sion­nelles à qui nous espé­rons que toutes les portes sont en train d’irréversiblement s’ouvrir : celles des tech­no­lo­gies d’avenir et celles de la puis­sance d’agir, pour trans­for­mer le monde en un monde meilleur ! 

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