L’insertion sociale et professionnelle des jeunes sans qualification
Les Missions locales pour l’insertion des jeunes, qui sont des associations financées par l’État et par les municipalités partenaires, sont chargées d’accueillir tous les jeunes de 16 à 25 ans qui éprouvent des difficultés à se trouver une place dans la société. Leur principale tâche est l’accompagnement de ces jeunes dans leur recherche d’emploi, de stage et de formation. Le parcours ordinaire d’un jeune de mission locale, qui part généralement du niveau V I ou V bis1, est le plus souvent une succession de stages, de contrats « jeunes », de formations (pas toujours adaptées), tous de courte durée et n’aboutissant que très rarement à une embauche définitive.
On peut trouver de nombreuses raisons pour justifier cette situation, mais une des explications sur laquelle il nous paraît nécessaire d’insister est l’inadéquation de leur formation avec ce que recherchent les employeurs. Des chefs d’entreprise se plaignent de ne pas trouver de jeunes pour travailler chez eux.
Le réseau des Missions locales suit les parcours de 900 000 jeunes en situation précaire et recherche des entreprises susceptibles de leur offrir du travail. Il est vrai que ces jeunes manquent de savoir être, qu’il est souvent nécessaire de reprendre leur formation à la base, et qu’ils ne possèdent pas les repères essentiels à la vie en entreprise.
En mission locale, on doit parfois commencer par leur (ré)apprendre la ponctualité, la politesse, la propreté, l’hygiène… Ces jeunes y sont admis jusqu’au jour de leurs 26 ans ; et ensuite, s’ils n’ont rien trouvé, ils touchent le RMI, et n’ont plus comme interlocuteurs que les services de l’ANPE, lesquels sont mal adaptés à l’accueil de ces jeunes qui ont un fort besoin d’accompagnement.
Pour illustrer notre propos, voici une situation typique de celles que nous avons rencontrées en Mission locale. Cette situation ne résume pas toutes celles que nous avons rencontrées, mais elle permet de mieux comprendre pourquoi les jeunes perdent confiance dans le monde du travail. Abel, 20 ans, est inscrit à la Mission locale depuis deux mois. Il s’y était présenté parce qu’il avait entendu dire que l’on y proposait des formations rémunérées. Après discussion avec deux conseillers, on ne lui propose pas une formation, mais un « contrat ville d’assistant gardien d’immeuble ». Abel est « en galère », il lit difficilement, et jusqu’à présent n’a jamais eu d’emploi stable.
On lui explique rapidement ce qu’est le travail d’assistant gardien d’immeuble : cela semble correspondre tout à fait à ce qu’il sait faire. Mais dès le premier jour, après avoir été accueilli cinq minutes par le gardien, il se retrouve avec un seau et une serpillière à nettoyer la cage d’escalier. L’après-midi, il se fait engueuler parce qu’il est arrivé dix minutes en retard. Il en est de même le lendemain où il arrive à 10 heures (« je ne me suis pas réveillé... »). Au bout de deux jours il ne vient plus au travail, mais de toute façon le gardien ne veut plus le voir. Abel revient à la Mission locale en expliquant que « le gardien n’était jamais là, je suis sûr qu’il ne faisait rien pendant que je bossais ». Le contrat a duré deux jours. Il faudra du temps pour retrouver du travail à Abel, mais ce sera toujours trop dur, ou les patrons ne voudront pas de lui…
Peut-on considérer qu’on a donné une vraie chance à ce garçon ? Comment aurions-nous réagi à sa place ? Ces jeunes sont fragiles, ils ont de la peine à réaliser ce qu’est un travail quotidien. Mais ils sont nos contemporains et nos compatriotes, ils méritent qu’on s’intéresse à eux, et ils le prouvent, chaque fois qu’on veut bien leur prêter un peu d’attention et leur donner les moyens d’exprimer les qualités qu’ils possèdent ! C’est là que se trouve le challenge social des années à venir.
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1. Selon les critères des ministères de l’Éducation nationale et du Travail, cela correspond à un niveau de fin de cinquième.