L’Institut de veille sanitaire, un nouvel outil au service de la santé publique
Les différentes crises de santé publique qu’a connues la France au cours des quinze dernières années (sang contaminé, vache folle, hormones de croissance, amiante) ont conduit à la réorganisation des pouvoirs publics en charge de la politique de sécurité sanitaire et de santé publique.
Dès le début des années 1990, le contexte institutionnel de la santé publique a subi des modifications importantes qui se sont traduites par la création du Réseau national de santé publique, de l’Agence française du Sang, de l’Agence française du médicament et de l’Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI).
Cette modification du paysage institutionnel s’est accélérée en 1998 grâce à l’adoption par le Parlement de la loi n° 98–535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme.
Cette loi, complétée par des décrets d’application en mars 1999, a en effet créé trois nouvelles agences, établissements publics de l’État :
- l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) placée sous la tutelle du ministre chargé de la santé. Elle a pour mission d’assurer le contrôle de la sécurité sanitaire des produits de santé (médicaments, sang, greffes, dispositifs médicaux, réactifs biologiques…). Cette agence, qui se substitue à l’Agence du médicament, est dotée de pouvoirs de contrôle et dispose à cet effet d’un corps d’inspection ;
- l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) placée sous la tutelle des ministres chargés de la santé, de l’économie et de l’agriculture. Cette agence, qui regroupe le Centre national d’études vétérinaires et alimentaires et l’Agence du médicament vétérinaire, n’est pas dotée de pouvoirs de police sanitaire des aliments, qui restent de la compétence des pouvoirs publics. Sa compétence concerne l’évaluation des risques alimentaires considérés au sens large et incluant, de ce fait, l’eau d’alimentation ;
- enfin, l’Institut de veille sanitaire placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé qui se substitue au Réseau national de santé publique, créé en 1992 sous la forme d’un Groupement d’intérêt public.
L’Institut de veille sanitaire
Les missions de l’Institut de veille sanitaire
L’Institut de veille sanitaire reprend, en les élargissant, les missions qu’exerçait le Réseau national de santé publique (surveillance et investigations épidémiologiques) et se voit confier la responsabilité de la surveillance permanente de l’état de santé de la population et de la détection de tout événement susceptible de l’altérer.
Limitées dans un premier temps aux domaines des maladies infectieuses et à la santé environnementale (thématiques prises en charge dès sa création par le Réseau national de santé publique), les responsabilités confiées à l’Institut de veille sanitaire vont être étendues à la santé en milieu de travail, aux maladies chroniques (cancers notamment), aux accidents de la vie courante et aux infections nosocomiales.
Cette mission générale de veille sanitaire se traduit par la détection et la surveillance de tous les événements, quelle qu’en soit l’origine, susceptibles d’affecter la santé de l’homme. Lors d’un événement observé, il appartient à l’Institut d’en déterminer les causes et les possibles conséquences par la conduite d’investigations dont les résultats sont portés à la connaissance des Pouvoirs Publics, assortis de recommandations, les aidant ainsi à élaborer leur politique de santé publique.
Un fonctionnement en réseau
Pour l’exercice de ses missions de veille sanitaire, l’Institut constitue la « tête de réseau » de nombreux correspondants publics et privés.
Les premiers partenaires de ce réseau sont représentés par les Cellules interrégionales d’épidémiologie (7 actuellement) et, bien entendu, les services déconcentrés du ministère chargé de la santé (DDASS) auxquels l’Institut apporte un soutien méthodologique, pour les aider dans l’évaluation des conséquences pour la santé en relation avec différents facteurs de risques et participer ainsi à la construction du processus de décision.
La loi fait obligation à l’ensemble des acteurs publics et privés disposant d’informations utiles à sa mission de les mettre à sa disposition, y compris celles couvertes par le secret médical ou le secret industriel dans des conditions permettant, bien entendu, d’assurer leur confidentialité.
En contrepartie de la transmission de ces informations, l’Institut de veille sanitaire se doit de procéder à l’issue de l’analyse et de l’exploitation de ces données dans une perspective d’aide à la décision, à une rétroinformation auprès des fournisseurs de données permettant ainsi de maintenir un caractère opérationnel et mobilisateur au système de veille sanitaire.
Par exemple, les informations sur les cas de maladies à déclaration obligatoire, qui doivent être signalées par les médecins aux autorités sanitaires locales, sont centralisées à l’Institut de veille sanitaire et font l’objet chaque semaine d’une rétroinformation par l’intermédiaire du Bulletin épidémiologique hebdomadaire.
Les moyens
Au début 1999, l’Institut de veille sanitaire dispose d’environ 60 personnes, en majorité des épidémiologistes. Fin 1999, ces effectifs seront de 100 personnes avec une progression continue pour atteindre environ 200 en 2002.
Quant aux moyens financiers, ils s’élèvent à environ 100 MF pour l’exercice budgétaire 1999.
L’Institut de veille sanitaire et l’environnement
L’environnement, au sens large, constitue, selon l’Organisation mondiale de la santé, un déterminant important de l’état de santé des populations exposées ; c’est dans cette logique que, dès sa création, le Réseau national de santé publique a été chargé de développer des activités de surveillance et d’investigations épidémiologiques des problèmes de santé en relation avec expositions à des pollutions environnementales.
Les activités de surveillance épidémiologique
Elles consistent à mettre en relation des indicateurs de santé (mortalité, morbidité) et des indicateurs de pollution caractérisant l’exposition des populations. Compte tenu de l’absence quasi générale de spécificité des pathologies d’origine environnementale, ces activités de surveillance épidémiologique donnent lieu à des travaux méthodologiques. Ils ont essentiellement porté jusqu’ici sur la pollution atmosphérique urbaine et son impact sur la santé ; les résultats d’une étude de faisabilité entreprise en ce domaine dans neuf grandes agglomérations du territoire, portant sur la mortalité anticipée attribuable à la pollution atmosphérique, viennent d’être publiés.
Une extension de ces concepts méthodologiques à d’autres secteurs de l’environnement comme les eaux d’alimentation, domaine où l’on évaluera le rôle de facteurs microbiologiques dans l’apparition de gastroentérites, est envisagée.
La surveillance épidémiologique peut également se traduire par des enquêtes transversales répétées à intervalles réguliers permettant ainsi d’évaluer l’impact, en termes de santé publique, des mesures mises en œuvre ; citons à ce propos une enquête de prévalence sur le plomb et une enquête sur la contamination du lait maternel par les dioxines, furanes et PCB dont les résultats doivent permettre la définition des politiques publiques dans ces domaines.
Enfin, l’extension du concept de maladie à déclaration obligatoire à des pathologies environnementales (exemple du saturnisme infantile) devrait fournir des éléments utiles à la surveillance des effets des pollutions sur la santé et à l’évaluation des politiques de prévention.
Les investigations
Effectuées à la demande des services du ministère chargé de la santé, ces investigations permettent d’évaluer l’impact sanitaire de problèmes ponctuels de pollutions affectant l’environnement et sont utiles à la définition des mesures permettant de remédier aux situations dénoncées.
Les principales investigations effectuées par le Réseau/Institut se caractérisent par une grande diversité que souligne leur énoncé :
- pollution par métaux lourds (cadmium, arsenic, plomb, cyanures) dans l’environnement du site aurifère de Salsigne,
- mercure en Guyane en relation avec l’activité d’orpaillage,
- contamination d’un réseau d’alimentation en eau par l’arsenic,
- exposition à l’amiante en Nouvelle-Calédonie et en Corse,
- pollution du sol par le plomb dans l’environnement d’usines de métaux non ferreux,
- traitement en pomiculture par produits phytosanitaires.
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La création de l’Institut de veille sanitaire, qui s’inscrit dans le cadre de la réorganisation de la sécurité sanitaire, répond à un réel souci des pouvoirs publics de se doter, pour l’évaluation des politiques de santé publique, d’un outil comparable aux prestigieux Centers for Disease Control and Prevention américains œuvrant dans la transparence et produisant des connaissances utiles au processus de décision avec l’indépendance scientifique nécessaire.
Son fonctionnement en réseau doit permettre progressivement de mieux associer les médecins à la définition et à la mise en œuvre d’une politique réaliste de santé publique.