L’intégration inattendue
Quel est ce groupe d’une trentaine d’individus qui avance tantôt à petites foulées, tantôt au pas presque cadencé par ce bel après-midi du 2 septembre en plein Paris ? Leur drapeau rouge est fixé au bout d’un bambou et, sur un ordre aboyé par leur chef, ils se livrent à des exercices curieux.
Comme ces excentriques se rapprochent, je lis bientôt « École polytechnique » sur leurs tee-shirts, et celui que j’interpelle me confirme que c’est bien la bonne école, qu’ils sont de la 2012 et qu’ils terminent leur « intégration ».
Je réponds que je suis 64, donc rouje aussi : ô surprise, en plein carrefour, moitié sur le trottoir et moitié sur la chaussée, le groupe entier se jette à plat ventre, enchaîne des séries de pompes et lance à tue-tête : « Chic à l’antique, chic à la rouje !»
Pique-nique à Palaiseau.
Imaginez l’étonnement de mon épouse, des passants et des touristes. Le mien aussi, vite mêlé d’enthousiasme, alors que je les salue et les encourage. Cela dure, ils se relèvent, nous bavardons un peu et, au moment où ils traversent vers le jardin des Tuileries, l’un d’eux risque sa vie en rebroussant chemin pour me demander si, par hasard, je ne serais pas libre le soir même pour me rendre à la soirée prévue à l’École.
Nous cherchons en hâte des vêtements rouges, et nous prenons une voiture rouge
Je suis séduit et nous échangeons des numéros de portable. Un peu plus tard, j’appelle et ai confirmation que l’invitation tient toujours, que le spectacle commence à 20h30 et que nous sommes aussi conviés au pique-nique dès 19 heures. Ma femme et moi cherchons en hâte des vêtements rouges, je remplis un sac rouge d’un bric-à-brac d’objets rouges et nous prenons sa voiture, rouge elle aussi.
Je connais le chemin de Palaiseau et appelle à cinq minutes du but. Ma femme est bluffée par le campus, et voilà la section entière qui nous accueille près du Boncourt, qui entoure la voiture et nous escorte en chantant vers la pelouse entre la cour d’honneur et la pièce d’eau. Surprise et applaudissements des autres sections.
Une requête
« Ayant rencontré un individu rouje lors de sa chasse au trésor, la section 14 de la promo 2012 aimerait bien le montrer ce soir en trophée à Palaiseau, ce qui lui garantira la victoire. »
Nous restons sagement avec nos gardiens et, assis en rond sur l’herbe, avec un coussin rouge (du RER) pour ma femme, nous commençons à bavarder en attendant l’ouverture du buffet. Le moment venu, nous faisons la queue comme tout le monde et partageons hot-dogs, sodas et glaces en répondant aux questions qui commencent souvent par : « De votre temps. »
La jeune promo a passé une semaine agitée pendant laquelle les « TOS » se sont partagés entre les activités de l’administration et celles de la Khômiss 2010. Ils ont peu dormi et certains ou certaines ont besoin d’être rassurés sur le sens de cette semaine particulière. Comme je crois aux vertus du retour sur terre après la joie de la réussite au « plus beau concours de France » je les encourage à prendre du bon côté les marches nocturnes et autres facéties des anciens.
Alors qu’ils font entière confiance à l’École, d’autres ont néanmoins un peu d’appréhension et je leur garantis qu’ils auront bientôt toutes les informations nécessaires sur ce que l’École leur propose et leur apportera.
Tradition et nouveautés
La vidéo des événements de la semaine me réjouit car je trouve dans le programme des élèves un mélange sympathique de tradition et de nouveautés : les lits renversés et les monômes sont éternels, le magnan tangente et la séance de peinture ont disparu, mais l’utilisation d’Internet est nouvelle et la présence des jeunes filles rafraîchit et civilise.
Le démarrage du spectacle a du retard car une section a dû pousser le bouchon un peu trop loin et a été « embarquée » dans un poste de police dont elle a du mal à s’extraire.
Vers 21h30 cependant, en rang avec les autres, nous rejoignons l’amphi Poincaré et prenons place avec « notre » section. L’attente dans le Grand Hall m’a permis de bavarder avec un des commandants de compagnie, qui ne me cache pas son plaisir de s’occuper de jeunes gens de cette qualité.
Arrive la présentation des équipes, de leurs trophées, de leurs trouvailles. Le GénéK est un bon présentateur, mais les prestations de ses acolytes sont de qualité « variable ». La section 14 est appelée en troisième position, et nous savons à peu près ce qui nous attend. Après quelques exercices collectifs, on me donne la parole et je dis brièvement comment ma femme et moi avons été pêchés en plein Paris et notre plaisir d’être là, tout de rouge vêtus. Je déballe mon cabas et fais sourire mon monde avec ce bazar à la Prévert, qui va d’une tomate rouge à une cravate rouge en passant par une serviette jaune (sifflets), un dossier rouge et un stylo rouge.
Les questions commencent souvent par : « De votre temps »
C’est le moment de conclure et je leur dis que la question n’est plus de savoir s’ils sont brillants ou non car « brillant polytechnicien » est une tautologie. Que leur faut-il alors ? Je leur dis : L’imagination, l’humour et, avant tout, l’amour. Applaudissements nourris du public.
La section suivante a déniché une stripteaseuse de talent : je ne regrette pas d’être resté, mais je ne suis plus sûr que la 14 gagnera. La soirée continue mais nous partons bientôt sur des promesses de partage de photos. Elles seront tenues, un dialogue a commencé, j’ai appris que toutes les sections avaient gagné ex aequo et je viens de recevoir de belles photos de La Courtine.
J’ai très envie de revoir ce groupe épatant lorsqu’il rejoindra à nouveau l’École au printemps. J’espère qu’ils l’accepteront ; mais savent-ils que c’est moi qui ai le plus à apprendre ?
La section 14 à La Courtine.
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L’intégration inattendue
Rafraichissant !