L’intelligence des systèmes au service du climat
La Conférence mondiale sur le climat, la COP21, se tiendra à Paris du 30 novembre au 15 décembre 2015. Du point de vue de SPIE, un Groupe européen de services qui place l’efficience énergétique au cœur de son offre, qu’en attendez-vous ?
Du concret. Les incantations sur deux ou trois degrés de réchauffement sont trop vagues. La pédagogie environnementale doit émettre des arguments plus directement convaincants, par exemple la relocalisation industrielle. Il faut favoriser, partout, l’industrie locale et l’emploi local.
La COP21 doit envoyer un message fort sur le prix de l’énergie et un message clair sur le carbone. Le prix de la tonne de carbone s’est effondré. Le monde doit absolument accepter de payer le carbone plus cher.
C’est politiquement extrêmement complexe puisque les pays qui brûlent le plus de carbone sont aussi les moins développés. Mais c’est indispensable et il faudra inventer des systèmes de péréquation.
France, Belgique, Luxembourg – Tesla Motors : installation d’un réseau de superchargeurs permettant de réaliser 50 % de charge en 20 minutes
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L’activité de SPIE dépend à la fois de l’exigence environnementale des entreprises, donc de la vision stratégique de leurs dirigeants, et de la réglementation, donc du courage des responsables politiques. Sur ces deux aspects, quelle tendance observez-vous ?
Pour retourner le reproche qui nous a été souvent adressé, j’ai parfois le sentiment qu’à côté de certaines entreprises qui tentent de penser à long terme, ce sont les politiques qui n’ont en tête que le prochain trimestre.
Regardez l’Allemagne. Elle a arrêté ses centrales nucléaires et brûle du charbon dans 132 centrales ! En France, j’étais favorable à la taxe carbone, une bonne idée respectueuse du long terme, mais elle a été abandonnée pour des raisons politiques.
Même sort pour l’écotaxe, qui proposait aussi une vraie avancée sociétale, une démarche qui avait beaucoup de sens car elle tendait à rétablir le transport dans son vrai coût. Si le transport était facturé à son coût réel, personne, croyez-moi, n’irait fabriquer en Chine des biens pour les transporter ensuite en Europe.
La forte baisse du prix du baril de brut en 2014 a‑t-elle aggravé cette tendance à la négligence énergétique ?
Du point de vue du groupe SPIE, qui propose des solutions d’efficacité énergétique, l’énergie chère est certes un facteur stimulant. Plus l’énergie est chère, plus il est rentable, pour les entreprises consommatrices, d’investir dans nos solutions d’économie, car le retour sur investissement est plus rapide.
Mais attention, il existe des effets délétères. Au début des années 2010, le pétrole cher avait permis l’éclosion de l’industrie des gaz et pétrole de schiste américains, très compétitifs, avec pour effet une relocalisation des industries aux Etats-Unis, au détriment de l’Europe.
Ce désavantage compétitif européen a disparu. Nos clients européens se remettent à investir en Europe. Ils savent que la baisse du baril en 2015 n’est qu’un répit et, qu’à terme, le pétrole repartira à la hausse. Ils sont conscients de la nécessité de ne pas trop différer les investissements dans les économies d’énergie.
Où sont les plus grands gisements d’économies d’énergie ? Dans l’industrie, les services, le transport, les municipalités, chez les particuliers ?
Les deux grands gisements sont le bâtiment et le transport. Mais des opportunités d’efficience, il y en a partout. Le niveau général d’exigence augmente. Par exemple, il est de plus en plus ardu de louer des immeubles de bureau affectés d’une mauvaise performance énergétique. Les véhicules électriques, les transports urbains plus accessibles dans la ville intelligente, ce sont des victoires de l’efficacité énergétique.
PIE travaille avec tous les secteurs, que ce soit une charcuterie industrielle en Allemagne, une distillerie de whisky en Ecosse ou l’hôpital de la Charité à Berlin. Les gains possibles sont considérables.
En matière d’éclairage public urbain, il est facile d’économiser 50 % de la consommation, en partie grâce à de nouveaux équipements mais surtout grâce à un pilotage beaucoup plus fin, qui consiste à abaisser le niveau d’éclairement dans une rue entre telle et telle heure de la nuit. Les luminaires peuvent être réglés un par un, grâce aux technologies numériques. Cergy-Pontoise, avec les 13 communes de sa communauté d’agglomération, est à cet égard un chantier emblématique.
Dans le domaine industriel, les Data Centers (centres de données) sont devenus les principaux dévoreurs d’énergie.
C’est vrai, certains « Data Centers » veulent même s’installer à proximité des centrales électriques, pour disposer de toute l’électricité nécessaire et réduire le risque de transport. Mais soyons clairs, les systèmes de communication et le traitement de la data sont des composantes essentielles d’une société moderne, énergétiquement sobre et efficace. SPIE déploie des solutions de télétravail, de télémédecine, d’éclairage et de mobilité intelligents qui nécessitent puissance de calcul et de stockage.
Dans les entreprises, les systèmes de calcul sont au cœur de leurs processus. Mais les baies informatiques transforment toute l’énergie qu’on leur apporte en chaleur qu’il faut évacuer. Si la climatisation tombe en panne, en une heure, la température atteint 50°C et il faut tout stopper, de peur de griller le système.
Des progrès majeurs ont été réalisés. Il y a dix ans, pour refroidir un centre de calcul, il fallait, en climatisation, deux fois la puissance informatique installée. Maintenant, le ratio est tombé à 1,2, voire 1,1. Au lieu de refroidir tout le bâtiment, on refroidit uniquement la baie. C’est une de nos spécialités.
Avec l’irruption des énergies renouvelables, la production et le transport de l’électricité vont être décentralisés. Pour SPIE, quelles sont les menaces et les opportunités ?
Dès que le modèle change, c’est une opportunité pour SPIE. Le renouvelable est notre univers. On a intégré beaucoup de photovoltaïque, beaucoup de méthanisation en Allemagne, de la biomasse dans le sud de la France, de l’éolien « off-shore » au Danemark, du « on-shore » aux Pays-Bas.
Ce sont des sources décentralisées qui bouleversent l’architecture du réseau. SPIE réalise toute l’intégration, y compris le raccordement au réseau. Et puis, comme c’est de l’énergie intermittente, il faut que le système communique finement avec le réseau, ce qui impose une couche de systèmes d’information.
Royaume-Uni – IKAROS : réalisation de trois centrales photovoltaïques dans le sud du pays, d’une production totale de 28 MVA, soit l’alimentation de 10 000 habitations.
SPIE est précisément un expert de « l’intelligence des systèmes ». Comment cette intelligence s’articule-t-elle avec l‘enjeu climatique ?
Prenons l’exemple d’un bâtiment. Pour y économiser l’énergie, il faut faire fonctionner différents systèmes, et leur permettre de communiquer entre eux. Pour surveiller les niveaux de température et réduire celle-ci en fonction du temps, gérer l’ouverture de volets automatiques, couper l’éclairage dans une salle si elle est vide grâce à des détecteurs de présence, il faut installer des protocoles IP qui raccordent tous ces systèmes, les surveillent, vérifient la cohérence des points de consigne donnés aux différents éléments.
Autre exemple : la voiture électrique. SPIE vient de nouer un partenariat avec IBM pour mettre au point un système de supervision des bornes de recharge des véhicules électriques.
Il ne suffit pas de connecter les bornes au réseau électrique, il faut aussi pouvoir contrôler leur bon fonctionnement. Il y a donc une expertise de communication à apporter. Il faut également aller jusqu’au consommateur, lui indiquer sur son Smartphone qu’il y a une borne à tel endroit, qu’elle est libre, lui dire comment réserver et payer d’avance. Là encore, au réseau électrique traditionnel, il faut rajouter l’informatique et la communication.
Par ailleurs, amener la capacité de communication et d’intelligence aux foyers est un enjeu majeur pour les nouveaux services aux personnes. Aussi, nous déployons beaucoup de FTTH (Fiber to the Home) aux Pays-Bas, en Suisse, en Allemagne ou en France. Cela permet, par exemple, aux personnes âgées ou malades de rester chez elles plus longtemps grâce à la télésurveillance, la détection d’incidents et l’alarme.
Dans tous les cas, l’intelligence des systèmes est au cœur de notre offre.