L’Invitation au château
Il y a toujours un grand charme à écouter, et regarder, de bons comédiens jouer Anouilh. Ce fut le cas cet été, où Jean-Claude Brialy et son festival d’Anjou nous auront enchantés avec L’Invitation au château.
Je suis de ceux qui pensent que le bon théâtre doit toujours réserver une part à la féerie. La scène est un lieu d’irréalité, et n’a pas à redouter de s’affirmer telle ; quoi de plus irréel que les comédies de Shakespeare, les farces de Molière ou certaines des tragédies bien échevelées de Corneille, qui tant émerveillaient Brasillach ? L’extravagance des situations, poussée jusqu’à l’invraisemblable, voire le farfelu, est le théâtre même, à condition pourtant que les dialogues, jaillissement d’humour ou de poésie selon le genre, demeurent ancrés dans le naturel.
Pour avoir saisi cette loi universelle du théâtre, et s’y être plié avec le respect que donne la maîtrise d’un métier – quel qu’il soit d’ailleurs – Anouilh est, à mon sens, l’un des plus grands dramaturges de l’histoire du théâtre.
Le sujet de L’Invitation au château n’a ni queue ni tête, mais peu importe du moment que l’œil, l’oreille et l’esprit y trouvent leur compte. Ils l’y trouvent et, en l’occurrence, la mise en scène de M. Brialy ajoutait à la fascination par son naturel et son exquise fidélité au texte.
M. Nicolas Vaude interprétait les jumeaux Horace et Frédéric, passant du cynisme du premier à la candeur timide du second avec tant d’aisance que c’en était une fête.
M. André Falcon nous donnait un financier désabusé, las de gagner des millions, d’avoir mal au foie, de ne boire que de l’eau, de ne manger que des nouilles sans beurre, mais ébloui de rencontrer, pour la première fois de sa carrière, une ingénue – ravissante d’ailleurs – qui n’aime pas l’argent et déchire les billets de banque, à la respectueuse stupéfaction d’un maître d’hôtel si bien stylé que, de sa vie, il n’a osé s’asseoir dans un fauteuil de salon.
Le reste de la distribution était à l’avenant, sans aucune faiblesse ni fausse note.
De l’excellent théâtre. Si la pièce est reprise cet hiver, sur une scène parisienne ou ailleurs, comme ce fut le cas pour le Château en Suède du festival d’Anjou 1997, je ne manquerai pas de vous le signaler, pour que vous y couriez. Vous y trouverez en effet bien du contentement